Sous ses allures gentiment cartoon, la nouvelle création du studio québécois ManaVoid en forme d’épopée se révèle une œuvre aussi inventive que profonde.
C’est pour ça. C’est pour découvrir des œuvres comme Rainbow Billy : The Curse of the Leviathan, modestes mais audacieuses, piquantes et réconfortantes à la fois, pas vraiment révolutionnaires et pourtant surprenantes, qu’on s’intéresse au jeu vidéo. Un jeu qui n’est pas (que) là où on le croit, qui ose aussi bien les contre-pieds que nous donner ce qu’on attend et qui fait rire et un peu pleurer (si affinités).
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Conçu par le studio québécois ManaVoid, Rainbow Billy nous confie le destin d’un petit héros aux grands yeux qui va tenter de rendre ses couleurs à un monde plongé dans la tristesse. Pour ce faire, il va prendre la mer avec le Friend-Ship (le “bateau-ami”, donc) lequel embarquera une foule de créatures devenues ses alliées au fil de l’aventure. Il navigue donc d’île en île, y fait des rencontres, résout des énigmes. Rien de plus classique, en apparence. Rien, non plus, de plus réjouissant.
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“La faiblesse me terrifie”
Ludiquement, Rainbow Billy est un objet aisément identifiable : un émule de Paper Mario, pour son mélange de jeu de rôle et de plateforme et ses personnages représentés à plat sur des décors en volume, mais avec un character design inspiré des dessins animés des années 1920 à 1940 qui le rapproche de Cuphead. Rien que cela serait suffisant pour passer un très bon moment, mais c’est une troisième influence qui fait la différence : Undertale, le jeu de rôle indé libéré. Comme lui, Rainbow Billy met au premier plan la discussion, y compris en plein combat contre des “monstres” dont on comprend vite que le principal problème est de ne pas se sentir bien dans leur peau. “La faiblesse me terrifie ! Sans ma puissance masculine, personne ne me respecterait”, se désole celui-ci, “et je serais encore plus seul que je le suis déjà.” Tel autre nous parle des problèmes d’argent de ses parents et de la crainte qui en a découlé de “devenir le fardeau de quelqu’un d’autre sans faire exprès”. Et puis il y a Becky, qui veut être “une fille forte” et souffre qu’on la juge “masculine”.
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Écriture inclusive
Ce qui, au-delà des belles idées ludiques grâce auxquelles il repousse la routine (du rhythm game, de la pêche, des puzzles avec des boules de neige…), fait de Rainbow Billy un jeu attachant et précieux, c’est son bel esprit que l’on n’hésitera pas à qualifier de woke (ou, si l’on préfère une grossièreté plus légère, de bienveillant) et pas seulement parce qu’il utilise abondamment l’écriture inclusive. Pour le dire autrement : sa fantaisie colorée se révèle directement connectée à notre réalité, des tragédies intimes (mais qui est ce “fantôme familier” que croise notre héros ?) aux faits économiques et sociaux. Une manière, au fond, de renouer avec éclat avec la fonction historique des contes, ces histoires faussement enfantines et vraiment profondes.
Alors on repart à l’aventure, vers Dinoland, le Mont Effroi ou le Sanctuaire de soi. Sur le bateau à tête de canard, on est de plus en plus nombreux. On se fait des confidences, des sourires, des cadeaux sur la mer grise à laquelle on aimerait tant rendre son bleu. Ça va aller de mieux en mieux.
Rainbow Billy : The Curse of the Leviathan (ManaVoid Entertainment/Skybound Games), sur Switch, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X/S et Windows, environ 25€
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