Bora Kim, dit “YellowStar”, est sans doute le plus connu des joueurs français dans le monde de l’eSport, le jeu vidéo de compétition. Portrait d’un fils d’immigrés cambodgiens qui est aujourd’hui une star des jeux vidéo aux Etats-Unis.
Comme des millions de personnes chaque jour, Bora Kim débute sa journée en s’installant devant son ordinateur. Il ajuste son siège, place son clavier minutieusement. Comme des millions de personnes chaque jour, Bora Kim joue à League of Legends, un “moba” (pour arène de bataille en ligne multijoueurs), considéré comme le plus populaire au monde. Mais à la différence de la grande majorité des aficionados du jeu, quand Bora lance le jeu, il lance aussi sa journée de travail.
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Encore sous-médiatisé et peu connu du grand public il y a quelques années, l’eSport est en plein essor aujourd’hui. Sur League of Legends (LoL), Counter-Strike, ou même Super Smash Bros. Melee, les meilleurs joueurs s’affrontent dans des enceintes toujours plus importantes et des ambiances survoltées, comme lors de la finale des Championnats du monde de League of Legends en 2014, disputée dans un stade :
Bora Kim (24 ans), plus connu sous le pseudonyme “YellowStar”. “Yellow parce que je suis d’origine asiatique, Star parce que je voulais être le meilleur”. Il fait partie de l’élite de “LoL”, ce jeu hautement stratégique qui voit s’opposer deux équipes de cinq joueurs aux rôles prédéfinis. Le but ? Être le premier à détruire la base adverse. Facile d’accès, très long à maîtriser.
Une affaire de famille
Fils d’immigrés cambodgiens qui ont fui le régime des Khmers rouges à la fin des années 80, Bora découvre les jeux vidéo grâce à son grand frère, Rathana. “Je n’ai jamais vraiment cherché à jouer moi-même, explique le cadet des frères Kim. Il voulait un compagnon et comme j’étais plus petit il m’embarquait”. Et se trouvait vite dépassé ? “Bora était en général assez réticent à essayer de nouveaux jeux, du coup j’étais meilleur au début, assure Rathana. Mais c’est cette même caractéristique qui pousse Bora à s’améliorer : il ne joue que très rarement à plusieurs jeux en même temps”.
Bora perce d’abord sur Warcraft 3 (champion de France en 2009), puis sur League of Legends, dès les premiers balbutiements du jeu en 2011. En parallèle, il décroche un bac S en 2010 puis tente la fac de médecine. Une année seulement, avant de se rediriger vers une licence de biologie-chimie : “J’ai validé la première année, puis on m’a proposé un contrat. J’ai alors choisi de mettre les études de côté”. En 2013, Fnatic, la structure européenne la plus populaire de l’eSport (2.5 millions de likes sur Facebook) lui offre la possibilité de devenir joueur professionnel. Il négocie l’accord de ses parents (“Ils ont vu de l’avenir dans la discipline et m’ont laissé tenter ma chance”) et se lance dans l’inconnu.
Aujourd’hui pleinement soutenu par sa famille (“Fiers et admiratifs”, dixit Rathana), bilingue, plusieurs fois champion au sein de la ligue européenne, “YellowStar” est sans doute le joueur français le plus célèbre de la scène eSportive. Plus de 250 000 followers sur Twitter, environ le même nombre de likes sur sa page Facebook : il semble avoir atteint l’objectif inscrit dans son alias. “Bora n’a pas la réputation d’être le meilleur joueur au niveau des mécaniques individuelles, mais il est très intelligent, réfléchit beaucoup à la stratégie et est très souvent au bon endroit au bon moment, décrit Paul “sOAZ” Boyer, lui aussi professionnel et ancien coéquipier de Bora. Ce qui fait de lui l’un des meilleurs au monde à son poste.”
Le rêve américain
Début janvier, Bora a traversé l’Atlantique. Il a quitté Fnatic pour Team SoloMid (TSM) son pendant américain. “Pour l’instant tout se passe bien, à part la météo catastrophique, sourit-il. Les carrières sont courtes, après trois ans chez Fnatic je voulais tenter l’expérience, découvrir un autre univers.” Et les salaires réputés plus élevés aux États-Unis ? Bora balaye cette hypothèse : “J’ai failli re-signer, rester en Europe. J’ai négocié avec Fnatic et TSM et on me proposait un meilleur salaire si je prolongeais. J’ai fait le choix de la nouvelle aventure.”
https://www.youtube.com/watch?v=qf4dhGH9j8s
À Los Angeles, là où se dispute le championnat nord-américain de League of Legends, Bora habite dans une “gaming-house”. Une sorte de colocation géante où vivent, mangent, dorment et s’entraînent les joueurs de TSM et leurs coachs. Pas question cependant de n’en faire qu’à sa tête. “On se lève à 9h, on a entraînement individuel à 10h, réunion à 11h, entraînement collectif de midi à 15h puis de 16h à 19h”, détaille-t-il. Le week-end, TSM retrouve les neuf autres équipes de la ligue et dispute deux rencontres officielles, une par jour. Le but ultime ? Les Championnats du monde, dominés depuis trois ans par des structures coréennes sponsorisées par Samsung ou SK Telecom. Un peu comme si Apple ou AT&T se décidaient à racheter la nouvelle équipe de Bora.
Ce “nouveau départ” pour “YellowStar” prouve qu’il trouve encore la motivation pour continuer. Il affirme ne pas être lassé par ce rythme de vie usant et prend toujours du plaisir dans ce qu’il fait, “même si c’est très professionnel, de plus en plus”. Au sein de l’eSport, rares sont les joueurs qui dépassent les 25 ans. Mais son futur, Bora n’y pense pas. Reprendre ses études, se recycler dans sa discipline comme coach ou consultant… Il sait qu’il aura le choix. Alors il retourne s’entraîner. Samedi, c’est jour de match.
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