L’affaire Rugy a connu de nouveaux rebondissements mardi 23 juillet, entre les deux rapports d’enquêtes dévoilés, les nouvelles révélations de Mediapart et la prise de parole de l’ancien ministre de la Transition écologique sur le plateau du JT de France 2.
« Je me présente devant vous ce soir en homme blanchi, blanchi de toutes les accusations qui ont été portées contre moi. » C’est un François de Rugy le verbe haut qui est apparu mardi 23 juillet sur France 2, après les conclusions, clémentes à son égard, des enquêtes du gouvernement et de l’Assemblée nationale. L’ancien ministre de la Transition énergétique se trouve dans l’œil du cyclone depuis que Mediapart a dévoilé son train de vie sur fonds publics lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale mais aussi le fait d’avoir payé ses cotisations à son ancien parti (Europe Ecologie – Les Verts) grâce à son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) ; somme qu’il a ensuite défiscalisé pour lui permettre d’échapper à l’impôt sur le revenu.
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« Il n’y aurait jamais dû y avoir d’affaire de Rugy, en revanche aujourd’hui, c’est sûr, il y a une affaire Mediapart, a avancé celui qui va redevenir député de Loire-Atlantique. Cette affaire se réglera au tribunal. » Plus tard il a ajouté : « Oui au journalisme d’investigation, non au journalisme de diffamation (…) La République de la délation, la République de la diffamation, ce n’est pas la République », a tonné celui qui défendait encore le site d’investigation face aux « insultes » en 2012 :
“Fillon qualifie Mediapart d'"officine financée par de riches amis" de Hollande (afp)” même Fillon perd ses nerfs. Insulte à la presse.
— François de Rugy (@FdeRugy) April 29, 2012
François de Rugy s’estime donc « blanchi » après la publication de deux rapports répondant aux accusations portées par Mediapart. Concernant les travaux réalisés dans l’appartement de fonction du ministère de la Transition écologique, le secrétariat général du gouvernement estime que les 64 523 euros de travaux (dont 17 000 pour un dressing) répondent aux « règles de la commande publique », qui « ont été globalement respectées ».
“Aucun produit de luxe n’était utilisé”
Quelques heures plus tard, le rapport de l’Assemblée nationale (AN) concernant les frais de bouche de l’ancien président de l’AN à l’hôtel de Lassay le disculpait tout autant de la moindre infraction. Le secrétaire général de l’Assemblée Michel Moreau affirme : « Il apparaît que M. François de Rugy n’a enfreint, directement ou indirectement, aucune règle et n’a commis aucune irrégularité. » Le législateur rappelle que de Rugy, compte tenu de sa fonction de l’époque, « a la faculté de convier librement les personnes de son choix à des réunions ou à des dîners » et qu’il est « d’usage constant » que lui et sa famille proche « puissent prendre sur place des repas simples ». Il est ajouté que « le niveau des prestations culinaires servies était conforme aux normes habituelles, aucun produit de luxe n’était utilisé ».
Sur les douze dîners recensés entre le 19 septembre 2017 et le 19 juin 2018, trois posent toutefois problème pour le secrétaire général de l’AN. Un repas de Noël en premier lieu, dont « le menu festif dérogeait au niveau habituel des prestations d’un dîner de famille à l’hôtel de Lassay ». Un autre, lors de la Saint-Valentin, le 14 février, où « le niveau des prestations » était « manifestement excessif par rapport à la pratique courante des repas privés ». Enfin un troisième, avec quatre invités sans thème de discussion particulier.
“Contrôle de mascarade”
Mediapart n’a pas attendu le passage de l’ancien ministre au 20 H de France 2 pour remettre en cause ces rapports, notamment celui de l’AN. Comme l’écrit le pure player, « le manque d’indépendance de son auteur, ancien subordonné de l’intéressé, oblige à qualifier ce ‘contrôle de mascarade’”. « Si l’Assemblée avait voulu démontrer son incapacité à examiner et traiter en profondeur les fautes commises par les siens, elle ne s’y serait pas prise autrement, poursuit le média. ‘On a chargé un collaborateur de savoir si le patron avait fauté’, résume le député Charles de Courson (Les Centristes), ancien magistrat de la Cour des comptes, devenu l’une des vigies les plus affûtées de l’Assemblée. ‘C’est ni fait ni à faire.’«
Dans deux nouveaux articles (ici et là), le site d’investigation remet en cause les comptes rendus des enquêtes officielles, en publiant de nouveaux clichés venant contredire l’idée de dîners professionnels (on peut voir des adolescents à table). Quant aux travaux menés dans l’appartement de fonction du ministère de la Transition écologique, le site écrit que « l’enquête administrative (…) estime que les règles de la commande publique ont été respectées, mais confirme le coût trop élevé de certaines prestations, dont le dressing à 17 000 euros. »
L’avocat de François de Rugy, qui n’a pas donné suite aux questions de Mediapart, est intervenu mercredi 24 juillet sur franceinfo, confirmant qu’une plainte pour « diffamation » contre le pure player a été déposée. Me Pierre-Olivier Sur a réaffirmé que son client n’avait commis « aucune faute dans la globalité ».
“Un rapprochement bancaire”
Concernant l’affaire des révélations sur l’utilisation de l’indemnisation représentative de frais de mandat, il la justifie de façon évasive : « C’est très simple. Il est allé voir sa banque. Pour cela, il a fallu qu’il retourne à Nantes. Et il s’est aperçu avec son banquier qu’un tiers des frais qu’il a réglés à son parti avait été pris en charge par son indemnité de représentation. Cela n’était d’ailleurs pas formellement défendu à l’époque, en 2013 et 2014. Et dans les mois qui ont suivi, cet argent a été immédiatement remboursé par son compte personnel. Il a donc fallu effectuer un rapprochement bancaire. Cela montre qu’il n’y a pas de sujet, que François de Rugy est absolument honnête et droit et qu’on ne peut rien lui reprocher sur ce sujet-là. »
Espérons donc que François de Rugy soit plus rigoureux au moment de rembourser les trois dîners épinglés par l’Assemblée nationale. En conclusion de son passage sur France 2, mardi soir, l’ancien candidat à la primaire socialiste a expliqué qu’il ne regrettait pas son départ. « A un moment donné, je n’étais plus en mesure de me défendre », a-t-il avancé.
Interrogée par Franceinfo, Marine Turchi, journaliste à Mediapart a réagi à l’intervention de de Rugy : « Ce ne sont pas nos révélations qui ruinent la République, mais les pratiques qu’elles dévoilent. Aujourd’hui le problème, au-delà de François de Rugy, c’est le contrôle et l’encadrement de toutes ces dépenses, notamment les travaux dans les logements de fonction des ministres. Il n’y avait aucune règle, d’où les abus. »
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