Chaque année, le prix Levallois de la Jeune Création photographique internationale nous plonge dans le regard des photographes de demain. Hubert Crabières a été selectionné parmi les 15 finalistes pour ses clichés qui oscillent entre humour et intrusion.
Les photographies d’Hubert Crabières sont de celles qui font sourire. De gêne ou de bon cœur, selon les séries. En parcourant son travail, on a cette (désagréable ou jouissive ?) impression de s’immiscer dans l’intimité de ses modèles. Fasciné par les rapports de forces, il photographie la vulnérabilité, le mouvement, des corps et leurs imperfections, des regards aveuglés par cette lumière toujours très blanche, éblouissante mais douce, sa marque de fabrique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Hubert Crabières, pour sa série baptisée La Pesanteur et la Grâce, est l’un des quinze finalistes sélectionnés par le jury du prix Levallois de la Jeune Création photographique internationale, manifestation annuelle qui prend la température de la photographie contemporaine et met en lumière les talents émergents.
Quel est ton parcours et qu’est ce qui t’inspire au quotidien ?
Hubert Crabières – J’ai été diplômé en juin 2016 d’un DNSEP à l’Ecole nationale supérieure d’Arts de Paris-Cergy. Avant cela j’ai étudié le cinéma à Paris III et j’ai travaillé en agence de publicité. Ce qui m’inspire ce sont les moments qui provoquent malgré eux l’irruption d’une fiction bancale dans le réel : des accumulations par exemple, les rapprochements inattendus, des attitudes qui frôlent l’absurde quand on les perçoit en simples spectateurs…
Il y a quelque chose de très intime dans tes clichés. On a l’impression d’avoir surpris quelqu’un qui croyait être seul. Que cherches-tu à capter et transmettre lorsque tu photographies quelqu’un ?
Quand je photographie quelqu’un j’essaie de mettre en forme la tension qui s’instaure entre le sujet et le photographe. C’est à la fois une tension physique parce qu’il faut fixer un instant construit à travers une pose et un angle de vue, mais aussi et surtout une tension entre le fait de déposséder un instant un sujet de son identité, ou plutôt qu’il accepte que non pas son corps mais son identité devienne matière pour construire une image qui dépassera largement le cadre de nos réalités respectives.
Tu photographies des scènes de la vie de tous les jours, l’espace domestique, tes proches, tes amis. Est-ce le rôle de la photographie, selon toi, de mettre en lumière la beauté du quotidien ?
Mes photographies ne recherchent pas uniquement la beauté. Tout mon travail est mis en scène. Rien n’est vraiment un instant volé mais plutôt des constructions ou des reconstitutions. Je crois que ce qui m’intéresse dans l’espace domestique ou dans le fait de travailler avec mes proches, c’est que ces personnes et les choses alentours ont déjà une organisation interne qui sont les traces du quotidien mais aussi de projections personnelles. J’aime bien l’idée de faire entrer « de force » une situation photographique dans des moments qui « méritent » cette mise en scène. Celle-ci peut contraster ou contredire ce qui l’entoure parce qu’elle concentre en elle des problématiques complètement différentes. Mais en travaillant avec mes proches et dans mon espace personnel je rends ce contraste plus flou comme si l’ensemble pouvait se fondre dans mon environnement.
Tu as réalisé une série des clichés de tes proches vêtus de pièces de grandes maisons de luxe, série qui a d’ailleurs été relayée par Vogue Italie. Que penses-tu de la place et du rôle du vêtement ? Que dit-il de nous ?
Je suis très suspicieux en ce qui concerne le monde de la mode, tout comme je le suis avec l’image photographique comme médium, et c’est peut-être pour cette raison que ça m’intéresse de l’aborder. J’ai bien conscience que le vêtement a une place sociale, politique, identitaire mais aussi récréative et fantasmagorique très importante. Je remarque aussi qu’assez naturellement, un travail photographique qui aborde le portrait ou des questions identitaires et intimes est très vite rapproché de l’image de mode ou abordé par ses acteurs. Ces questions et ces possibles rapprochements m’intéressent beaucoup et je voulais les incarner dans une photo qui emprunte directement des caractéristiques de l’image de mode. C’est aussi un aspect de la mise en scène que je voulais aborder, par le vêtement et le déguisement.
Pourquoi avoir choisi de résumer ton travail en ces mots : la pesanteur et la grâce ?
J’ai résumé mon travail aux termes de la pesanteur et la grâce tout d’abord parce que le livre éponyme de la philosophe Simone Weil (1909-1943) m’a beaucoup accompagné dans ma construction intellectuelle. J’ai pu formaliser un peu certaines ambiguïtés des rapports que j’entretiens avec le monde qui m’entoure, des envies de justice et de rapports de forces, de répulsions mais aussi d’amour.
Les noms des lauréats du Prix Levallois (mention spéciale et prix du public) seront annoncés le 5 juillet 2017 aux Rencontres d’Arles.
{"type":"Banniere-Basse"}