La crise à Radio France pourrait-elle s’exporter chez la vénérable BBC, souvent considérée comme le mètre étalon des services publics audiovisuels européens ?
Commençons par le plus polémique : les dépenses du président Mathieu Gallet. Les Britanniques, si vertueux en matière de transparence de fonds publics, échappent-ils à ces mécomptes ? Non. L’étude poussée des dépenses du directeur général de la BBC, le baron Tony Hall, montre son goût pour les petits cadeaux VIP (billets gratuits pour des concerts, places de choix dans les tribunes de Wimbledon et séjours en hôtels de luxe en cas de déplacement). Mais M. le Baron est trop surveillé par la presse britannique pour (trop) briller par ses excès. La direction tout entière (au sens large), par contre, semble moins précautionneuse. Elle a dépensé en 2014 plus de 16 millions d’euros en taxi !
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Passons maintenant à l’immobilier. La direction de Radio France explique, à bon droit, combien la restructuration de la Maison ronde pèse sur ses comptes. On approche les 500 millions d’euros (et dix années) de travaux. Il se trouve que, ces dernières années, la BBC a aussi dû restaurer entièrement son siège londonien, la Broadcasting House. Elle a dû en plus gérer le transfert d’une partie de ses salariés vers un nouveau bâtiment à Salford, près de Manchester. Le tout pour un coût de près de 1,4 milliard d’euros ! C’est-à-dire près de trois fois ce que coûtera à terme le chantier du siège de Radio France. Pour être juste, il faut rappeler que la BBC rassemble radios et télévisions, à la façon de l’ex-ORTF.
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Mais dans ce calcul global, il est possible de faire la part des choses : pour 1 euro de fonds publics qui va à la radio, 3,60 euros vont à la télévision. Autrement dit, sur les 1,4 milliard d’euros de “dépenses immobilières”, la partie radio contribue pour 390 millions. On est donc dans l’ordre de grandeur du chantier qui incombe à Radio France. Comment se fait-il alors que l’entreprise publique ait tant de difficultés à en assumer le coût ? C’est simple : elle manque d’argent !
La vraie différence reste la redevance
Reprenons la comparaison : la division radio de la BBC a un budget annuel de 880 millions d’euros, contre 664 millions pour Radio France. Est-ce parce que la BBC a plus de stations à offrir ? Non, le panel est équivalent à celui de sa consœur française. La différence c’est que la BBC est mieux financée (c’est-à-dire plus) que l’audiovisuel public français par le biais d’une redevance plus coûteuse, d’un volant publicitaire plus important et d’investissements qui rapportent. Mais au-delà des recettes de poche (pub, investissements), la vraie différence reste la redevance. En Grande-Bretagne, la contribution par tête à l’audiovisuel public est près de 50 % plus élevée qu’en France. En Grande-Bretagne, chaque contribuable verse 90 € par an à la BBC. Un Français n’en débourse que 63 €. L’Etat et sa pingrerie est donc bien le principal accusé dans cette affaire de gros sous.
Reste le plus délicat : les dépenses de personnel. La BBC verse chaque année 1,4 milliard d’euros de salaires, dont 390 millions pour la radio. A effectifs à peu près équivalents, Radio France paie 388 millions d’euros. Radio France ne dépense donc guère plus que sa consœur britannique. Elle dispose simplement d’un budget un tiers inférieur aux radios de la BBC et c’est bien l’Etat français qui en est responsable. Les syndicats de Radio France le savent : ces derniers jours, ils ont fait évoluer leur stratégie. La direction n’est plus le sujet majeur. La “tutelle”, c’est-à-dire l’Etat, l’est redevenue. C’est précisément là que se situe le problème.
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