Condamnée pour persécutions religieuses, habituée des processions anti-musulmans, co-dirigeante du Britain First, un parti d’extrême-droite, nationaliste, chrétien et anti-islam, Jayda Fransen fait l’objet d’une attention médiatique inespérée grâce à Donald Trump. Portrait d’une extrémiste violente.
Lorsque, mercredi 29 novembre, Jayda Fransen jette un coup d’œil sur son compte Twitter, comme elle le fait près de 25 fois par jour, elle a dû s’y reprendre à deux fois. Elle n’en revient pas.
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Le président des Etats-Unis, Donald Trump, vient de relayer trois de ses vidéos, postées quelques heures auparavant. Il est environ midi en Angleterre et trois retweets viennent de conférer à cette jeune leader d’extrême droite une dimension internationale inespérée.
Grand remplacement, invasion, guerre civile et conquête islamiste
Au moment où elle poste des vidéos anti-islam, sorties de leur contexte selon la technique classique des trolls d’extrême droite, Jayda Fransen n’est encore qu’une inconnue hors du Royaume-Uni. Elle n’est que l’une des dirigeants d’un petit parti chrétien extrémiste, nationaliste et férocement opposé islam, fondé en 2011 par des dissidents du UKIP.
Outre-Manche, le Britain First et Jayda Fransen sont tristement réputés pour leurs actions coup-de-poing, leurs occupations de mosquées et leurs propos outranciers envers la communauté musulmane. Grand remplacement, invasion, guerre civile, conquête islamiste sont leurs thèmes de prédilection.
“Britain First est une cause pour laquelle je pourrais mourir”
Régulièrement, elle déambule lors de “patrouilles chrétiennes”. Des processions qui ne sont pas sans rappeler celles du Ku Klux Klan. Habillés en tenue paramilitaire kaki, ses membres traversent des quartiers à forte population immigrée avec des croix de bois blanches.
The Muslims of Luton claim they've taken our country from us! It seems my Christian cross really offends them! pic.twitter.com/KJOpzXBqDN
— Jayda Fransen (@JaydaBF) March 16, 2017
Ils n’hésitent pas à sonner en pleine nuit chez des gens qu’ils considèrent liés au terrorisme pour les “confondre”, envahissent régulièrement des mosquées et des boucheries hallal, assurant que ces dernières payent une taxe qui finance le djihadisme. Le tout soigneusement filmé et diffusé massivement sur les réseaux sociaux. Très souvent, Jayda Fransen est en première ligne. Elle menace les uns : “Vous avez une semaine pour abandonner le hallal”, intimide les autres : « Vous nous volez notre pays, mais pas pour longtemps ! Regardez cette croix ! »
A 31 ans, Jayda Fransen est une extrémiste pure et dure. Fin 2015, fixant une caméra de la BBC, elle n’hésite pas un instant : « Britain First est une cause pour laquelle je pourrais mourir. » Le ton est donné.
« Une amazone »
Sur le papier, Jayda Fransen n’est que la vice-présidente de Britain First, officiellement dirigé par Paul Golding, 33 ans. Ce dernier, plusieurs fois condamné, lui laisse la main lors de ses séjours en prison (il a été inculpé pour occupation illégale de mosquée et coups et blessures). Et dans les faits, c’est elle qui représente le parti. Un brin paranoïaque, Paul Golding a d’ailleurs confié : « Si je suis assassiné, explosé par une bombe, je veux que Jayda puisse mener notre mouvement. » La relève est prête.
Aux côtés des molosses à crânes rasés du Britain First, Jayda Fransen tranche singulièrement. Longs cheveux rouges, excellente oratrice, très charismatique. Elle n’hésite jamais, toujours face à ses caméras, à insulter et provoquer les musulmans. A tel point qu’un adhérent de son parti, subjuguée par la jeune femme, lui confie en bégayant : « A la façon dont vous leur tenez tête, pour moi, vous êtes une amazone. »
Évènement traumatique dans l’enfance
L’amazone, bigote et nationaliste, plutôt discrète sur son parcours personnel, s’est néanmoins confiée à la BCC lors d’un reportage sur le Britain First. Jayda Fransen est née dans le Kent en mars 1986. Lors de son adolescence, elle traîne « au mauvais moment, au mauvais endroit, avec les mauvaises personnes ». Elle vit alors « un évènement traumatique dans son enfance » qui la « pousse à grandir trop vite ». Visiblement choquée, elle n’en dira pas plus. Mais à 14 ans, elle quitte l’école et s’enfuit de chez ses parents. L’ado vit dans un refuge quelques années avant de reprendre ses études et décrocher un diplôme en droit.
Le 11 septembre 2001 et l’attentat de Londres en 2005 sont autant de traumatismes supplémentaires qui la poussent à s’encanailler dans l’English Defense League, groupuscule brutal et extrémiste. Elle rejoint finalement Britain First, moins violent en apparence, mais tout aussi radical.
