Autrefois militant lycéen puis élu local à Athènes, le leader de la formation de gauche radicale Syriza est devenu à 40 ans le vainqueur des élections législatives grecques, avec 38 % des suffrages. Portrait.
Dans son bureau d’Athènes, Che Guevara et Fidel Castro ornent les murs. Pour ses apparitions publiques, il choisit pour l’accompagner Manolis Glezos, figure de la Résistance grecque face à l’occupation allemande. Alexis Tsipras aime les symboles forts. Quitte à agacer ses détracteurs. Qu’importe : aujourd’hui, il vient de remporter les élections législatives grecques, avec 38 % des suffrages pour le parti radical de gauche Syriza.
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Alexis Tsipras, militant sans cravate
Issu de la petite bourgeoisie d’Athènes, Alexis Tsipras est né en 1974, quatre jours après la chute de la junte militaire grecque. Un premier signe qui ne trompe pas ? Le jeune homme prend goût en tout cas au militantisme sur les bancs du lycée. A la fin des années 1980, il s’engage dans les Jeunesses communistes grecques (KNE) – où il rencontre sa future épouse et mère de ses deux enfants, Peristera Baziana – et devient un symbole du mouvement lycéen lorsque qu’il s’implique dans la révolte contre la loi de Kontogiannopoulos alors ministre de l’Education.
Le voilà installé place Syntagma, à Athènes, pour ses premiers combats étudiants. Son style est désinvolte, ouvert. Sans cravate, le militant téméraire possède déjà un attrait prononcé pour le Che – il baptisera d’ailleurs son fils Orphée-Ernesto. Accueilli sur les plateaux télé à bras ouverts, il y lance en 1990 un joli « On veut avoir le droit de choisir quand on va en cours ». Les Grecs viennent de découvrir Alexis Tsipras.
Par la suite, son engagement ne faiblit pas : alors qu’il poursuit une formation civil à l’Université polytechnique d’Athènes, bastion de la contestation étudiante, il se fait le porte-parole régulier de ses camarades et devient même représentant au Sénat de l’université dans les années 2000.
De Synapspismos à Syriza
Alexis Tsipras entre dans le jeu politique par la petite porte, celle d’un parti eurocommuniste et altermondialiste né en 1991 et nommé Synaspismos, également l’héritier direct du Parti communiste grec – ex-KKE. A force de ténacité et d’efficacité de la part de ses membres, le parti traverse les crises internes, obtient des sièges au Parlement, s’impose face aux rivaux politiques et devient peu à peu une coalition des partis de gauche (trotskistes, maoïstes, écologistes, anarchistes…). En février 2008, Alexis Tsipras prend la tête de cette modeste formation devenue le parti unitaire de la gauche radicale. Syriza est né. A seulement 33 ans, Tsipras devient le plus jeune responsable d’un parti parlementaire grec, dans une classe politique vieillissante où les actifs des villes ont déserté le Pasok (Parti Socialiste) pour se tourner vers Syriza, parti de jeunes, plutôt urbains.
Tandis qu’en 2010 la crise de la dette s’accentue plongeant la Grèce dans un marasme économique sans précédent, Tsipras n’a de cesse de dénoncer les mesures d’austérité drastiques imposées par les créanciers du pays et la troïka (Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et la Commission européenne). En 2012, Syriza rafle 26,9% des suffrages et 52 sièges à la Vouli et devient le deuxième parti du pays derrière la Nouvelle Démocratie (droite) et devant le Pasok, dont l’électorat se réduit à peau de chagrin.
L’homme de la synthèse
Cette percée électorale lui confère une grande légitimité dans sa famille politique. Considéré comme l’homme qui a su faire le lien entre les multiples forces en présence (qui vont du trotskysme au centre-gauche), Tsipras fait la synthèse entre les radicaux de gauche et les modérés. Entre la ligne radicale et la ligne réaliste, incarnée majoritairement par les économistes de Syriza, Tsipras crée du consensus et rassemble.
En 2013, candidat au poste de commissaire européen, il peaufine son image d’homme de la synthèse en multipliant les visites à l’étranger, du chef de la BCE Mario Draghi, au ministre allemand des Finances Wolfgang Schaeuble, chantre de la rigueur budgétaire qu’il fustige, en passant par le pape François.
Au fil des meetings, le député européen parvient à gagner la confiance de millions de ses concitoyens qui voient en lui une alternative aux pressions de la Commission européenne, qui étrangle les finances grecques. Celui que les médias français surnomment le “Mélenchon grec” affiche son talent d’orateur, séduit et rassure. Écartant l’hypothèse d’une sortie de l’euro, il affirme dans le même temps que seul le rejet de l’austérité est en mesure de relancer la machine européenne en panne.
C’est l’histoire d’un mec… normal
Avec son apparence ordinaire, son calme olympien et sa fausse désinvolture, le leader de Syriza est parvenu à s’imposer comme un homme normal. Cheveux courts, allure sportive, col ouvert (sans cravate) et moto de ville, Tsipras ressemble aux hommes de sa génération. «Ce n’est pas ce qu’on appelle un intello, mais il a une réelle capacité à rendre accessible des concepts compliqués, à formaliser des idées. Et il parle comme les gens» raconte son ami de Syriza, Charis Constantos à Libération en juin 2012. Après plus de deux décennies d’engagement, commence aujourd’hui l’exercice du pouvoir. Pour son premier jour, Tsipras n’a pas prêté serment sur la sainte Trinité, mais sur « son honneur et sa conscience ».
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