Dans un monde d’images, « Tyrsa », le blaze du talentueux typographe Alexis Taieb, s’est fait le synonyme incontesté de la montée en puissance de la typographie. Rencontre.
« Sorry, je suis à LA ! » On pensait boire un café avec lui l’après-midi même mais non, Alexis Taieb est à Los Angeles. Evidemment, il y est pour affaires. Il faut dire que depuis 5 ans, ceux qui n’auraient pas croisé son éternel sweat à capuche ont immanquablement aperçu ses travaux, disséminés aux quatre coins de l’Hexagone. Les logos de Mouv’ ou de Yard ? C’est lui. La crème de la crème de Kim Chapiron ? Encore lui.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Homme de lettre
Mi-D.A., mi-typographe, le discret Alexis Taieb, rare en interview, s’amuse à cultiver le mystère sous le pseudonyme de Tyrsa, préférant souvent laisser ses nombreuses créations parler pour lui. Une pudeur que le garçon de 32 ans tire de son passé de graffeur : « personne ne le sait vraiment, mais ma passion pour le dessin est née dans les rues de Caen » se souvient le Parisien qui a vécu toute son adolescence en Normandie. « Ma première bombe de peinture, c’était à 15 ans… et je ne l’ai jamais lâchée. »
Philosophie bien plus que simple passion, Tyrsa s’imprègnera très tôt de cette culture née de la rue, s’attelant à se forger un style bien à lui. « Dans le milieu de graf’, chaque artiste cherche à laisser sa propre empreinte. Moi, j’ai tout misé sur la lettre. » Des créations alambiquées et presque illisibles dont il recouvre alors les abords des terrains vagues et les nombreux blockhaus des plages de sa région. « Déjà à cette époque, j’étais capable de passer plus de deux heures sur mon lettrage ». Le bac en poche et de retour à Paris, il s’orientera donc instinctivement vers des études artistiques qui le conduiront tout naturellement à la typographie.
« Les débuts ne sont pas glorieux : comme tout le monde, je fais quelques flyers pour les potes et me débrouille avec des stages ». Sauf qu’Alexis se démarque chez les bons. Après une dernière année aux Gobelins, il décroche une place de graphiste aux Guignols de l’info. En quelques saisons, le jeune graphiste étoffe son carnet d’adresses tout en se consacrant en parallèle à un blog qui rassemble ses essais typographiques.
Arrivé au bon moment
Banco : le restaurant Barbershop, repère branché du 11ème arrondissement, le remarque et lui confie en 2013 l’intégralité de sa direction artistique à quelques semaines de sa ré-ouverture. Pour Tyrsa, c’est l’explosion. « Je n’aurais pas pu trouver meilleur support de diffusion : chaque jour, des centaines de personnes ouvraient un menu dans lequel ils découvraient une illustration signée de mon nom. »
Parce qu’au-delà de son talent, Alexis est arrivé au bon moment. Et qu’après avoir été délaissée au profit des logos XXL emblématiques de la fin des années 90, la typographie a muté pour, insidieusement, revenir à ses terrains d’expression favoris, des packagings de la grande distribution aux petits commerces. « Aujourd’hui, les marques ont besoin de se positionner positivement, avec des discours plus chaleureux, relève Clément Durou du duo We Are From LA, et la typographie manuscrite s’inscrit dans cette tendance générale de proximité avec le public. »
« L’impact de la typographie chez les gens »
En 10 ans, Tyrsa a donc mis son talent au service de clients aussi divers que variés, boostant de ses créations les collections de prêt-à-porter de Bleu de Paname et du new-yorkais Aimé Leon Dore, le club de running féminin Nike Women, le logo d’Oxmo Puccino, les bouteilles de vin du producteur Jéremy Recchione, mais aussi des campagnes d’intérêt général, comme l’ONU ou Médecins Sans Frontières dans lesquelles il s’illustre gracieusement.
« J’ai progressivement pris conscience de l’impact de la typograhie sur les gens… » résume Tyrsa. Car l’exercice séduit les marques, mais aussi leurs consommateurs, qui ont découvert grâce à lui un métier qui, à l’ère du tout digital, flirte avec l’artisanat. Sur Instagram, son compte @Tyrsamisu dénombre ainsi plus de 50.000 abonnés qui suivent avec respect les pleins et les déliés du graffeur, qui a été l’un des premiers à mettre en avant les différentes étapes de « fabrication » de ses travaux, des premières esquisses au résultat final. « Sans le savoir, c’est aussi grâce à cette forme d’honnêteté que j’ai donné de la valeur à mes projets », note Tyrsa.
Et Los Angeles ? « L’appel du grand large ! » s’amuse celui qui avoue se sentir aujourd’hui à l’étroit dans un Paris qu’il connait par cœur. Exilé pour 3 mois en repérages, le garçon se plait dans cette culture « qui n’a pas peur de valoriser l’ambition ». La preuve : d’ici quelques mois, Tyrsa lancera son propre studio de création. Histoire d’écrire… une nouvelle page de son histoire.
{"type":"Banniere-Basse"}