A 36 ans, elle est la seule député de Paris de la France Insoumise. Au centre d’une polémique aux relents racistes, Danièle Obono est une militante de la première heure qui ne jure que par « la lutte ».
Le visage poupin de Danièle Obono, orné d’éternelles boucles d’oreilles à boules rouges, a dépassé le milieu confidentiel du militantisme à la faveur de deux évènements. D’abord grâce à une victoire. Elle a remporté la bataille des législatives dans la 17e circonscription de Paris, marquée par une abstention de presque 60 %. A 36 ans, elle est devenue la seule député de Paris du groupe La France insoumise (LFI).
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Mais c’est surtout une polémique mâtinée de racisme qui a projeté la nouvelle députée sur le devant de la scène. Le 21 juin, invitée des Grandes Gueules de RMC, elle est interrogée à propos de son soutien apporté à un chanteur de rap, Saïdou et au sociologue Saïd Bouamama en 2012. Ces derniers avaient été mis en examen à la suite d’une plainte de l’association d’extrême-droite, l’Agrif, contre un ouvrage et une chanson intitulée « Nique la France ». La pétition, lancée par les Inrocks, avait reçu les signatures de nombreuses personnalités, telles que Noël Mamère, Olivier Besancenot ou Eva Joly.
Garde-à-vous et Marseillaise
« En tant que députée, êtes-vous fière d’avoir signé ? » Un peu interloquée, Danièle Obono explique avoir paraphé la pétition pour » défendre la liberté d’expression de ces artistes. Parce que ça fait partie des libertés fondamentales. » Question du journaliste : « En raison de votre parcours, aujourd’hui vous dites vive la France ? » Réponse courroucée : « Vous voulez que je me mette au garde-à-vous et que je chante la Marseillaise ? »
Ça n’a pas trop plu. Dans l’heure, la polémique a vite enflée, dopée par le Front National et la fachosphère. Ces derniers se sont déchaînés contre celle qui s’offusquait qu’on lui demande de dire « Vive la France ». Une pétition a même été lancée pour demander sa démission, signée par quelques 5000 personnes. A ces voix se sont bientôt mêlées celles de journalistes et d’hommes politiques de droite.
Demander aux Noirs et aux Arabes de témoigner l’amour de la patrie
« J’ai été surprise par cette injonction de dire « Vive la France », explique l’intéressée, une semaine après l’interview. Cela renvoie à l’inconscient de demander aux Noirs et aux Arabes de témoigner leur amour de la patrie. »
Blessée par ces critiques, elle préfère voir les bons côtés de la chose. Pour elle, la polémique a eu au moins l’avantage de montrer « la réalité du racisme et du sexisme » en France. « Être ce que je suis, une femme noire, et l’assumer, ça heurte et ça bouscule. Tant mieux, explique-t-elle. Je suis un passé refoulé. » Elle prévient d’emblée. « C’est un combat qui reprendra dans quelques semaines. »
Et quoi de mieux qu’une tribune à l’Assemblée pour mener « les luttes » ? Ça avait d’ailleurs déjà commencé la veille de la polémique, le 20 juin. Elle est arrivée à la droite de Jean-Luc Mélenchon, entourée de la bande de La France insoumise (LFI). Ses boucles rouges aux oreilles, un large sourire au lèvres. Pour la photo de famille sur le parvis du Palais Bourbon, lorsque Ruffin leur a enjoint de lever le poing, elle ne s’est pas fait prier. Lorsque le même Ruffin a scandé « Résistance, résistance », puis en riant « Et à la fin c’est nous qu’on a... », elle a répondu, aux anges, « Gagné ! », « Gagné ! ».
« Camardobono »
« Ça fait plaisir de gagner, gisse-t-elle d’une petite voix, presque gênée de l’avouer. Et puis ça ne nous arrive pas souvent, alors bon… » Avant de reprendre son sérieux et son credo. « La confiance, c’est important dans la lutte. »
Celle qu’on appelle « Camaradobono » est une militante de longue date. D’abord LCR, puis NPA, puis Front de Gauche et enfin LFI. Elle se définit comme « éco-socialiste, afro-féministe, internationaliste, bolcho-luxemburgeo-trotskiste, altermondialiste, panafricaniste ». Avant de préciser. « Entre autres« .
Né au Gabon, Danièle Obono est arrivée en France à l’âge de 11 ans. Elle est la fille de Martin Edzodzomo Ela, un opposant politique au régime d’Omar Bongo. Elle réfute toute « filiation politique » et ne parle que très peu de son père. « Je sais juste qu’il a fait un peu de prison ». Il a surtout été candidat à l’élection présidentielle en 1998, mais là aussi, silence radio. Elle met fin au sujet. « Je ne suis pas la fille d’un opposant politique qui fait de la politique« , assure-t-elle.
Révolutions et contradictions
Son père en politique est peut-être à chercher ailleurs. Durant la campagne, Danièle Obono, porte-parole du mouvement, est régulièrement apparu au bras d’un Jean-Luc Mélenchon plein de tendresse pour la jeune femme. Très heureux de lui dispenser quelques anecdotes historiques, à la manière de l’instituteur version IIIe République qu’il aime à incarner. Et elle de l’écouter les yeux brillants.
Pour autant, elle affirme s’être forgée seule en militant. Toujours opposée « au système« . Celui-la même qu’elle intègre pleinement aujourd’hui en tant que députée de la nation, visiblement avec fierté. Elle s’en défend, expliquant que son « engagement politique plus large que [s]on mandat ».
Avant d’avouer dans un sourire : « Bon OK, c’est le propre des révolutionnaires d’être un peu dans la contradiction. Et puis, il faut utiliser tous les outils pour s’opposer à ce qui se prépare. » Un brin théâtrale à la manière de son mentor, elle parle de « danger » et de « menace » en évoquant le programme de la majorité.
Avec ses amis « insoumis », elle tient à revendiquer l’étiquette de « seule opposition » et voit son mandat comme un moyen, « une position importante qui donne un écho et une audience ». La députée met en garde : le combat se fera dans l’Hémicycle mais aussi dans la rue. Si elle connaît bien la seconde arène, la première est toute nouvelle. Sans se démonter, Danièle Obono assure en riant qu’elle « apprend vite ».
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