Grandes, petites, grosses, poilues, tatouées, pendant leurs règles, dans leur lit… A 27 ans, Cécile Dormeau représente des femmes à l’opposé des stéréotypes de genre dans des illustrations colorées. Rencontre.
Cécile Dormeau dessine les femmes telles que nous n’avons pas l’habitude de les voir. Poils, vergetures, règles, bourrelets et dépression font partie intégrante de ses illustrations fraîches et colorées. Un seul objectif, montrer les femmes comme elles sont, et non conformes à la version parfaite qu’imposent la publicité et les médias.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Quand as-tu commencé à dessiner des femmes ?
Cécile Dormeau – Je dessine depuis toute petite. A l’adolescence je commençais déjà à faire pas mal d’autoportraits sur mes complexes. J’ai bossé en Allemagne dans des agences de graphisme et de publicité, et quand je me suis encore retrouvée au chômage, comme je ne trouvais pas de travail, j’ai décidé de me lancer dans ces illustrations qui me tenaient à cœur sur la représentation des femmes. Les représenter comme elles sont avec leurs « imperfections ». Quand j’ai vu à quel point mes amies, mes sœurs se plaignaient tout le temps de ce qui n’allait pas dans leur corps et moi la première, j’ai commencé à illustrer là-dessus. Je m’inspire surtout de femmes autour de moi ! Mes sœurs, mes amies, mais aussi des filles que j’ai croisées dans la rue ou dans le métro, et moi même aussi.
Un complexe en particulier ?
Au tout début, avant d’élargir sur tous les complexes, j’ai surtout dessiné des filles grosses parce que j’ai tellement vu des filles de mon entourage souffrir de fatshaming (le fait d’être culpabilisé par rapport à son poids) que je voulais dessiner des femmes grosses, belles, séduisantes, bien dans leur corps, épanouies et heureuses. Montrer que « grosse » n’est pas une insulte. Dans beaucoup de films, séries, on montre encore tellement les gros comme des personnes moches et incapables de trouver l’amour, que je voulais vraiment montrer une autre image. Que ce sont des personnes comme tout le monde ! Beaucoup de gens m’ont demandé de me justifier en disant « Pourquoi tu dessines des grosses?« , car la normalité c’est de représenter des gens minces. D’où la nécessité de représenter différents modèles.
Est-ce que tu essaies de montrer les « vrais » corps et les » vraies » préoccupations des femmes par opposition à ce qu’on voit dans la publicité et les médias ?
C’est sûr que dans les publicités et les médias, on ne verra jamais des filles poilues, même dans les pubs pour s’épiler, ou avec des bourrelets ou des vergetures. Du coup, beaucoup de femmes ont tendance à se trouver horribles si elles en ont, alors que c’est tout à fait normal. Ado, quand je piquais le magazine féminin de ma petite sœur, je me comparais aux meufs photoshopées dedans et je me trouvais répugnante. J’ai vraiment voulu tourner en dérision tous ces complexes, toutes ces critiques qu’on peut avoir envers nous-mêmes.
Quel message entends-tu faire passer par ces dessins ?
Les critiques qu’on peut recevoir quant à notre physique peuvent être hyper agressives et très blessantes, et j’aimerais que mes illustrations soient comme une sorte de câlin virtuel pour dire aux gens qu’ils ne sont pas seuls à lutter contre leurs problèmes et leur manque de confiance en eux. De leur dire qu’ils sont très biens tels qu’ils sont avec leurs défauts et leurs qualités. On vit dans une société obsédée par l’image, l’apparence, donc mon message au final, c’est quand même de montrer aux femmes qu’elles sont bien plus qu’un physique, que c’est ce qu’elles sont et ce qu’elles font qui les rendent super et non ce à quoi elles ressemblent. Si les gens arrivent à se reconnaître et à rire dans mes illustrations j’espère que ça peut les aider à s’accepter plus facilement, à dédramatiser leur image et à se questionner sur ce que la société attend de nous.
Rire peut être une solution aux complexes ?
Rire de ce qui nous fait peur, de ce qui nous fait mal, ou de ce qui nous oppresse est pour moi la meilleure façon de se valoriser, de prendre confiance, et aussi de rendre les gens plus conscients envers certains problèmes, comme mes gif sur le harcèlement sexuel par exemple. Je parle beaucoup des émotions aussi dans mes illustrations, surtout celles considérées comme négatives. Avec les réseaux sociaux, on veut montrer une image de soi toujours heureuse, positive et brillante, sans jamais un seul nuage. Mais bon là aussi, c’est normal d’être parfois triste, déprimé ou énervé, et il n’y a pas à se sentir coupable pour ça. On ne peut pas toujours tout contrôler et il faut accepter et s’autoriser à aller mal de temps en temps.
Te considères-tu comme féministe ?
J’avais bien aimé la réponse de Maisie William quand on lui avait posé la même question: « J’ai l’impression qu’on devrait arrêter d’appeler les féministes des ‘féministes’ et, à la place, nommer ceux qui ne le sont pas des ‘sexistes’ – tous les autres sont simplement humains. On est soit une personne normale soit une personne sexiste. Les étiquettes sont pour les mauvaises personnes.” Le féminisme c’est l’égalité entre les hommes et les femmes alors pourquoi coller une étiquette sur quelque chose de normal ?
{"type":"Banniere-Basse"}