Chaque année, le Festival international de mode et de photographie de Hyères met en lumière les créatifs de demain. Nous sommes allés à la rencontre de Paul Rousteau, finaliste du concours de photo. Portrait d’un grand enfant.
Lorsque nous lui avions demandé, un an après Charlie Hebdo, d’illustrer le papier qui retracerait ces tragiques événements, le jeune photographe Paul Rousteau avait réalisé le cliché d’un oiseau de dos devant un coucher de soleil.
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Un choix symptomatique de son optimisme à toute épreuve. « J’ai eu des enfants il y a cinq ans, explique-t-il, je pense que ça m’a renvoyé en enfance. J’ai eu envie de quelque chose d’un peu naïf« . Le travail de Paul, empreint d’une grande douceur, a aujourd’hui séduit le jury du Festival international de mode et de photographie de Hyères, qui l’a sélectionné pour faire partie des 10 finalistes du concours photo.
Un amoureux de la couleur
Après avoir été diplômé de l’école de Vevey, en Suisse, Paul arrive à Paris, en 2010. « A ce moment-là, tous les photographes parisiens cherchaient des lieux désaffectés et voulaient quelque chose d’un peu trash« . Lui aime infiniment la couleur. Si on lui demande ce qui l’émerveille au quotidien, Paul parle peinture. Impressionnistes, expressionnistes allemands, Renaissance italienne…
« Les impressionnistes arrivent juste après l’invention de la photo. Du coup, les peintres se libèrent de leur devoir de représentation et commencent à s’exprimer par la forme. Moi, j’essaye de transformer un peu la photographie, dans la même idée, de la sortir de cette obligation de représenter »
A Hyères, justement, le jeune homme présentera une sélection de sept de ses clichés, dont la plupart questionnent la frontière entre peinture et photo. Certains ont le fondu d’une aquarelle.
Une dimension onirique
Il y a cette dimension abstraite, complètement onirique, dans les photos de Paul. Son œil ingénu est reconnaissable entre mille : il saisit la profondeur des regards, la douceur des traits. Teintes gaies et aspect embué. Le jeune homme a cette capacité à capter la beauté, la lumière et les couleurs même quand le monde entier broie du noir autour de lui. Pas de retouches Photoshop, qui selon lui annihilent le caractère de l’image. « J’utilise plein de techniques à la prise de vue, je prends des photos à travers du verre, quelque chose qui va déformer, modifier l’image, ou bien j’imprime sur des papiers spéciaux, qui vont faire baver un peu« .
Autre influence importante dans son travail : l’éducation qu’il a reçue. Paul fait ses premiers pas en Auvergne et grandit au sein d’une famille très avant-gardiste. « Mes parents mangeaient bio, j’ai été dans une école Steiner. Mais à l’époque ça n’était pas à la mode, c’était bizarre« . Adolescent, il pratique l’eurythmie, gymnastique corporelle censée restaurer les liens entre l’homme et son monde spirituel.
Mais tout ça l’ennuie profondément. « Maintenant j’y reviens un peu, pour essayer de comprendre, de regarder ça avec des yeux d’adulte« . L’esthétique liée à cette philosophie steinerienne l’a marqué : penser en couleurs et en formes pour donner corps à son esprit.
« Faire ressortir le monde intérieur »
Aujourd’hui, le jeune photographe partage son temps entre ses commandes et ses projets personnels. Il a réalisé de nombreux portraits de personnalités pour Libération, L’Express, Les Inrockuptibles, ou Le Monde magazine. “J’essaye de faire ressortir le monde intérieur des gens que je photographie. Je ne veux pas qu’on ressente le dispositif, qu’on voie que la personne pose, qu’on devine qu’elle a peur”.
Lui qui a également un pied dans le milieu de la mode (il vient de réaliser la dernière campagne Agnès B), assure : « J’aime tout, moi, en photographie, je n’ai pas de spécialité, je ne veux pas qu’on dise de moi que je suis portraitiste. C’est dommage de vouloir spécialiser les gens.” Il marque une pause et sourit : « Si quelque chose me plaît, je le fais !«
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