Si S.Pri Noir, rappeur au disque d’or, a gagné le surnom de “prince du son et de la sape”, c’est pour sa force à proposer une élégance hip-hop, locale et unique en son genre. Aujourd’hui égérie Kenzo, il discute de sa masculinité qui s’assume par la différence.
Discret sur son enfance, S.PRI NOIR s’avère plus locace quand il s’agit d’évoquer la fonction de la mode dans le hip-hop. Le jour de notre entretien, il porte une paire de baskets Versace, un jean violet délavé et un blouson bomber de sa propre confection. De fait, il s’inscrit dans une longue histoire de masculinité hip-hop pour laquelle la sape est capitale, symbolique, performative. La différence ? Si on a vu ces dernières années, à l’instar de Kanye West ou A$AP Rocky, une culture street américaine s’imposer sur les podiums et aux premiers rangs des défilés, la France, elle, a longtemps snobé (voire tout fait pour décourager) sa propre scène locale. Aujourd’hui, looké jusqu’à la pointe de ses lacets, S.Pri Noir démontre une nouvelle porosité entre style et rap local. A la fois égérie d’Adidas, Beats by Dre, et plus récemment Kenzo, il donne à voir une allure qui ne s’inspire ni des US ni d’un passé fantasmant les années 1990. Rencontre.
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Quels souvenirs “mode” avez-vous de votre adolescence ?
J’ai été très inspiré en grandissant par P. Diddy et Jay-Z parce qu’avec eux il ne s’agissait pas seulement de sapes : leurs tenues avaient une attitude, leur allure dégageait quelque chose de puissant, dans la façon de porter chaque pièce. Je n’avais pas de thune alors je choisissais chaque année une paire de chaussures qui devenait l’accessoire central et que je portais jusqu’à la mort. J’ai surtout cherché à comprendre comment avoir du style avec peu de moyens.
Avez-vous une philosophie, une façon de faire qui vous est propre lorsque vous vous habillez ?
Dans l’idée, je pense qu’il faut tenter l’improbable et le détourner. Seul chez moi, j’essaie des trucs (rires). Un porter a priori trop serré, une combinaison de couleurs, un pantalon taille haute ; j’achète plein de pièces dans les rayons féminins mais que je porte en XXL.
D’où vient cette fascination de la presse pour votre style ?
Je pense que j’ai toujours été en marge, dans une certaine différence, dans la quête d’une masculinité propre à moi, qui s’assume par la différence.
Avez-vous un autre rapport au vêtement sur scène ?
Oui, il fait intégralement partie du show, je me change entre les morceaux, en trente secondes maximum. Le vêtement marque l’univers, le complète, c’est quelque chose d’essentiel, dans les comédies musicales par exemple. Mais cette vision de la mode, c’est encore et surtout de Jay-Z qu’elle me vient. Quand j’étais plus jeune, je regardais en boucle le DVD de son concert d’adieu qui annonçait la fin de sa carrière ; les décors et les looks changeaient en permanence, c’était un vrai showman, et on assistait à un spectacle complet que la mode avait aidé à mettre en place.
Vous êtes égérie Kenzo depuis cet hiver, qu’aimez-vous dans la marque ?
Tout à fait, j’incarne la collection Memento no 3. J’aime l’audace dans leurs couleurs et leurs associations.Et puis surtout, Kenzo, pour moi, c’est la marque des tontons, des papas, c’est ancré dans la culture afriCaine, ma famille était trop fière quand la marque m’a contacté (rires).
Avez-vous l’impression que cet intérêt pour la mode est nouveau en France ?
Partout dans le monde, le rappeur a toujours été coquet. L’artiste français assume d’aimer la mode, il est un gros consommateur, mais la différence est qu’aujourd’hui les réseaux sociaux fournissent une plate-forme de visibilité et il est possible de se montrer, seul, depuis son compte. Avec les réseaux sociaux Instagram et Snapchat, c’est la course à la dernière pièce et aujourd’hui on peut se connecter à d’autres communautés grâce à ce langage.
Vous collaborez avec beaucoup de marques, avez-vous déjà craint d’être accusé de vous être “vendu” ?
Pas du tout, je suis ouvert aux collaborations. Elles ne sont pour moi ni un tabou ni une façon de se vendre mais, bien au contraire, de véritables sources de fierté, une preuve de reconnaissance de qui l’on est et du parcours qu’on a accompli. Le milieu du foot le fait sans cesse et c’est totalement accepté.
En plein mouvement #MeToo, qu’est-ce que ça fait d’être artiste de rap, un milieu qui n’est pas franchement le moins sexiste ?
Je n’ai jamais été sexiste. Je respecte, ma mère, mes sœurs, mes cousines, et toutes les femmes.
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