A quelques semaines des municipales, Rama Sall, tête de liste PS à Mantes-la-Jolie, bastion de la droite, est un David moderne confronté à un Goliath de taille, Michel Vialay, maire UMP sortant, en place depuis 2005. Un défi qui n’effraie pas la jeune Mantaise.
“On va nettoyer au Karcher la cité des 4 000 !” La conscience politique peut naître d’une phrase. Pour Rama Sall, c’était celle-là. Révoltée par les propos de Nicolas Sarkozy, en 2005 à La Courneuve, elle s’encarte au Parti socialiste. “Le camp du progrès !” s’enthousiasme la jeune femme. “Tant que j’aurai du souffle, je défendrai les idées socialistes, assure-t-elle. De militante à femme politique, Rama Sall n’a pas tout à fait achevé sa mue.
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A 27 ans, elle a été désignée tête de liste pour les élections municipales de Mantes-la-Jolie, troisième ville des Yvelines. Ce n’est pas la première fois qu’elle est confrontée aux urnes. En juin dernier, elle avait perdu contre Pierre Bédier lors de la cantonale partielle mantaise. Dans quelques semaines, elle sera opposée à Michel Vialay, maire UMP sortant, réélu en 2008 dès le premier tour, avec 51,78 % des suffrages. Une tâche ardue pour la candidate, pourtant déterminée à imposer l’alternance.
“J’ai dirigé des équipes de 100 personnes”
Avec Rama Sall, le PS a joué la carte du contraste, celle d’une jeune femme d’origine sénégalaise, d’une Mantaise qui a l’avantage du terrain. Un choix audacieux qui peut s’avérer risqué. Certes, Rama Sall est jeune mais elle n’est pas inexpérimentée. Diplômée d’un master de sciences politiques, secrétaire générale du Mouvement des jeunes socialistes pendant deux ans (de novembre 2011 à novembre 2013). Elle s’est retrouvée en première ligne pendant la dernière présidentielle.
“Je suis devenue tout-terrain. J’ai dirigé des équipes de 100 personnes”, explique-t-elle. Une expérience dont elle est fière : “J’ai été dans la machine qui a contribué à faire élire le président de la République !”, sourit-elle. Elle n’est pas arrivée en politique totalement par hasard : “On a toujours parlé politique à la maison. Les questions d’éducation, j’ai commencé par en discuter avec ma mère, avant de les approfondir au parti.” Ses parents, tous deux diplômés en criminologie, ont su cultiver son goût pour le débat public. Rama sourit, ses yeux balaient la salle et viennent se poser sur le bracelet brésilien noué sur son poignet droit. Tissé par sa petite sœur, elle ne s’en sépare jamais, comme la montre de son père, décédé l’an dernier. Un à chaque poignet.
Une douce frondeuse
Dans un paysage d’hommes politiques blancs et grisonnants, Rama détonne et s’en moque. Elle aime bousculer les lignes. Faire de la politique quand on est jeune, femme et noire, n’est pas toujours facile, les obstacles sont nombreux et l’argument du quota jamais loin. “Je ne suis la caution bonne conscience de personne !” martèle-t-elle. A 17 ans déjà, elle avait refusé par souci d’intégrité de présenter la filière ZEP (zones d’éducation prioritaire) de Sciences-Po Paris. Rama Sall a toujours été une forte tête, une douce frondeuse. En CM2, elle voulait devenir la deuxième femme maréchal-ferrant de France, choquée qu’il n’y en ait qu’une seule. A l’adolescence, elle se destinait au droit. “J’ai compris un jour que pour changer le quotidien de la veuve et l’orphelin, il fallait faire de la politique, pas du droit”, se souvient-elle.
Elle fera donc de la politique, mais toujours avec le sourire et un brin d’idéalisme. Le choix des municipales s’est fait naturellement : “Je voulais agir pour ma ville depuis longtemps, alors quand on m’a dit ‘Rama, tu devrais y aller’ je me suis dit : ok, c’est parti, sans trop me poser de questions” explique-t-elle. Son père avait été conseiller municipal délégué : “Plus ou moins consciemment, j’ai voulu reprendre le fil de l’histoire” confie Rama. “Et puis, la droite gouverne mal Mantes depuis bien trop longtemps, ajoute-t-elle. Son bilan ? Une dette de 80 millions d’euros.”
Ses griefs contre l’UMP ne s’arrêtent pas à la municipalité de Mantes-la-Jolie : “La gauche a récupéré le pays dans un état catastrophique. Tous les liens entre les citoyens avaient été rompus avec le quinquennat Sarkozy.” Les éléments de langage reprennent leurs droits. Si le regard est franc, les mots sont plus formatés. Elle se réfugie parfois dans la rhétorique de son parti, mais s’autorise à tacler la politique du gouvernement. “J’ai été plus que gênée par la gestion de la loi famille. Le rôle du politique, c’est aussi de savoir trancher et de s’y tenir”, assène-t-elle, acerbe. Rama est une femme de paradoxes.
La droite gouverne la municipalité de Mantes-la-Jolie depuis 1995. La partie est donc loin d’être gagnée pour Rama Sall qui garde pourtant le sourire, farouchement déterminée à offrir la victoire à sa liste. La figure d’outsider réserve parfois des surprises, et si Mantes-la-Jolie vote traditionnellement à droite, la gauche l’a emporté aux dernières législatives. De quoi donner un timide espoir à la liste PS.
“La chose politique, ce n’est rien de plus que le quotidien !”
Sur le terrain, la candidature de Rama est plutôt bien accueillie par la partie des Mantais qui réclame l’alternance. “A quelques semaines des municipales, on sent naître un réel engouement. C’est super de constater que nos idées ne sont pas déconnectées des préoccupations des électeurs”, explique-t-elle. Son programme : “Il est en constante évolution. On se nourrit de tout, des rencontres avec les habitants mais aussi des initiatives d’autres communes. Quand j’entends à la radio parler de projets municipaux, je me demande si c’est applicable à Mantes. C’est fatigant mais passionnant !”, se réjouit la candidate.
Son programme s’articule autour de trois priorités: l’emploi, le logement et l’éducation. De grands mots derrière lesquels elle assure mettre des mesures concrètes, comme la mise en place d’un forum pour l’emploi, ou l’établissement d’une charte sur les critères d’attribution des logements qui assurerait notamment l’anonymat des demandes. Rama Sall regrette que le mot politique fasse si peur. Elle voudrait que la démocratie soit plus participative, ne plus voir ce désintérêt des jeunes pour le débat public.“Il faut que les gens se réapproprient la chose politique. Ce n’est rien de plus que le quotidien !”
Elle dénonce fermement la professionnalisation du milieu et répète que “la politique n’est pas un métier”. Du moins, homme politique ne doit pas l’être, nuance-t-elle : “Etre élu n’est pas un but en soi.” Elle assure qu’elle n’est pas de ceux qui enchaîneront les mandats pour rester sur le devant de la scène. Mais, ambitieuse, elle se verrait bien dans un cabinet d’ici quelques années : “Ça me plairait de travailler pour des ministres comme Benoît Hamon, Christiane Taubira ou Cécile Duflot.”
La jeune candidate est sereine, elle a “l’intime conviction” qu’elle va gagner. Rama aura 28 ans le jour de l’ouverture officielle de la campagne des municipales. Une sacrée coïncidence.
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