Samedi, la ministre de la Culture avait évoqué la possibilité d’étendre la redevance audiovisuelle aux ordinateurs. Un projet enterré ce matin par le ministre du Budget Jérôme Cahuzac.
Et pourquoi ceux qui n’ont pas de télé, mais qui regarde les programmes sur leur ordinateur ne paieraient pas la redevance audiovisuelle ? L’idée, ressortie des cartons samedi dernier par Aurélie Filippetti, n’aura alimenté les conversations que quelques jours – le ministère du Budget ne veut pas en entendre parler. Petit retour sur un impôt qui fait flipper les politiques.
Encore raté. Une fois de plus, l’idée d’élargir la redevance audiovisuelle aux ordinateurs et autres tablettes, évoquée prudemment samedi par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, aura fait plus de bruit que de mal. Ce matin, Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, a enterré l’idée. « Je n’étais pas informé de ça, je pense que je n’étais pas le seul, a-t-il répondu à Michel Apathie sur RTL. Ça n’est absolument pas envisagé. Cela étant dit, chaque ministre a le droit d’avoir des idées et d’émettre des suggestions. »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
(voir la vidéo à 3’08)
Ça tombe bien. Des idées, Aurélie Filippetti en cherche. Notamment pour désamorcer la bombe à retardement qui traîne dans le dossier de l’audiovisuel public depuis bientôt trois ans. A l’époque, en 2009, pour compenser en partie la suppression de la publicité sur France Télévisions, le gouvernement Fillon décide de taxer les fournisseurs d’accès à internet (FAI). Cette « taxe télécoms » fait bondir Bruxelles ; en 2011, comme la France ne veut rien entendre, la Commission saisit la Cour de Justice européenne, qui promet de rendre sa décision pour début 2013.
Dans un rapport rendu en mai dernier, les sénateurs David Assouline (PS) et Jacques Legendre (UMP) se font pressants. Cette histoire de FAI, c’est une « épée de Damoclès qui pèse sur l’État ». Si la taxe télécoms est annulée par la justice, ce qui est hautement probable, l’Etat pourrait être obligé de rembourser les FAI (942 millions d’euros, estime le rapport) ; et puis, il faudra trouver une nouvelle idée pour remplacer les 250 millions d’euros que la taxe rapportait tous les ans.
« Personne n’a eu le courage de l’adopter »
Et c’est ainsi que resurgit, avec le succès que l’on sait, le projet d’élargir la redevance (aujourd’hui appelée « contribution à l’audiovisuel public ») à ces individus sans-télé-mais-qui-regardent-la-télé via un écran d’ordinateur ou une tablette. Le gouvernement estime que ce monde protégé représente 3% de la population française. Soit 5 à 25 millions d’euros de plus pour l’audiovisuel public, à rajouter aux quelques 3 milliards de redevance perçue chaque année.
« Une recette de poche ! » résume Pascal Rogard, président de la SACD chargée de défendre les droits d’auteurs dans l’audiovisuel, et grand partisan de la redevance. « Tout le monde en parle alors que ce n’est vraiment pas celui qui coûte le plus cher. Simplement la redevance est un impôt qui se voit, avec un montant fixe, donc c’est très impopulaire ».
La redevance sur les ordinateurs, c’est un peu la taxe que personne ne veut assumer. Ou presque. « J’avais proposé ça en 2010 », se souvient Catherine Morin-Desailly, sénatrice du Nouveau centre. « A l’époque, en pleine période pré-électorale, tout le monde était d’accord mais personne n’a eu le courage de l’adopter ».
Le risque de hérisser la génération Hadopi
Les politiques ne sautent pas de joie à l’idée d’annoncer une nouvelle taxe qui risque de hérisser la génération Hadopi. Même le sénateur Jacques Legendre (UMP), grand défenseur de la loi Hadopi « malgré l’opposition de la frange la plus juvénile de la population », expliquait craindre la probable « levée de boucliers » qu’une telle mesure risquait de provoquer.
A l’époque, le sénateur Philippe Marini (UMP), favorable à la taxe, n’avait pas osé parier dessus.
« Ce que nous proposons aujourd’hui se fera ! Parce qu’on a besoin d’argent, on a besoin d’assurer l’indépendance audiovisuelle publique, on a besoin de répartir les charges de manière équitable, et il faudra bien assumer la neutralité technologique », avait-il dit à ses collègues qui refusaient de voter pour sa proposition.
« Que pariez-vous ? Une bouteille de Romanée-Conti de 1928 ? », avait répondu son adversaire à la commission des finances, Nicole Bricq. Réponse : « Je ne suis pas disposé à m’engager aussi loin… » Bien vu. Le nouveau véto de Jérôme Cahuzac lui aurait coûté cher.
{"type":"Banniere-Basse"}