Le club de motards belge est dans le collimateur de la justice depuis que deux de ses membres, dont le chef, sont soupçonnés d’avoir préparé des attentats à Bruxelles pendant les fêtes de fin d’année. Les liens entre les Kamikaze Riders et les filières djihadistes n’ont pourtant rien d’évident. Explications.
La justice connaissait surtout ce club pour ses exploits sur le Ring, le périphérique bruxellois. Acrobaties sur une seule roue à des vitesses folles. Quitte à se faire très mal, le gang de bikers frôle souvent le dérapage vers l’illégalité, par amour du stunt, du nom de la discipline. Son nom : les Kamikaze Riders.
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Les services d’enquête belges tentent de savoir si ce groupe, né en 2003 à Anderlecht, dans la banlieue bruxelloise a un lien avec les attentats déjoués à Bruxelles lors des fêtes de fin d’année. La suspicion s’est amplifiée après que son chef fondateur, Saïd S., et Mohamed K. ont été arrêtés par la police, mardi 29 décembre.
Les deux motards, qui sont soupçonnés d’avoir projeté de s’attaquer à la Grand Place et à un commissariat, ont été placés sous mandat d’arrêt. Le parquet fédéral belge évoque une « menace d’attentats et de participation aux activités d’un groupe terroriste » attribuant à Saïd S. les qualités de « dirigeant » et « recruteur ».
« On est une famille »
Difficile de nier la résonance troublante que prend l’appellation qu’ont choisie les motards alors que les rumeurs d’attentats planent sur la Belgique. Le quotidien belge, La Dernière Heure, renforçait ce sentiment quelques heures après l’annonce de l’arrestation. Le chef Saïd S. aurait été cité dans le dossier Sharia4Belgium, sans être poursuivi. Cette filière belge de recrutement de combattants pour la Syrie a été qualifiée d' »organisation terroriste » par la justice, en février 2015. Considéré comme extrémiste radical et prédicateur salafiste, Saïd S. avait aussi été condamné pour des faits de vol par effraction et avec armes.
Télé Bruxelles a rencontré trois membres des Kamikaze Riders
Cependant, le club dont l’emblème est un samouraï rouge peut difficilement être considéré de facto comme une cellule de recrutement djihadiste. Au vu de leur présence sur les réseaux sociaux, aucune image, aucun propos ne fait référence à la religion ou à l’actualité.
Proches de la culture hip-hop, du lifestyle des rappeurs, les Kamikaze Riders, se voient comme un espace de socialisation pour les adeptes de sensations fortes. L’un de ses membres, Ludovic Ansel, insiste sur cette cohésion : « Ce ne sont pas que des Arabes, que des musulmans. Il y a des chrétiens, il y a des Africains. On est une famille », confie-t-il à RTL Belgique.
Le groupe qui compte une centaine de membres est par ailleurs sollicité pour des cortèges, des escortes ou des figurations de clips de stars telles que Booba ou le footballeur Djibril Cissé.
Booba – Futur Live Performance by W.E.T. par worldeventtour
Ludovic Ansel ajoute, auprès de l’agence Belga, qu’ils « étaient certes à fond dans leur religion mais ils n’ont jamais eu de geste ou de parole extrémiste », précisant qu’il n’a « jamais été témoin de propagande islamiste de leur part ».
Steve Coeymans, coordinateur de l’Association pour la défense des deux-roues motorisés à Bruxelles, refuse lui aussi de faire le raccourci :
« J’ai eu l’occasion de parler avec certains d’entre eux”, affirme-t-il. “C’étaient des gens très très sympathiques, je ne peux pas imaginer qu’ils soient arrivés à ce stade d’être radicalisés ou terroristes.”
Cependant, les puristes de la moto n’appréciaient pas les facéties des Kamikaze Riders, qui prenaient les voies publiques comme terrain de jeu, à l’inverse des conventions privilégiant les routes privées. Dans une interview accordée au magazine life-style semestriel de Bruxelles, World Magazine, en février 2015, le gestionnaire du compte Facebook du club admet qu’adrénaline rime souvent avec illégalité : « Ce serait te mentir que de te dire que tout ce qu’on fait est légal. Parce qu’à partir du moment où tu vois bien que, dans nos vidéos, on est en ville et on est truc… ‘fin, tu vois, quoi, on ne se cache pas. On ne se cache pas.”
Il évoque aussi les faits d’armes de son ami Saïd : “Il peut te regarder, il peut s’asseoir sur sa selle, il peut te faire coucou si tu veux, il monte à des vitesses de 200 km/h si tu veux sur la roue arrière.”
Radicalisation autour du chef des Kamikazes
En réalité, seule l’activité de certains de ces bikers peut faire évoquer une radicalisation. Comme Saïd Abu Shahib qui publie fréquemment des vidéos de propagande islamiste sur Youtube. « La vérité, c’est que vous êtes plus lâches et plus fourbes que les mécréants de Daesh », peut-on entendre dans une vidéo, publiée en décembre. “Vous ne faites qu’aboyer à en devenir la risée des judéo-croisés. Ils se moquent de vous, vous font chanter La Marseillaise dans les mosquées.” On peut apercevoir également le drapeau de l’Etat islamique sur la liste des vidéos mises en ligne sur son compte, ou encore un prêche d’Oussama Ben Laden.
La dernière vidéo publiée sur son compte rend hommage à un certain « Kawaz », décédé lors d’un accident de moto en 2014. Un chant religieux accompagne l’image au lieu des traditionnelles musique de rap ou d’electro. La personne ayant perdu la vie n’est autre que le frère de Saïd S., Abdelouafi Elouassaki. Ce dernier avait été interpellé au printemps 2013 par la police belge dans le cadre de l’enquête Sharia4Belgium, tout comme un autre de leur frère.
En définitive, si les Kamikaze Riders abritent quelques membres radicalisés, cela ne fait pas du club l’antichambre d’un groupuscule djihadiste. Aujourd’hui, l’enquête se concentre sur une “lettre d’adieu” sauvegardée sur l’ordinateur de Mohammed K., l’autre biker arrêté par la police belge. Le quotidien Le Soir s’appuyant sur des sources judiciaires affirme que le suspect y revendiquerait l’attentat prévu, . Le procureur général n’a pas souhaité réagir. La famille a quant à elle démenti cette information. Dans cette lettre « testamentaire”, Mohammed K. demanderait à « être rapatrié au Maroc afin d’être ainsi réuni avec son père (…) au cas où il décéderait au cours d’acrobaties de moto ».
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