A 26 ans, Marie Lebec a été élue députée de la 4e circonscription des Yvelines. Portrait d’une figure politique propulsée par la dynamique En Marche !, qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Au lendemain de son élection dans la 4e circonscription des Yvelines, la jeune députée déclarait sur la matinale d’LCI « penser forcément » à l’Elysée. Lors de notre rencontre, posée en terrasse à côté du Palais Bourbon, elle nuance en riant. « Si je vous dis que mon objectif le plus lointain est d’être présidente de la République, ça n’arrivera probablement jamais. Mais c’est un moteur pour avancer. » Selon elle, l’ambition paye : un an après avoir créé son parti, Emmanuel Macron a bien été élu président de la République. Sous ses traits juvéniles, Marie Lebec présente la même détermination lisse. De sa voix grave et charismatique, elle retrace son parcours.
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Le virus de l’engagement
Tout commence à 14 ans, lorsque ses parents l’emmènent à un meeting politique, Maison de la Mutualité (Paris 5e). « Je ne sais plus pour quelle raison c’était, je ne sais même plus qui y était. Je sais juste que ça m’a vachement plu. » Rien d’étonnant, l’adolescente retrouve une atmosphère qu’elle connait déjà au quotidien : le débat politique est constant dans la famille Lebec. Les opinions fusent mais « pour avoir droit au chapitre, il faut avoir quelque chose à dire. » Marie Lebec commence ainsi à aiguiser son talent oratoire. Aux présidentielles de 2007, elle milite avec les Jeunes Populaires des Yvelines pour Sarkozy. Fascinée par le rythme intense de la campagne et les passions du militantisme, elle explique y avoir attrapé un « virus ». Celui de l’engagement politique.
Encouragée par ses parents, elle intègre le FIFRU, double-diplôme entre l’IEP de Bordeaux et l’Université de Cardiff. Après sa première année au pays de Galles, elle fonde le Model United Nations (MUN) de Sciences Po Bordeaux avec une amie proche, Alice Maurel. Inspirée par son expérience britannique « très enrichissante« , Marie Lebec persuade sa directrice d’études de créer cette association de débat pour « échanger en anglais sur des enjeux internationaux, comprendre le mécanisme de l’ONU et en rencontrer ses membres etc », se rappelle Florence Gaillet, directrice du FIFRU. « Depuis sa création, le MUN est un véritable succès« , ajoute-t-elle.
Elève sérieuse et studieuse, Marie Lebec ne garde pas pour autant la langue dans sa poche. « Elle était capable de tenir tête aux professeurs quand elle pensait avoir raison », raconte Alice Maurel qui souligne son « fort esprit critique« . Egalement membre de la FIFRU, les deux amies vivaient en colocation avec 4 autres personnes au Royaume-Uni.
« Je me rappelle qu’à Cardiff, nous n’avions que très peu de cours. Alors que la majorité d’entre nous ne pensait qu’à aller aux pubs ou se balader dans les parcs, Marie préférait lire la biographie de Churchill. On la taquinait gentiment mais au final, elle nous a battu à plate couture sur l’histoire politique britannique. »
Parcours hybride, slalom politique
« Elle a longtemps été très attirée par le charisme de Nicolas Sarkozy », se rappelle Alice Maurel. Après plusieurs années d’engagement à droite, Marie Lebec prend pourtant ses distances. « Je trouvais que la droite ne se renouvelait pas assez, qu’elle s’enfonçait dans de petits conflits », explique-t-elle. Et lorsque Christian Franqueville, député socialiste des Vosges, lui propose de travailler avec lui, elle accepte. « C’était un valsiste … Enfin pas un communiste quoi », relativise-t-elle. « Il me disait que son problème principal, c’était l’emploi. Et pour moi, l’emploi, c’est ni de gauche ni de droite. » Collaboratrice parlementaire pendant deux ans, elle fait ainsi ses griffes à l’Assemblée.
