Dans l’arène médiatique, parfois violente, où se joue la campagne des élections présidentielles américaines, une personne a tiré son épingle du jeu. Il s’agit d’une femme, Megyn Kelly. Outre-Atlantique la journaliste star de Fox News déchaine les passions, certains la révèrent, d’autres l’abhorrent. Portrait d’une femme complexe.
En août dernier, le débat télévisé du parti Républicain, autrement connu sous l’acronyme de GOP (Grand Old Party) a pris une tournure inédite. La journaliste star de Fox, Megyn Kelly, a pris à partie le candidat favori des Républicains, Donald Trump, devant une salle pleine à craquer. Elle l’a interrogé sur ses multiples sorties misogynes et sexistes avec un aplomb et une détermination hors pair, laissant le magnat orangé quasiment sans voix. Dès lors, le monde entier a pris connaissance de la journaliste au brushing blond impeccable et au franc parler détonnant.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Selon Vincent Michelot, directeur de Sciences-Po Lyon et spécialiste de l’histoire politique des Etats-Unis, le choix de Megyn Kelly s’imposait à la Fox :
« Il s’agissait d’assurer la crédibilité de la chaine, dont l’image était en jeu, au yeux des médias concurrents, des électeurs et du parti républicain en choisissant une personnalité forte mais en même temps pas trop marquée. Elle sait montrer son indépendance en séparant le commentaire et l’information, dans la grande tradition américaine.”
Megyn Kelly, 45 ans, aime raconter que lorsqu’elle n’était qu’une enfant elle entendait souvent les mères de ses camarades la citer en exemple. Depuis son plus jeune âge elle s’est donc évertuée à être la « meilleure ». Elle est née et a grandi dans l’état de New York au sein d’une famille de la classe moyenne puis y a étudié le droit. Après plusieurs années passées au sein du prestigieux cabinet Bickel & Brewer LLP de Chicago elle a décidé de changer de voie et de se consacrer au journalisme. Selon les termes de sa belle sœur, mais que Megyn reprend à l’envi, elle est ainsi passée de sa “zone d’excellence” à sa “zone de génie”.
Pour arriver à ce degré de perfection, où l’humilité n’est pas forcément au rendez-vous, Megyn Kelly a beaucoup travaillé. Elle a quitté le droit pour devenir journaliste freelance pour une chaine locale affiliée à ABC en 2003 avant de devenir reporter pour la Fox où le patron de l’info Roger Ailes l’a pris sous son aile. Après avoir été en charge de chroniques judiciaires, elle a participé à l’émission The O’Reilly Factor aux côtés de la légende conservatrice, Bill O’Reilly. En 2010 elle s’est vue confier les rênes de l’émission America Live où elle a augmenté les audiences de 20%, ce qui lui a permis d’avoir sa propre émission en 2013, The Kelly File qui cartonne toujours.
Laurence Haim, correspondante à la Maison Blanche et journaliste à Canal + et iTélé, nous explique que, selon elle, le parcours de Megyn Kelly est remarquable :
« Elle travaille depuis de longues années pour Fox et, à force de travail, elle a développé un show assez exceptionnel. Elle éditorialise, avec une sensibilité, des idées qui lui sont propres.
La chaine, par le biais de son incroyable patron Roger Ailes l’a formidablement soutenue. Son interview face a Trump était pour moi un modèle de professionnalisme. Je suis admirative de sa réussite. Elle a crée sa propre marque. »
Une icône féministe ?
Les joutes verbales régulières que la journaliste entretient avec des politiciens aux idées sexistes lui ont valu d’être aimées et soutenues par bien des femmes et des féministes. Le magazine Vanity Fair qui a fait d’elle sa cover story du mois de février – honneur ultime – n’hésite pas à la présenter comme une icône de la cause féministe. Après tout, sa seule présence sur la Fox n’est-elle pas en soi une révolution ? Elle a pour ainsi dire volé la vedette à ses collègues masculins, restés bloqués dans une réalité moyenâgeuse en ce qui concerne les questions sociales.
Is the American right big enough to contain both @MegynKelly and @realDonaldTrump? https://t.co/y9lTMUNP0M pic.twitter.com/gizbP12iZX
— VANITY FAIR (@VanityFair) January 5, 2016
Pour Laurence Haim, sa consoeur américaine est un modèle à suivre :
« Kelly est arrivée à la Fox car la chaîne, comme toutes les autres, veut des femmes de caractère et qui ont de l’expérience pour gérer des heures d’infos en continu. Le fait qu’elle soit une star est assez nouveau, on pouvait déjà voir des vedettes féminines dans l’infotainment mais pas dans l’info pure. Pour moi elle est une femme incroyable. On manque de Kelly en France.”
Le commentateur politique Bill Maher qui officie sur HBO se montre quant à lui plutôt sceptique, et ironique en ce qui concerne la bravoure de Megyn Kelly :
« Elle est entourée par des types comme Bill O’Reilly. Elle est comme la blonde aux dragons dans Game of Thrones. »
Une opacité et une ambivalence qui la rendent clivante
Si Megyn Kelly a l’air « normale » au sein d’une chaine comme Fox, elle n’hésite cependant pas à jouer la carte de l’opacité, si chère aux politiques qu’elle aime bousculer à l’antenne. Si certains l’érigent en féministe, elle ne s’est jamais publiquement considérée de la sorte, et son avis sur l’avortement n’est connu que d’elle et son mari, l’écrivain Douglas Brunt, car il s’agit d’une question “privée”.
Par ailleurs, elle ne se dit ni républicaine ni démocrate et avoue avoir voté pour les deux partis au cours de sa vie. Mais plusieurs événements laissent penser qu’elle est beaucoup plus conservatrice qu’elle ne le laisse croire.
En 2013 il y eut l’épisode dit du « Black Santa » où la présentatrice affirmait haut et fort, et en direct, que le père Noël ne pouvait en aucun cas être noir. Le fait qu’elle semble également être obsédée par le mouvement des New Black Panther Party (elle a consacré 45 reportages sur le sujet) étaye la thèse de certains, comme le site Gawker, qui la présente comme tout simplement raciste. Pour se défendre de ces rumeurs, elle aime crier haut et fort que son idole ultime est Oprah Winfrey… Car celle-ci n’a pas bâti sa fortune sur la victimisation et la carte de la « race ».
{"type":"Banniere-Basse"}