Rapidement Jayda Fransen grimpe les marches et devient vice-présidente en 2014, année où elle se présente aux législatives. Elle récolte 0,1 % des suffrages. Soit 56 voix. Qu’importe la raclée. Elle est lancée et bien décidé à prendre la lumière.
Quelques centaines d’excités
Avec Paul Golding, elle tente de forger un parti à leur image. Jeune et dynamique, agressif et hyper présent sur les réseaux sociaux. Chaque déplacement, procession ou convocation par la police (très fréquentes) fait l’objet d’une vidéo postée illico sur la toile. En quelques heures, ces dernières récoltent plusieurs dizaines de milliers de vues. Sa chaîne Youtube personnelle en compte près de deux millions.
Mais aux rassemblements du Britain First, on est bien loin de ces chiffres mirobolants. Ils ne réunissent rarement plus de quelques centaines d’excités, comme le prouvent les scores électoraux de ses leaders : 0,1 % aux législatives pour Fransen en 2014, 1,2 % pour Golding aux municipales de 2016.
Qu’importe là encore. Leur combat est supérieur. Pour eux, les valeurs chrétiennes de l’Angleterre sont en train de se dissoudre dans « un islam rampant ». Pour autant, Jayda Fransen refuse qu’on la taxe de raciste. « Qu’est-ce que la race ? Ça n’a aucune importance, tergiverse-t-elle devant des médias anglais. Pour être musulman, vous pouvez être noir, blanc, asiatique. Ça n’a pas de rapport. » Jayda Fransen n’hésite d’ailleurs pas à mettre en avant ses origines étrangères. Mais c’est différent, puisque son grand-père hollandais s’est intégré. Encore une fois, pour elle il n’y a qu’une menace et elle est claire : l’islam.
« Persécution religieuse anti-musulmans »
Elle a d’ailleurs été condamnée en novembre 2016 pour « persécution religieuse anti-musulmans« . En cause, des propos tenues à l’encontre d’une mère de famille portant le hijab. En janvier 2016, Jayda Fransen mène une « patrouille chrétienne », à Luton, ville connue pour sa forte population de confession musulmane. Alors qu’elle distribue des tracts anti-islam, elle tombe sur une femme voilée rentrant de ses courses. Une fois de plus, la scène est entièrement filmée.
Devant ses quatre enfants, Jayda Fransen la prend violemment à partie. « Pourquoi êtes-vous couverte comme ça ? Ce sont les hommes musulmans qui vous forcent à vous voiler (…) pour ne pas vous violer (…) car ils ne peuvent pas contrôler leurs pulsions sexuelles. » Avant de crier, devant les enfants visiblement paniqués, « c’est pour ça qu’ils viennent dans mon pays pour violer les femmes ».
Paranoïaque
A son procès, la chrétienne radicale a tranquillement nié le caractère offensant de ses propos assurant que ce n’était que « la vérité » comme le prouve « tout ce [qu’elle] a étudié ». Finalement condamnée à des dommages et intérêts, elle s’est fendu d’un post rageur sur son compte Facebook. « C’était absurde dans la cour. C’était vraiment un affichage clair de reddition islamique. Voilà tout ce que nous venons de voir. »
Car Jayda Fransen est paranoïaque. Elle en est certaine, la mission qui lui a été confiée par Dieu fait d’elle une cible. Des pouvoirs publics comme des musulmans. Elle assure ne jamais rester plus de six mois au même endroit, s’estimant en constamment danger. Très sérieuse, elle jure n’avoir que « 24 heures de sécurité ». La trentenaire raconte recevoir de nombreuses menaces de mort. « On m’a menacé de me tuer et de violer mon cadavre. » Lorsqu’elle est convoquée par la police seule ou aux côtés de Paul Golding, elle se filme systématiquement, persuadée qu’on veut l’emprisonner pour la faire taire.
« Please Donald Trump »
Profitant de sa nouvelle notoriété, (elle a gagné près de 25 000 followers en moins d’une journée), Jayda Fransen a fait appel à Donald Trump sur Twitter, car elle s’estime encore une fois menacée par les pouvoirs britanniques. Elle est à nouveau convoquée le 14 décembre par la justice pour « persécution religieuse anti-musulmans » suite à discours prononcé à Belfast.
Elle s’adresse au « leader du monde libre », lui qui a pris le temps de « retweeter trois de [s]es vidéos », pour lui faire part de cette « menace contre la liberté de parole », l’enjoignant « d’intervenir » en sa faveur. Sans quoi, elle sera « jetée en prison ». En quelques heures, elle a reçu des milliers de soutiens anonymes sur les réseaux.
Jusqu’ici cantonnée à un rôle mineur dans un groupuscule chrétien d’extrême droite au parcours parsemé de violences racistes, l’aura de Jayda Fransen n’aurait jamais dû dépasser les frontières du Royaume-Uni. En relayant ses vidéos nauséabondes à ses plus de 45 millions de followers, Donald Trump en a décidé autrement.
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