Déçue par l’attitude de la droite lors des débats sur la loi Macron, elle dénonce les « postures politiques » partisanes qui priment trop souvent sur l’intérêt général. Une perche tendue à ses adversaires qui ne manquent pas de l’attaquer sur son parcours. « D’autres […] sont des candidats à géométrie variable, qui sont passés de droite, de gauche, et prennent aujourd’hui le train pour En Marche », tacle le député sortant Ghislain Fournier, candidat Les Républicains de la 4e circo des Yvelines. « Pour moi ce ne sont pas des convictions, ce sont des ambitions », sermonne-t-il sur Yvelines Première (04:13).
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Pas de quoi désarçonner la jeune femme qui lui inflige une sévère défaite et obtient 48% des voix dès le premier tour, et ce malgré le monopole historique de la droite dans cette circonscription (excepté lors de l’élection de Michel Rocard en 1986). « Moi je crois concrètement qu’on s’en fiche un peu de savoir qui est de gauche ou qui est de droite. Il faut se détacher de tout ça ! », s’exclame Marie Lebec avant de réitérer ses convictions. « Aujourd’hui, je crois très fortement au projet d’Emmanuel Macron, je crois très fortement en sa personnalité« . Les yeux pétillants, elle ne cache pas son admiration pour le président, qu’elle n’a toujours pas rencontré.
« C’est ce que j’attends d’un président, qu’il soit au-dessus des partis, des clivages. Même si c’est péjoratif, le côté hyper-président, moi je trouve ça super. Puis je trouve qu’avec Edouard Philippe, ils forment un très bon binôme. »
« Lobbyiste, le métier le plus haï »
Diplômée en « représentation des intérêts et lobbying », Marie Lebec rejoint le cabinet d’affaires publiques Euralia où elle déclare avoir surtout travaillé avec le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Tout comme le jeune député LREM, Michaël Nogal, son passé de lobbyiste dérange.
Encore une lobbyiste chez #LREM, ça commence à faire après Marie Lebec, Ferrand, Alexandre Holroyd…
— ✊SEM✊ (@razoor777) June 14, 2017
« C’est un peu le métier le plus haï après journaliste« , dit-elle en riant. « Franchement c’est un sujet de fantasmes. C’est House of Cards qui nous fait du mal. » Selon la députée, le lobbying permet de connecter deux mondes qui ne se parlent pas, la politique et l’économie. Et de comparer le travail des syndicats ou des associations lorsqu’elles viennent présenter leurs projets aux politiques : « c’est du lobbying également ».
« Sauf que le lobbying, c’est autre chose », rétorque Marie-George Buffet, députée PCF et interlocutrice de Marie Lebec sur France Inter. « Vous arrivez à l’Assemblée nationale avec votre casier pour convaincre de prendre tel vaccin ou de faire ci … Avec des amendements pré-rédigés, donc il faut s’en méfier« , déclare-t-elle pendant l’émission de radio.
Premières semaines à l’Assemblée
C’est par voie de presse que Marie Lebec apprend son investiture LREM pour les législatives de 2017. Elle puise alors dans ses économies personnelles pour financer une campagne qu’elle mène à la baguette. « J’ai beaucoup insisté auprès de mes équipes pour aller à la rencontre des électeurs et faire du porte-à-porte« , dit-elle en expliquant fuir le publipostage massif. « Ça n’a pas fait que des heureux, il y a des militants qui se sont fait un peu violence« . C’est le cas de Pascal Sinègre, militant auprès de Marie Lebec pendant la campagne. « Le porte-à-porte, c’est pas trop mon truc, déclare-t-il, mais chacun a pu mener les actions avec lesquelles il se sentait à l’aise. Marie est ouverte, pas du genre dans sa tour d’ivoire« . Surpris par les résultats du 1er tour, il ne s’attendait pas à détrôner la droite qui régnait jusque-là sans partage. « Je suis très lucide, elle a un profil très compatible avec la sociologie de la circonscription », concède-t-il.
Premier jour à l’Assemblée nationale. Malgré son expérience en tant que collaboratrice parlementaire, Marie Lebec avoue être impressionnée par le dédale du bâtiment. « Honnêtement, il faut un sacré sens de l’orientation pour s’y retrouver. » Élue vice-présidente de la délégation aux outre-mer, elle est également membre de la commission des affaires économiques. Contactée par email, une députée de la commission nous répond ne pas voir de qui il s’agit, « elle n’a pas du être marquante« . Certes, ça ne fait que que 5 semaines.
