Une semaine après le lancement du premier dispositif national visant à réglementer la diffusion artistique dans les cafés cultures, un syndicat de musiciens dénonce un risque d’exploitation des artistes amateurs.
Les porteurs du projet n’hésitent pas à parler de « révolution » dans les pratiques culturelles. Le 29 mars dernier, un dispositif national d’aide à l’emploi artistique direct a été lancé officiellement, en présence de représentants du ministère de la Culture, de plusieurs collectivités locales et de membres de la plateforme nationale des cafés cultures.
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Les cafés cultures, ce sont de petits bars ou restaurants qui proposent une programmation artistique (concerts, expos…). Ils ont connu leurs heures de gloire dans les années 80 et 90, contribuant à faire émerger une culture alternative. Mais ils ont aujourd’hui de plus en plus de mal à survivre. Les lourdeurs économiques, administratives et juridiques en ont contraint beaucoup à mettre la clé sous la porte.
Trois mesures phares
Résultat de deux ans de négociations entre partenaires sociaux et pouvoirs publics, le nouveau dispositif vise à mieux encadrer les pratiques artistiques dans les cafés cultures et à les financer. L’objectif annoncé est de « préserver et développer l’emploi artistique » à l’aide de trois mesures phares qui devraient être opérationnelles d’ici la fin 2011 :
– l’instauration d’un protocole de bonnes pratiques sur la programmation des artistes amateurs, cosigné par le syndicat national d’artistes musiciens de France (SNAM-CGT) et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH),
– l’élaboration d’une circulaire interministérielle rappelant les spécificités du statut des cafés cultures, pour leur épargner certaines difficultés liées à leur double activité,
– la création d’un « fonds d’aide à l’emploi artistique » cofinancé par des entreprises (brasseurs, distributeurs de boissons) et des collectivités locales. Destiné aux établissements signataires de la charte de bonnes pratiques, il doit permettre de prendre en charge une partie de la masse salariale artistique.
Un syndicat dénonce le risque de concurrence déloyale
Le dispositif ne fait pas l’unanimité et réveille de vieilles querelles de clochers du côté des syndicats de musiciens. Le Samup (Syndicat des artistes interprètes et enseignants de la musique, de la danse et des arts dramatiques) ne digère pas l’un des volets de la charte de bonnes pratiques, qui indique que « l’établissement peut programmer des amateurs non rémunérés » dans le cadre de spectacles « à but non lucratif ».
D’après le syndicat, c’est une façon d’exploiter les artistes amateurs, et d’encourager le travail au noir d’artistes professionnels qui accepteraient de mentir sur leur statut pour pouvoir se produire.
« Cette mesure mercantile risque de déstabiliser le secteur en créant une concurrence déloyale, s’agace François Nowak, secrétaire général du Samup. Les établissements voudront toujours avoir recours à des artistes qu’ils n’ont pas à payer. »
Pourtant, la charte prévoit que 15% maximum de la programmation puisse inclure des spectacles non rémunérés. Ce qui ne suffit pas à convaincre. « On ne réussira jamais à faire appliquer le quota », affirme François Nowak.
« Créer de l’emploi dans un secteur qui en a besoin »
Au Snam-CGT, on ne comprend pas ces critiques. « Dans tout projet, il y a des effets pervers. Mais dire qu’on légalise le travail au noir, c’est exagéré, s’indigne Patrick Desche-Zizine, responsable du groupe CGT du Snam. Les établissements auront tout intérêt à adhérer aux bonnes pratiques pour être subventionnés. Ce dispositif vise à créer de l’emploi dans le secteur de la musique qui en a besoin. On ne peut qu’être désolé de ces arguments fallacieux. »
David Milbeo, chargé d’animation du collectif de cafés cultures Cultures Bar-bars, défend quant à lui la clarification du statut des artistes amateurs.
« Les pratiques amateurs sont une réalité dans les bars. Elles seront mieux encadrées grâce au protocole de bonnes pratiques. L’objectif est de permettre à certains amateurs qui n’ont pas pour objectif de vivre de leur art de se produire en public. »
Avant de se produire, les artistes amateurs devront remplir une déclaration sur l’honneur précisant qu’ils subviennent à leurs besoins par des rémunérations autres que celles provenant de leur pratique artistique. Pour David Milbeo, cela devrait suffire à éviter les dérives.
Il ajoute qu’en encourageant la diffusion artistique dans les cafés cultures, le dispositif devrait permettre à certains artistes en galère de renouveler leur statut d’intermittents du spectacle. Depuis 2006, leur nombre aurait baissé de près d’un tiers.
Pauline Turuban
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