Le clip dans lequel elle tourne en dérision les clichés sexistes dans le milieu du surf a été vu presque 300 000 fois. La surfeuse pro Pauline Ado nous raconte son parcours.
Le surf est rarement visible dans l’espace public national autrement qu’à travers les marques qui en cultivent le style. Cette année pourtant, il y eut au moins trois exceptions : la une du magazine du Monde consacrée à la « guerre des spots », l’impressionnante vidéo de l’attaque par un requin blanc de Mick Fanning lors de la finale du J-Bay Open, et… le clip dans lequel la surfeuse française Pauline Ado tourne en dérision les clichés sexistes dans son sport.
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Même Roselyne Bachelot l’a vu
Celui-ci a cumulé en deux mois presque 300 000 vues. En moins d’une minute, la jeune surfeuse se moque allègrement de la mise en avant parfois excessive du corps des surfeuses au détriment de leurs performances sportives en tant que telles. Avec Take my breath away – la musique glamour du film Top Gun – en fond sonore, le spectateur est mis dans une situation de voyeur suivant les déambulations en bikini de la surfeuse, dont les formes épatent la galerie au bord d’une piscine, avant qu’elle ne l’apostrophe subrepticement : « Bon, c’est fini les bêtises maintenant ? Je peux aller surfer ? ». La vidéo passe alors aux choses sérieuses, sur un riff de Meshuggah : tubes, rollers et autres cut backs.
Mais qui est la surfeuse un brin anticonformiste à l’origine de ce buzz qui fit réagir jusqu’à Roselyne Bachelot sur Direct 8 ?
« J’ai attrapé le virus à 8 ans »
Originaire d’Hendaye, sur la côte basque, la jeune femme aujourd’hui âgée de 24 ans a vite gravi les échelons du surf pro féminin. Actuellement 19e au classement mondial, elle a de nombreux titres à son actif: double championne du monde Junior, multiple championne d’Europe, et vainqueur du Pro Anglet 2015 notamment.
« J’ai commencé le surf à l’âge de 8 ans sur la plage d’Hendaye, raconte-t-elle. J’ai toujours été très sportive et je passais mes étés à jouer dans les vagues avec un bodyboard. Après avoir essayé le tennis et le foot… j’ai demandé à mes parents d’essayer le surf. J’ai attrapé le virus ! »
Son Bac en poche, elle décide de suivre le circuit professionnel à plein temps – une envie qu’elle convoite depuis ses 13 ans, âge auquel elle participe à ses premiers championnats du monde junior. Depuis, elle enchaîne les titres, jusqu’à cette année marquée par sa victoire à Anglet – où elle réside désormais – à la première édition du Pro Anglet (une épreuve de la World Surf League), et son titre européen.
« Je suis fan de sport en général »
Pauline Ado ne s’intéresse cependant pas qu’au surf. En juin dernier elle s’inquiétait par exemple sur Twitter de ne pas pouvoir regarder Roland-Garros depuis l’étranger.
« Je suis fan de sport en général, je m’intéresse aux performances d’athlètes de beaucoup de disciplines, confie-t-elle. Et je suis toujours partante pour essayer plein de sports différents. Je n’ai pas changée depuis mon enfance finalement… Mon dernier essai a été une course de stand up paddle sur la Seine. Une belle expérience ! »
Quelques mois avant cette session originale à Paris, Pauline Ado était au Costa Rica pour l’opération Green Miss, organisée par Planet Blow, qui vise à faire passer un message écologique et à sensibiliser les gens aux écosystèmes du pays.
C’est alors que germe l’idée de la vidéo qui a fait le buzz cette année et l’a fait connaître au-delà du public de niche des fans de surf. Elle en raconte ainsi la genèse : « C’est partie d’une conversation drôle sur l’image du surf féminin, qui au final s’est concrétisée. C’était une manière légère et décalée de parler d’un sujet sérieux ». Le réalisateur et caméraman Sylvain Demercastel – co-fondateur de Planet Blow, mais aussi surfeur – , en est l’auteur. « En discutant on s’est mis d’accord pour faire passer un message de manière humoristique et décalée, relate-t-il. Evidemment que c’est agréable de regarder les filles en maillot, le problème c’est que bien souvent les surfeuses sont réduites à ça. Certains prétendent même qu’elles sont sponsorisées juste parce qu’elles ont un beau cul, ce qui est lamentable – et cela ne concerne pas seulement le surf féminin ».
« Prendre le contre-pied de cette course au buzz en général »
Une manière de prendre le contre-pied d’une surfeuse comme Anastasia Ashley, qui joue énormément de ses charmes ? Ou des vidéos de promotion de compétitions officielles féminines qui ne montrent jamais les surfeuses en actions ? « Je dirais plutôt que c’est une manière de prendre le contre-pied de cette course au buzz en général où l’on utilise de façon abusive l’image sexy de la surfeuse », nuance Pauline Ado. La Fédération française de Surf (FFS) a salué l’initiative sur son compte Facebook : « Quand Pauline Ado fait un contre-pied aux clichés trop sexistes du surf féminin, ça donne un clip qu’on adore! Fini les bêtises, ‘Popo’ va surfer!! »
Avant de retrouver Pauline Ado au Costa Rica, Sylvain Demercastel la croisait à Anglet, où il résidait également, et où il allait chez le même shaper qu’elle. Il la tient en estime depuis qu’il a fait sa connaissance au Costa Rica : « C’est quelqu’un d’atypique dans le milieu parce qu’elle est ouverte, elle s’intéresse aux problématiques environnementales, elle est sérieuse mais a du recul, du second degré, elle n’est pas dans la superficialité de l’image ».
« A l’eau, elle a beaucoup de respect pour les gens, elle ne saute pas sur toutes les vagues. Et elle m’a même donné des conseils sur mon surf, pour que je m’améliore », se souvient le réalisateur.
« Mon principal objectif est de me re-qualifier sur le WCT en 2017 »
A l’avenir, comment le surf fera-t-il parler de lui ? On peut d’ores et déjà prédire que le remake de Point Break – film culte qui a révélé la culture surf à toute une génération en 1991 – en donnera à voir quelques images impressionnantes en 2016, même si éventuellement peu réalistes. Pauline Ado confie n’avoir vu le film original que récemment : « Ce n’est pas mon genre de film préféré mais je suis toujours curieuse d’aller voir un film qui parle de surf, donc oui j’irai sûrement le voir. »
La FFS comptait un millier de licenciés au début des années 1980, elle en annonce désormais 15 000, et 70 000 si l’on compte les vacanciers qui ont suivi des cours homologués. Comment interpréter ce succès ? « Je pense que le surf était perçu comme un sport difficile d’accès, assez fermé, exigeant physiquement et parfois dangereux. Depuis quelques années, il est victime d’un effet de mode. Beaucoup de gens s’y essaye l’été et sont séduits par ce sport très ludique », estime la surfeuse.
Pauline Ado ne relâchera pas la pression cette année, et son parcours pourrait susciter encore bien des vocations : « Mon principal objectif est de me re-qualifier sur le WCT en 2017. Pour cela, je dois terminer dans le top 6 du circuit qualificatif. »
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