Anti-âge, bon pour la digestion, remède contre la gueule de bois : toutes ces vertus supposées poussent de plus en plus de gens à fabriquer eux-même de la kombucha, une boisson fermentée à base de thé sucré. Analyse d’une pratique qui existe depuis l’Antiquité mais bénéficie aujourd’hui d’un nouvel engouement de la part des adeptes du “do it yourself”.
Une membrane visqueuse de quelques centimètres d’épaisseur à la surface d’un bocal de thé sucré. Nous ne sommes pas dans la cuisine d’une sorcière de conte de fées mais dans celle d’un.e amateur.rice de kombucha. Boisson fermentée traditionnellement préparée en Chine, en Russie et en Ukraine, la kombucha est devenue depuis quelques années un breuvage tendance à qui on prête de nombreuses vertus. Particulièrement appréciée dans les pays anglo-saxons, de plus en plus de Français.es sont séduits par cette boisson réputée excellente pour la santé et qu’on peut même fabriquer chez soi.
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Delphine fait partie des férues du kombucha. Dans sa cuisine trônent deux bocaux en cours de fermentation qu’elle montre avec fierté. Cela fait plus de deux ans que cette cadre de 31 ans en fait régulièrement. Elle est toujours attentive à la bonne santé de ses souches : « C’est comme un deuxième animal de compagnie. Il faut y faire attention et les nourrir de thé sucré », précise t-elle.
Si Delphine s’est laissée tenter par la kombucha – le terme est masculin quand il est encore au stade de ferment, puis passe au féminin dès qu’il devient une boisson – c’est moins pour ses supposés bienfaits que pour le plaisir de préparer une boisson fermentée soi-même : « c’est très rigolo à faire, et puis on peut l’aromatiser comme on veut. La faire plus ou moins sucrée ou pétillante. Rajouter des écorces d’agrumes ou des fruits rouges. » C’est aussi plus économique : « faire soi-même la kombucha, c’est beaucoup moins onéreux que de l’acheter en magasin. »
A la recherche d’une « mère kombucha »
Pour préparer sa propre boisson fermentée, il faut tout d’abord se procurer une « mère de kombucha ». Composée de levures et de bactéries, cette souche disposée à la surface d’un bocal de thé sucré froid et d’un peu du liquide d’un précédent kombucha (appelé starter en anglais) va fermenter la boisson. Il suffit ensuite de laisser reposer le breuvage pendant environ sept jours, protégé par un tissu pour éviter que des insectes soient attirés par la préparation. A cette première phase de fermentation, Delphine en ajoute une deuxième où elle aromatise sa kombucha dans une bouteille à bouchon mécanique.
Cette mère de deux enfants préfère le goût acidulé et le pétillant de sa kombucha fait maison, très différente de celle qu’on trouve en magasin bio où elle est souvent agrémentée de jus de gingembre. Elle en sert au dîner ou lors d’apéritifs. Grande adepte de la boisson, elle l’a fait découvrir à ses proches : « La préparer, c’est aussi le partager ! Quand on fait du kombucha, les souches se multiplient. J’en ai donné à ma famille, mes amis, mes collègues pour qu’ils puissent faire la leur. Je les propose aussi à des inconnus sur des groupes Facebook destinés aux amateurs de kombucha. »
Le marché de la kombucha sur les réseaux sociaux
Violeta, elle, a décidé d’en vendre via sa page Facebook. Photographe et buveuse de kombucha depuis 10 ans, elle s’est lancée dans ce commerce par passion pour la boisson et pour compléter ses fins de mois. « Cela fait environ un mois que j’ai commencé à en vendre, raconte t-elle. Je n’ai pas encore beaucoup de clients mais je suis confiante. Ce n’est pas encore très populaire en France. »
C’est lorsque son père en ramène d’un festival en Allemagne que Violeta, alors âgée de 17 ans, découvre le breuvage : « La kombucha a un goût très particulier. Au début, je n’aimais pas trop ça et puis au fur et à mesure on ne peut plus s’en passer, un peu comme le café. » Cette jeune femme originaire de Milan en boit maintenant un verre matin et soir. « La kombucha me donne de l’énergie et renforce ma flore intestinale. Avant d’en boire, j’avais des problèmes de digestion. » Selon elle, la boisson fermentée possède de nombreuses vertus. « C’est même un bon remède contre la gueule de bois ! » confie-t-elle en riant.
