A la tête de l’agence de communication Ritual Projects installée à Paris, la Texane conseille des labels précurseurs.
D’origine texane et passée par Londres et Athènes, Robin Meason est un nom connu par tous les insiders de la mode, et pour cause. Son agence de communication et bureau prescripteur Ritual Projects promeut celles et ceux qui sont devenus les figures de proue de l’avant-garde parisienne : on lui doit l’explosion de la marque Vetements ; elle conseille et représente aujourd’hui les labels précurseurs Y/PROJECT, GmbH, Ottolinger, Li-Ning ou encore Anaïs Jourden.
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Son œil infaillible et son refus des conventions ont fait d’elle un emblème de l’underground parisien et, selon le site The Business of Fashion, l’une des 500 personnes qui façonnent la mode mondiale.
Avez-vous toujours voulu travailler dans la presse et la communication ?
Robin Meason — Je ne savais même pas que ce genre de métier existait. Avant tout, je voulais vivre à Paris. Je suis venue en tant que jeune fille au pair et je me suis fait des amis étudiants en stylisme qui m’emmenaient à des défilés, dans leur studio, et c’est là que j’ai commencé à leur donner des coups de main. J’aimais la mode pour l’expression et l’acceptation de soi qu’elle permet, et j’adorais l’idée de soutenir des projets créatifs dans lesquels je crois. De fil en aiguille, j’ai rejoint un bureau de presse à Londres et plus tard à Paris.
Comment est né Ritual Projects ?
J’ai lancé l’agence il y a six ans. Je venais de quitter le bureau Cristofoli, qui représente des jeunes talents, et je suis partie en voyage à Los Angeles et en Australie, où j’envisageais de déménager, mais je ne rencontrais que des gens cherchant un ancrage à Paris. En revenant ici, j’ai regardé la ville d’un autre œil. Diverses marques émergentes m’ont dit qu’elles aimeraient travailler avec moi. Alors j’ai commencé seule avec mon ordinateur portable, dans un espace prêté, et l’histoire a débuté comme ça.
Quel genre de contact établissez-vous avec vos clients ?
Jusqu’ici, je n’ai démarché personne, les gens sont venus à moi, souvent par le biais de connaissances communes. Quand je travaille avec une marque ou un créateur, je cherche à promouvoir sa culture, sa créativité, ses qualités. Tout cela demande un travail intense. Le reste en découle naturellement. Je n’ai pas besoin que l’on devienne les meilleurs amis, mais c’est primordial pour moi qu’il y ait une sensibilité partagée, que je ressente une vitalité dans leur histoire, leur héritage, leur savoir-faire, avec de vraies valeurs. Mon approche est aussi personnelle que possible. Je ne veux pas établir la moindre hiérarchie entre mes clients ou donner plus d’attention à l’un qu’à l’autre. Mon but est d’établir des relations sur le long terme.
Vous représentez le label Y/PROJECT, lancé en 2010, mais qui connaît aujourd’hui un succès sans précédent sous la direction artistique de Glenn Martens. Comment cette histoire s’est-elle nouée ?
En 2013, le fondateur Yohan Serfaty venait de décéder. Nous avons décidé, avec Glenn Martens, nommé pour assurer sa succession, d’opter pour une transition lente, délicate, respectueuse et honnête, pour ne pas brusquer la clientèle habituelle. Glenn m’a frappée par son approche inclusive et éclectique. Il venait de Belgique, vivait à Bastille, s’intéressait à la culture de banlieue et a su amener, doucement mais sûrement, la marque vers une esthétique conceptuelle unique et riche en références historiques.
Il a cité dans ses collections la Belle Epoque, le Moyen Age, la Renaissance de façon très actuelle, depuis la coupe d’un col jusqu’à des écharpes de footballeurs ornées du visage de Napoléon. Il cherche à habiller une multiplicité de femmes, qui travaillent ou sortent en rave, des profils diversifiés, qui le passionnent tous autant.
Vous avez été l’une des personnes clés à l’origine du succès détonant du label Vetements. Comment vous êtes-vous retrouvée à travailler avec la marque ?
Un ami m’a dit qu’un de ses proches lançait une marque, que j’allais l’adorer et qu’il voulait me rencontrer. Il s’agissait de Demna Gvasalia, qui montait le label Vetements. L’entente a été immédiate : nous avions des références musicales communes, nous nous sentions tous les deux comme des outsiders et nous avons commencé à travailler ensemble le soir même. Chaque pas, chaque article était une victoire.
L’effet boule de neige était dû à la contemporanéité encore peu vue des coupes, du streetwear, des décalages, des jeux autour de matières populaires. Soudain, Kanye West et Kim Kardashian passaient essayer des pièces au studio. Voilà que la marque la plus en vue de la mode était dans ma petite structure et non dans une grosse machine. C’était un entraînement incroyable pour moi.
Comment travaillez-vous avec la presse ?
Je ne contacte jamais les gens de façon forcenée et anonyme, mais pense à l’aspect qui pourrait intéresser chaque personne spécifiquement. Je n’ai pas de formule secrète, je suis respectueuse et intéressée par la singularité de chacun. Etant moi-même étrangère, je cherche à saisir les cultures des uns et des autres pour comprendre comment dialoguer avec eux.
Je ne veux pas enquiquiner les gens ou les harceler, je cherche à respecter les limites de tous. Et puis je ne veux pas devenir un cliché de mode mondaine, avec ses “ma chérie”, ses “darling”. Je cherche avant tout à avoir une touche personnelle, une sensibilité et une intégrité dans mon approche.
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