A un mois des régionales, le thème préféré de la droite revient dans le débat.Un défi pour la gauche qui, depuis 2001,n’a jamais su comment s’en débrouiller.
L’insécurité a finalement fait une entrée fracassante dans la campagne. L’UMP avait tenté une variante avec l’identité nationale : fiasco. Alors que la question du chômage a refait surface en janvier, il fallait pour reprendre la main ressortir la recette qui marche depuis 2001. Au programme : 9 février, projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) ; 11 février, proposition de loi sur les bandes ; 17 février, projet de loi contre la récidive criminelle. Vidéosurveillance, couvre-feu pour les mineurs, gardes à vue, interpellations musclées de mineurs : la droite met le paquet. Après le meurtre de deux retraités dans l’Oise fin janvier, Brice Hortefeux propose de durcir les peines envers leurs agresseurs. Un fait divers, une annonce. En difficulté, Valérie Pécresse, tête de liste UMP en Ile-de- France, joue à fond la carte de l’insécurité. Après l’agression d’un élève du lycée Adolphe- Chérioux, elle fustige le laxisme de Jean-Paul Huchon. La petite musique de l’angélisme de la gauche refait surface.
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Pourtant, pour la première fois depuis 2007, la confiance dans l’action de l’exécutif en matière de lutte contre l’insécurité est passée sous la barre des 50 %. “Malgré tout, l’UMP a intérêt à aller sur ce terrain où elle devance les Verts et le PS”, explique Jérôme Fourquet de l’Ifop. Gaël Sliman de l’institut BVA ajoute : “De plus, la droite n’a pas intérêt à parler des vraies préoccupations des Français, comme l’emploi ou le pouvoir d’achat, sur lesquelles elle est jugée négativement.” Insister sur ce thème permet à l’UMP de mobiliser le noyau dur de son électorat : les personnes âgées.
L’insécurité fut l’instrument de la défaite de Lionel Jospin en 2002. A l’époque, emploi et insécurité sont les préoccupations principales des Français. Jacques Chirac mène une campagne très dure et accuse la gauche de laxisme. Il exploite tous les faits divers. La gauche est acculée, déstabilisée. “En 2002, il n’y avait pas unanimité au PS, explique un responsable socialiste, avec d’un côté les pragmatiques et de l’autre la ligne libertaire, réticents à endosser la question autorité depuis 68.” A l’université d’été du PS de La Rochelle de 2001, Martine Aubry est de ceux qui vilipendent la “gauche barbelés”.
Jospin éliminé au premier tour par un Le Pen porté par l’atmosphère sécuritaire, Chirac a un boulevard au second tour. Elu, il nomme Nicolas Sarkozy ministre de l’Intérieur. Un an après, ce dernier atomise la police de proximité mise en place par le gouvernement Jospin et impose une ligne répressive. Les socialistes, traumatisés, n’ont jamais réussi à défendre leur politique. Pour le chercheur Sebastian Roché, “la force de Sarkozy à ce moment-là a été de convaincre qu’il n’y avait pas de pensée de sécurité de gauche, alors que la police de proximité était une des politiques les plus intelligentes d’Europe”.
Avant la victoire de Mitterrand, l’autorité n’était pas la tasse de thé de la gauche. En mars 1981, le futur Premier ministre Pierre Mauroy déclarait : “La droite dit : la première liberté, c’est la sécurité. Nous disons au contraire : la première sécurité, c’est la liberté.” Avec l’expérience du pouvoir, notamment local, la gauche infléchie sa position au fil des ans et développe une pratique pragmatique et gestionnaire de la sécurité. C’est sous le gouvernement de Lionel Jospin qu’elle propose sa doctrine la plus aboutie, basée sur la proximité. Dès son arrivée à Matignon, Jospin fait de la sécurité une priorité et déclare lors du colloque de Villepinte : “Il n’y a pas de choix entre la liberté et la sécurité.”
Jospin nomme Jean-Pierre Chevènement à l’Intérieur, contre son gré : ce dernier lorgnait sur la Justice. “Jospin a chargé un homme qui ne croyait pas en la police de proximité de mettre en place cette réforme ambitieuse et difficile”, se désole Sebastian Roché. Chevènement finira par démissionner en août 2000. Lorsque Daniel Vaillant le remplace, il est déjà trop tard pour rattraper le retard. “J’ai alors le nez sur le guidon”, justifie ce dernier. Le député socialiste Jean-Jacques Urvoas raconte : “Il a fallu faire en vingt-deux mois ce qui aurait dû prendre dix ans.” Ministre de l’Intérieur, Sarkozy fera le reste. En 2007, Ségolène Royal ne reprend pas à son compte l’héritage Jospin. “La gauche s’est laissée entraîner sur le terrain de l’insécurité alors que la droite était jugée plus crédible”, rapporte Sliman de l’institut BVA. Les Français préfèreront l’original à la copie.
Aujourd’hui, Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, relaie les critiques des syndicats de police sur les coupes dans les effectifs. “Que la pensée du PS se limite à tirer parti du mécontentement de la police, c’est triste, commente Sebastian Roché. La question devrait être : pourquoi avoir plus de fonctionnaires ? La police de proximité était une idée. Sarkozy en a eu peur.” Sur la loi Loppsi 2, c’est Manuel Valls, Delphine Batho et Jean-Jacques Urvoas qui montent au créneau. “Nous sentons qu’il est possible de tenir un discours de gauche cohérent sur la sécurité”, a déclaré Manuel Valls. Pour Sebastian Roché, “Valls s’aligne sur la pensée de la droite, ne propose pas une pensée de gauche sur la sécurité”. La stratégie sur cette question pour 2012 ? Insister sur le mauvais bilan de Sarkozy, explique un responsable socialiste. “Il y a quasiment tout à reconstruire”, précise Jean-Jacques Urvoas.
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