Depuis samedi dernier, jour du début de leur opération au Col de l’Echelle, Génération identitaire est dans toutes les bouches. Le groupe de l’ultra-droite a méticuleusement préparé son coup de com’, dans la plus grande discrétion.
Ils revendiquent une centaine de participants venus de toute l’Europe – Français, Autrichiens, Allemands et Italiens. Sur les images, on en aperçoit à peine une soixantaine. Génération identitaire, mouvement de jeunesse de l’ultra-droite – qui rejette l’attribut d’extrême droite – a accaparé l’attention des médias, de l’Assemblée nationale et du gouvernement ce week-end suite à l’occupation du col de l’Echelle samedi dernier, 21 avril. Les participants à l’opération ont installé une « frontière symbolique » en grillage de chantier au long de ce point de passage très fréquenté par les migrants. Un coup de com’ méticuleusement réfléchi, et réussi.
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Génération identitaire n’a croisé aucun migrant
Situé dans les Hautes-Alpes à six kilomètres de la frontière italienne, le col de l’Echelle est aujourd’hui le point de passage essentiel des migrants qui veulent passer de l’Italie à la France. En 2017, les autorités ont compté 1 900 personnes en situation irrégulière qui ont été refoulés des Hautes-Alpes vers l’Italie.
Contrairement à la situation courante dans ce point de passage, les militants de Génération identitaire n’ont croisé aucun migrant sur leur chemin. « La veille de l’opération, les membres de notre section en Italie ont été prévenir les migrants en Italie de notre présence au Col de l’Echelle. Notre message était de leur dire que ça ne sert à rien d’essayer de passer par ce point ce week-end« , témoigne Damien Rieu, membre de Génération identitaire et du Front national. « On ne cherchait en aucun cas des affrontements avec les migrants, raison pour laquelle nous avons pris cette disposition. Par contre nous avions deux objectifs : donner la preuve qu’on peut contrôler les frontières mais aussi attirer l’attention de l’opinion public et des pouvoirs politiques sur la situation » affirme-t-il avant de se réjouir du succès de l’opération : « nous avons fait bouger les lignes. La preuve c’est que Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur a pris des dispositions pour renforcer le contrôle dans ce point de passage« .
Une vulgate identitaire
Alors que les mouvements identitaires sont d’habitude étiquetés comme nationalistes, Génération identitaire porte une dimension régionaliste et continentale. « Nous avons une philosophie identitaire triple : locale, nationale et civilisationnelle. Après, chacun met davantage le curseur sur l’une de ces trois entités« , explique Damien Rieu, qui est également directeur de la communication de la ville de Beaucaire, commune dirigé par Julien Sanchez, un proche de Marine Le Pen.
Jean-Yves Camus, directeur de l »Observatoire des radicalités politiques, confirme cette lecture. Contacté par Les Inrocks, le politologue ajoute en ce sens une divergence avec le Front national. « Le Front national se base avant tout sur l’Etat-nation tandis que les groupuscules d’extrême droite, à l’exemple de Génération identitaire, se revendiquent comme culturalistes. A savoir qu’on se réfère à une identité locale, ensuite nationale et enfin culturelle européenne« , précise-t-il, avant d’ajouter : » pour les identitaires, la nationalité française ne peut s’acquérir de façon contractuelle, contrairement au Front national qui croit en la possibilité d’une trajectoire d’intégration individuelle« .
Les sources du financement
Selon Génération identitaire, l’opération du week-end dernier a coûté à peu près 30 000 euros. Damien Rieu affirme que le groupe bénéficie de différentes sources de financement sans en dire davantage. En décembre 2017, Génération identitaire a lancé un appel au don suite à la condamnation de 5 de ses membres par le tribunal de Poitiers à 40 000 euros d’amende entre autres – en octobre 2012, 73 membres de Génération identitaire ont occupé une mosquée en construction à Poitiers. « L’appel au don a trouvé un grand succès. L’argent récolté dans cette opération nous permet aussi de financer d’autres actions, notamment celle du week-end dernier au Col de l’Echelle« , précise Damien Rieu.
Deuxième source de financement : l’appel au don permanent lancé sur le site officiel du groupe. Damien Rieu ajoute une troisième source : « nous avons sollicité des chefs d’entreprise à qui nous avons présenté le projet, l’idéologie de notre mouvement, et qui ont accepté de nous soutenir« , explique le jeune frontiste.
Les opérations se poursuivent
« Nous continuons en ce moment même [l’entretien s’est déroulé lundi soir, NDLR] nos patrouilles mobiles au long de la frontières. Notre opération se poursuit« , tient à souligner Damien Rieu.
Sur la question de l’ampleur réelle de la force d’action de Génération identitaire, Jean Yves Camus appelle au relativisme : « Les actions de Génération identitaire, depuis sa création, sont après tout peu nombreuses, de même pour les activistes qui y ont participé. En 2012, ils n’étaient pas plus de 73 à occuper la mosquée de Poitiers. Ensuite, il fallait attendre l’été 2017 pour qu’ils mènent leur deuxième action à grand retentissement médiatique en affrétant le bateau c-star pour empêcher les migrants de traverser la Méditerranée« .
Néanmoins, Génération identitaire « fait beaucoup avec peu ». En effet, Stéphane François, historien spécialiste des mouvements d’extrême-droite, avait déjà souligné lors de l’opération de l’été 2017, que « Génération identitaire a une excellente communication ». Avant d’ajouter : « Ils sont persuadés qu’on se dirige vers une guerre ethnique. Ils veulent lutter contre cela. »
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