Vendredi, alors qu’Alexis Tsipras présentait aux 300 députés de son Parlement le programme de reformes soumis la veille aux créanciers du pays, des milliers de Grecs se sont rassemblés en face de l’enceinte, sur la place Syntagma. Ils sont venus exprimer leur opposition à un texte de propositions qu’ils jugent identique à celui déjà avancé par la Troika et rejeté massivement lors du référendum du 5 juillet.
« Nous avons l’impression que Tsipras n’a pas compris le résultat du référendum. Pourtant, c’était un ‘non’ sans ambigüité possible. Comment peut-il l’ignorer et tenter de faire passer, quelques jours plus tard, le même texte ? », demande déconcerté Stefanos Grigorakis, chef de chantier. « Il retourne sa veste. En l’espace de très peu de temps, Tsipras est passé de héros à traitre », poursuit-il en gesticulant dans tous les sens. Comme lui, ils sont des milliers de Grecs déçus et contrariés.
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« Tsipras était l’espoir d’un changement qui s’écroule »
Ce soir, malgré la mobilisation, le cœur n’y est pas. La désillusion est à la hauteur de l’espoir suscité par leur Premier ministre quelques semaines plus tôt. Sous les drapeaux du parti trotskiste Antarsya Mars, Gianis Trantos et Vassilis Athanassiou 24 ans, ne cachent pas leur déception. « Même si nous n’avons pas voté Syriza, son élection sonnait comme une victoire dans une Europe très marquée à droite et le référendum comme un geste fort envers le peuple », commence Vassilis. « Le référendum avait un sens mais pas celui que notre Premier ministre lui a donné. Il agit comme si le ‘oui’ l’avait remporté. Notre génération n’a pas de futur en Grèce pourtant Tsipras était l’espoir d’un changement qui s’écroule. Nous avons cru à son désir de faire de la politique autrement. C’est un bel échec », tranche Giannis, étudiant en psychologie.
C’est principalement cette jeunesse durement touchée par le chômage et bercée depuis longtemps par l’austérité qui a massivement voté « non » au référendum (67%). « Tous nos jeunes partent. C’est pour eux que la situation est la plus dure. Mon fils de 21 ans fait des études de médecine, et la seule chose à laquelle il pense, c’est quitter le pays », se désole Papas qui soutient le syndicat PAME. « Je ne m’attendais pas à ce que Tsipras baisse son pantalon et vote des mesures que tous ses prédécesseurs ont déjà votées. Il a préféré faire la paix avec l’UE », continue le vieil homme au visage doux que la colère n’assombrit pas.
Maria 62 ans, elle, ne décolère pas. Depuis qu’elle a perdu son emploi en 2009, seule la maigre retraite de son mari leur permet de vivre. « Nous devons composer avec 350 euros par mois et nous sommes loin d’être les seuls. Tsipras nous a donné la parole le 5 juillet mais il ne l’a pas écoutée. On nous parle encore de coupes dans les retraites, de hausse de la TVA et de privatisations à tour de bras. Nous ne pouvons plus continuer dans cette situation, ce n’est pas une vie. Est-ce que ce serait vraiment pire si nous retournions à la drachme ? Nous sommes déjà plus bas que terre ».
L’électorat de Tsipras est plus mesuré
C’est finalement du côté de son électorat qu’Alexis Tsipras trouve le plus de soutien. Si l’on ne cache pas sa frustration, on tente de comprendre sa position. « Je pense qu’il n’a pas eu le choix. Soit nous allions vers une banqueroute soit nous allions vers un compromis. La Grèce n’a pas les moyens de sortir de l’euro ou de l’Union européenne. Nous avons besoin de cette aide pour réformer notre pays », avance Antonios Kaisaris, 20 ans.
Même son de cloche chez Marios, 22 ans : « Tsipras a fait face à un chantage violent. S’il n’acceptait pas de se plier aux demandes des autres dirigeants, on courait vers un Grexit, l’équivalent d’une chute sans fin. Je pensais qu’il se battrait plus mais malheureusement, il est seul, il n’a pas pu s’imposer ».
Aux alentours de 23h, alors que la place se vide doucement, un groupe de quarantenaires continue de débattre. Ils représentent l’électorat le plus à gauche de Syriza. « Tsipras n’a ni le courage ni les armes d’aller au bout. Nous ne sommes pas les seuls déçus d’une promesse de changement qui a suscité beaucoup d’espoir dans d’autres pays. Il a perdu à son propre jeu », avance Makis, 44 ans. « Même si son programme est validé par notre Parlement, tout reste ouvert jusqu’à dimanche. Attendons de voir », tempère Costas, professeur dans un collège public.
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