Interrogée sur l’après-mandat, Marie Lebec dit songer à reprendre sa carrière dans le lobbying et ne pas forcément vouloir consacrer sa vie à la politique. « Déjà, je sais que je vais voter la loi sur le non-cumul des mandats, donc bon. » Prochaine étape dans 5 ans, la priorité étant de faire un bon mandat et « c’est déjà beaucoup, surtout pour la vie privée« . Horaires lourds, commentaires hargneux sur les réseaux sociaux … L’entourage de la députée s’inquiète parfois. « Le principal reproche qu’on me fait c’est que je suis moins disponible », ajoute-t-elle.
« Il y a beaucoup de travail, c’est un rythme super intense. Ça ne me dérange pas, mais franchement depuis que j’ai été investie, ça a été non-stop. Le week-end dernier, je suis enfin revenue à des tâches du quotidien … Faire ma lessive ! »
Visage de la « révolution » générationnelle En Marche
Son expérience politique trans-partisane et son passé de lobbyiste ne sont pas ses seules failles selon ses détracteurs. Certains pointent du doigt son jeune âge, comme preuve d’un manque d’expérience. A en croire les débuts chancelants de certains députés LREM à l’Assemblée, ce n’est pourtant pas une question de bougies. « On ne va pas demander à des gens de 26 ans d’avoir une expérience d’élection locale équivalente à celle d’élus implantés de longue date », tempère Thierry Sessin-Caracci, son suppléant ou « réserviste » comme il se décrit.
Ce quinquagénaire socialiste explique avoir formé avec elle un tandem équilibré pendant la campagne des législatives. « On était très complémentaires. Ça n’a pas été spontané, ça s’est fait au fur et à mesure, il a fallu tâtonner« , reconnaît-il. « Mais au final, ça s’est avéré redoutable d’efficacité! », avant de louer ses qualités de leader, disponible, à l’écoute et capable de trancher.
« Une révolution s’est déroulée, une nouvelle génération politique en a remplacé une autre. Que ça produise des déceptions, des frustrations et de l’amertume, c’est dans l’ordre des choses. »
Evoqué par ses adversaires comme par ses supporters, Marie Lebec assure pourtant n’avoir jamais fait de son âge un argument de campagne. « Quand je paye des impôts à 26 ans, par contre, ça ne choque personne« , s’étonne-t-elle en insistant sur la nécessaire représentation de toutes les classes d’âge, au même titre que celle des femmes. Avec elle , la trentaine d’élus En Marche ! de moins de 31 ans débarque dans l’hémicycle, prête à renouveler (au moins) ses codes, avec ses références pop, son langage décontracté et sa maîtrise des réseaux sociaux. Au milieu de l’interview, Marie Lebec tape ainsi un check à son voisin. Et à en croire ce tweet, elle aurait même introduit le handspinner à l’Assemblée.
Le handspinner fait son entrée dans l'hémicycle grâce à @MarieLebec78, voisine de @manuelvalls #DirectAN
— Lucile Bréhaut (@LucileBrhaut) July 4, 2017
La députée incarne malgré elle la machine bien huilée d’En Marche. Elle ne se laisse pas démonter pour autant lorsque son attaché parlementaire dit qu’elle « parle trop vite« , adresse un léger sourire aux journalistes Gerard Davet et Fabrice Lhomme quand ils évoquent le « moule » dont sortirait la génération Macron avant de riposter « je ne vous crains pas » dans C l’Hebdo. « C’est une vraie bête politique« , assure Thierry Sessin-Caracci. Jeune femme, ex lobbyiste et taxée d’opportunisme politique, Marie Lebec essuie les critiques. Et lorsqu’on lui demande « Ça vous endurcit ? », sa réponse arrive du tac-au-tac : « je suis déjà dure« .
https://youtu.be/PC_Z7J-yFdM?t=10m30s
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