Condamné à quatre ans de prison ferme pour avoir tenté de rallier la Syrie en 2012, Youssef Ettouajar est à nouveau entre les mains de la justice. Il a été arrêté mercredi avec sa compagne et deux proches. Ils sont soupçonnés d’avoir préparé des « actions violentes sur la France », selon les mots de Bernard Cazeneuve.
A la barre, Youssef Ettaoujar n’avait émis aucune once de remords. Il avait même refusé d’être extrait de sa cellule pour entendre son jugement : le 7 mars 2014, ce Franco-Marocain de 28 ans a été condamné à cinq ans de prison, dont quatre ferme, pour avoir tenté de rallier la Syrie avec deux complices. Cinq mois à peine après sa libération, le 10 octobre dernier, l’homme est à nouveau entre les mains de la justice. Soupçonné d’avoir préparé des « actions violentes sur la France », selon les mots de Bernard Cazeneuve, il est en garde à vue depuis mercredi matin avec sa compagne, Loubna, et deux frères dont il est proche.
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A l’origine de ce coup de filet : une information reçue mi-février par les services de renseignements les laissant penser que Youssef Ettaoujar prépare « un acte violent sur le territoire national », explique une source proche du dossier. Une surveillance est mise en place, une enquête préliminaire ouverte. « Le projet n’est pas étayé, il n’y a pas de lieu précis, de date ou de cible définie. Ce n’est pas imminent mais ce n’est pas pour dans des années non plus !« , poursuit la même source. Les profils des quatre djihadistes présumés – tous faisaient l’objet d’une fiche S – ainsi que les indices recueillis justifient des interpellations rapides. Lors de l’arrestation du quatuor, aucune arme, hormis une cartouche de kalachnikov non percutée, n’a été saisie. En revanche, un ordinateur et des clés USB sont actuellement en train d’être passés au crible.
Pied nickelé
Le profil de Youssef Ettaoujar intrigue car sa détermination n’a d’égale que son amateurisme. En témoigne sa tentative de départ en Syrie. Le 14 mai 2012, il est arrêté à l’aéroport de Saint-Etienne avec ses deux complices alors qu’ils s’apprêtent à s’envoler pour la Turquie en vue de rallier la Syrie. Cinq mois que les trois compères projettent de partir faire le djihad mais, incapables de se mettre d’accord sur une destination, ils hésitent toujours neuf jours avant le départ. Ils penchent dans un premier temps pour la Libye avant d’envisager le Mali et le Yémen – ils achètent même 1000 euros un 4X4 qui ne démarrera jamais pour descendre en voiture et un Zodiac « pour traverser la mer entre le Soudan et le Yémen« . En attendant le départ, la fine équipe s’entraîne en faisant des parties de paintball.
Tout au long de son procès, Youssef Ettaoujar, cheveux longs, barbe bien taillée et petites lunettes sur le nez, n’a eu de cesse de faire le pitre, ayant réponse à tout. Il affirme qu’il voulait faire de l’humanitaire et « filmer la tristesse » dans les camps, puis reconnaît que « si on lui avait proposé un entraînement au maniement des armes, il l’aurait fait« . A-t-il fait preuve de ce même amateurisme dans la préparation de ces « actions violentes » ? Quel était le degré de menace du quatuor ? « C’est encore trop tôt pour le dire, les auditions sont en cours », indique une source judiciaire.
« Pas assez aiguisé pour trancher une tête »
Youssef Ettaoujar n’a – heureusement – pas la discrétion pour principale qualité. Le jeune père de famille a eu le bon goût d’appeler sa fille Jihad. « Ça veut dire effort en arabe », s’était-il justifié en riant à son procès, « il y a bien des Français qui appellent leurs enfants Pierre, Jambon ou Cochon« . Sur son ordinateur, les enquêteurs avaient également trouvé, outre une multitude de documents ayant trait au djihad, plusieurs photos de lui le visage dissimulé et porteur d’un sabre, y compris en présence de son jeune neveu. « Un délire« , avait-il encore expliqué. L’ « émir » avait pourtant renoncé à l’époque à acheter des machettes et des couteaux, les jugeant « pas assez aiguisés, ou en tout cas pas suffisamment pour trancher une tête« , ont révélé les écoutes téléphoniques.
Un lien avec sa tentative de départ en Syrie ?
Ces deux affaires sont-elles mêlées ? Sans citer son nom, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a avancé mercredi soir que Youssef Ettaoujar « aurait pu être en relation avec des individus en Syrie appartenant à l’Etat islamique« . Or, l’un de ses deux complices dans la première affaire, Salah-Eddine Gourmat, est soupçonné de s’y trouver. Condamné à trois ans de prison ferme, celui qui apparaissait comme un homme de main a pris la fuite à l’issue du délibéré. Youssef Ettaoujar et Salah-Eddine Gourmat se connaissent depuis de nombreuses années, par l’intermédiaire du cousin de ce dernier. Mais c’est en 2010 que les deux hommes se rapprochent, alors qu’ils fréquentent la même mosquée. Si rien n’est confirmé à ce stade des investigations, l’hypothèse d’un projet fomenté ensemble n’est pas exclue. « On vérifie toutes les pistes, c’est bien trop tôt pour le dire« , explique prudemment une source proche du dossier.
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