Un breuvage miracle ?
Mais qu’en est-il vraiment de ses propriétés scientifiques ? D’après Marie-Claire Frédéric, journaliste et co-auteure du livre Boissons fermentées naturelles (Editions alternatives), la kombucha est bel et bien bénéfique pour la santé. « Des études sur des rats ont montré des propriétés anti-toxiques, protectrices du foie, explique l’experte. La boisson renforce les défenses immunitaires, a des vertus bactéricides et améliore les fonctions rénales. Elle prévient des troubles digestifs, comme l’ulcère de l’estomac et les gastro-entérites. Elle réduirait aussi la tension artérielle. » La journaliste tient à préciser que ce n’est pas non plus un breuvage miraculeux : « les aliments fermentés, kombucha y compris, maintiennent le corps dans un état optimal pour réagir aux agressions, mais ce ne sont pas des aliments aux pouvoirs magiques. »
Reginald Allouche, diabétologue et nutritionniste, est quant à lui plus sceptique. « C’est très difficile de vérifier scientifiquement si la kombucha est une boisson bénéfique, tempère t-il. Elle est supposée avoir des effets anti-âge par exemple. Mais pour le prouver, il faudrait en donner à un panel de personnes pendant 60 ans et voir s’ils deviennent centenaires… » Le médecin concède toutefois que la part de mystique peut jouer : « c’est vrai qu’à partir du moment où on y croit, la boisson devient bénéfique. De plus, les personnes qui font du kombucha chez eux ont souvent une très bonne hygiène de vie. »
« Quand c’est fait chez soi, si c’est bien fait : il n’y aucun danger ! »
Quels sont les risques à préparer une boisson fermentée tout seul chez soi ? « Quand c’est fait chez soi, si c’est bien fait : il n’y aucun danger », affirme le docteur Reginald Allouche. « La kombucha agit sur 5% de la flore bactérienne. Si la personne manque de bactéries aérobies, ça peut lui faire du bien, sinon ça ne lui fait rien. Selon lui, il faut mieux préparer sa propre kombucha plutôt que de l’acheter en magasin, « afin de ne pas ingurgiter les métaux lourds contenus dans certains produits et de connaître l’origine et la traçabilité de sa boisson. » Surtout que celles commercialisées n’ont pas la même composition : « les boissons pasteurisées ne contiennent pas les éléments supposés bienfaiteurs du kombucha », ajoute le docteur.
La spécialiste des aliments fermentés Marie-Claire Frédéric renchérit : « si on respecte les règles d’hygiène les plus élémentaires, il n’y a aucun problème à boire sa propre kombucha. Il faut aussi utiliser de bonnes matières premières : du thé bio, de l’eau de source. » Toutefois, il est peu recommandé d’en boire un litre par jour dès le début : « même si c’est bénéfique, on peut avoir besoin d’un temps d’adaptation en raison de la présence de nombreux probiotiques ‘efficaces’ sur les intestins. »
Il faut également faire attention de ne pas laisser trop brunir le dépôt. Pas de panique : impossible de s’intoxiquer. « S’il y a de la moisissure, le kombucha a une très mauvaise odeur. Il faut faire confiance à ses sens et tout ira bien », assure Delphine. Cette trentenaire en a bu lorsqu’elle était enceinte et en donne même à son enfant de deux ans. La jeune femme conclut : « les boissons fermentées, ce n’est que du positif à condition qu’on n’avale pas n’importe quoi sans goûter ni sentir. Mais ça, c’est un savoir que l’on a perdu. »
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