Par une folle concordance entre le programmé de longue date et le totalement imprévu, l’actualité des séries est particulièrement profuse en ce printemps confiné. Le Bureau des légendes revient pour un cinquième tour de piste (mais le dernier pour son créateur Eric Rochant, qui quitte son poste de showrunner), mais on se réjouit aussi du retour d’une autre série d’agents, plus outrageusement amorale et queer, Killing Eve, ainsi que d’une flopée de nouveautés. Sans parler du lancement (légèrement différé) de la plateforme Disney+, qui menace de détourner quotidiennement les plus jeunes de leurs classes en visioconférence.
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Dans ce contexte de grand sinistre et de fermeture généralisée des salles de spectacles, les plateformes de streaming et les chaînes de télévision ne connaissent plus de concurrence. