« Je suis transracialiste » s’est justifiée Rachel Dolezal, cette militante américaine blanche qui a fait croire à tout le monde qu’elle était noire. Qu’entend-t-on par ce phénomène de recherche d’une autre identité raciale ? Analyse de Nacira Guérif-Souilamas, sociologue spécialiste des questions raciales et des pratiques identitaires et professeur à Paris 8.
Qu’est-ce que le transracialisme évoquée par Rachel Dolezal ?
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Nacira Guérif-Souliamas – Le transracialisme participe de l’ordre racial. Il consiste à revendiquer une autre identité que celle à laquelle on est racialement affiliée. Sauf qu’il y a bien une hiérarchie entre ces races. Être dans une logique transracialiste, c’est chercher à échapper à l’ensemble des discriminations insupportables qui sont associées à l’identité qui nous est imposée. Cela peut se faire de manière physique (se décolorer la peau par exemple), sociale, ou comportementale.
Est-ce qu’il y a des profils de personnes susceptibles de se revendiquer de cette logique ?
Être Noir, c’est une construction culturelle. On ne se pense Noir et ne devient Noir que lors de certaines interactions. Ce n’est pas une identité génétique ça, c’est quelque chose qui s’inscrit dans les rapports sociaux.
C’est pourquoi il est souvent courant que des enfants adoptés, qui ont la peau noire, et élevés par des parents blancs, se considèrent comme Blancs. Et ils ont raison, ce qui compte c’est le lien affectif qui va déterminer leur manière de s’identifier. Sauf qu’aux Etats-Unis, ces personnes sont vites rattrapées par la réalité des rapports sociaux racialisés. Et elles sont obligées de devenir noires à un moment ou à un autre.
Comment expliquer alors le cas de Rachel Dolezal qui s’est déclarée transracialiste ?
C’est un cas que l’on n’avait jamais vu auparavant. Ici, la jeune femme blanche, veut être noire. Jusqu’ici, les schémas transracialistes se posaient dans le sens d’une personne de couleur noire qui désirait devenir blanche.
Rachel Dolezal a été élevée dans une famille blanche avec des frères adoptés à la peau noire. On peut donc penser qu’elle a voulu ressembler à ce schéma familial.
Pourquoi sa supercherie a-t-elle suscité autant de critiques ?
Justement, elle a fini par occuper une position de pouvoir dans une organisation importante qui défend les droits des gens de couleur aux Etats-Unis (l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur, NAACP, Ndlr.). Et malgré son histoire familiale, elle ne peut pas annuler l’asymétrie profonde dans laquelle se joue les enjeux du transracialisme.
En plus, elle donne des arguments assez flous. On ne comprend pas bien pourquoi elle a fait ça si ce n’est qu’elle est dans une identification très forte à une certaine cause politique. Mais il faut comprendre que l’on n’a pas besoin d’être noire pour défendre la cause de ces personnes qui peuvent être victimes de racisme.
Pourquoi est-ce que la notion de transracialisme n’existe-t-elle pas en France ?
En France, on est convaincu que la race n’existe pas. Nous sommes pourtant dans des rapports sociaux racialisés. Malgré ça, personne ne peut penser ces rapports en terme racialiste. Et aux Etats-Unis, les identités racialisées sont reconnues comme telles. On parle de « races », de « relations raciales », et de problèmes liés aux « identités raciales ». On en parle aussi parce que ces difficultés conduisent à des assassinats et à des bavures policières contre les noirs.
Propos recueillis par Fanny Marlier
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