Tous les dimanches (sauf gueule de bois), deux journalistes allient leurs forces dans une newsletter féministe, culturelle et politique.
Contre la morosité ambiante et une certaine forme de censure dans les médias, Clémentine Gallot et Mélanie Wanga ont décidé de prendre les choses en main : elles ont créé Quoi de meuf ?, une « newsletter du dimanche qui parle pop culture, féminisme intersectionnel et tout le reste ».
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Elles sont toutes les deux journalistes, à Libé et 20 minutes. Malheureusement, expliquent-elles, certains sujets, certaines problématiques n’ont pas encore trouvé leur légitimité dans les médias français. Parler féminisme, anti-racisme, genre, queer, à propos de l’actualité politique comme de la culture pop, ça reste compliqué. Clémentine Gallot et Mélanie Wanga nous livrent donc cette newsletter, vive, drôle, avec des articles de fond, des infos culturelles ou encore des conseils pour survivre au bureau.
Comment avez-vous eu l’idée de cette newsletter ?
Clémentine Gallot et Mélanie Wanga – C’est notre bonne résolution pour 2017 ! Puisqu’on passait notre temps à s’échanger des liens d’articles qu’on avait lus et aimés, on s’est dit qu’on pourrait le faire à plus grande échelle et que ce soit aussi intéressant pour les gens (comme une discussion entre plein de potes). On n’a pas monté un magazine en ligne parce qu’on ne voulait pas s’endetter sur dix ans, et on a choisi la newsletter, un format qui paraît innovant alors qu’ironiquement, il existe depuis très longtemps – sauf qu’on s’en servait principalement pour nous vendre des trucs nuls. Quoi de meuf ? est une newsletter à valeur ajoutée : on y commente des articles d’actu et de culture récents (ou #old) parce qu’on pense qu’ils sont cools et intéressants. On y recommande des livres, des films, des séries et des gens qu’on aime, mais toujours avec les questions de genre en toile de fond et en essayant de mettre en lumière des femmes ou des minorités raciales ou LGBTQ. Et on rajoute des gifs parce que ça nous fait rigoler.
Quel rôle peut jouer le format pour faire passer un point de vue féministe et anti-raciste ?
Le format hebdomadaire (et viral, si jamais il a du succès) permet de garder l’œil ouvert sur ce qui se passe dans ces domaines. C’est comme un petit shot régulier de news, plus posé que Twitter. A terme, on espère aboutir à un échange avec nos lecteurs.trices pour qu’ils participent et nous envoient des liens, des idées ou des essais personnels.
Quel public visez-vous ?
Toutes celles et ceux qui sont sensible aux thématiques féministes et antiracistes, et qui ont envie d’une dose de culture hebdomadaire, bien problématisée. Mais aussi les gens qui ont envie lire des articles exigeants (plus longs, fouillés, parfois en anglais…) tranquillement en prenant leur temps, puisque Quoi de meuf ? arrive le dimanche (vers 10 heures, si on est levées), un jour relativement calme en matière d’info. Et si t’es paresseux, on fait aussi le tour des internets pour toi.
Pensez-vous faire des collaborations, agrandir votre réseau de journalistes déçus par la faible place que les médias donnent à ces sujets ?
Complètement. On réfléchit à donner les commandes à des proches ou des experts dans certains domaines pour des numéros spéciaux. On a aussi prévu des collaborations pour les grands événements comme les Oscars ou la présidentielle.
Avez-vous pris modèle sur la newsletter de Lena Dunham ?
On aime beaucoup Lenny et ses essais écrits par des femmes de tous horizons. (D’ailleurs, abonnez-vous, même si vous n’aimez pas spécialement Lena Dunham, elle y est très peu mise en valeur.) Mais Lenny, qui est devenu un vrai média, n’est pas exactement ce qu’on tend à faire à long terme : on pratique plutôt dans la curation – oui, c’est un gros mot – et le partage. Par ailleurs il a plein d’autres newsletters à lire, en France, comme les Glorieuses, Calmos, On regarde quoi cette semaine, ou aux Etats-Unis celle de Rookie, The Bleed ou Two Bossy Dames, par exemple.
Est-ce que la newsletter s’inscrit dans un mouvement plus global de réappropriation de l’espace public pour se faire entendre ou pour avoir plus de visibilité ?
Internet n’est toujours pas un espace « safe » mais il peut être un lieu d’expression assez chouette si l’on sait s’en servir. Il y a l’exemple de l’afroféminisme français qui a vraiment pris corps avec les réseaux sociaux, Twitter notamment. Beaucoup de projets de médias se montent en ce moment, comme Atoubaa, ce qui est vraiment cool.
La newsletter est-elle un outil pour exercer un regard critique ?
D’abord, il n’est pas certain que ce regard critique soit évident ou légitime pour beaucoup de gens. Donc, c’est d’abord un apprentissage à faire ensemble, pour ceux et celles que cela intéresse. Ensuite, avec l’élection présidentielle qui arrive, c’est même crucial. Il faut lire, s’attaquer aux sujets difficiles ou un peu rébarbatifs pour tenter de les comprendre, se les approprier et se faire son propre avis. On veut aussi montrer que même si on sert les fesses dans le climat politique actuel toxique, on s’entraide et on soutient les initiatives positives.
Un mot sur le fait de créer soi-même « ce petit remontant » ?
Nous avons toutes les deux travaillé dans des rédactions de presse françaises où on nous a parfois fait comprendre que ces sujets étaient trop « clivants » pour être abordés de manière régulière ou frontale ou bien que l’on n’était pas « objectives » (contrairement aux confrères masculins aux compétences innées…!). C’est une situation qui n’arriverait pas dans les pays anglo-saxons. Or, la culture est par définition politique. Les questions de représentation dans l’art des femmes et des minorités notamment sont des enjeux importants, qui ne vont aller qu’en s’intensifiant avec l’émergence de nouvelles générations.
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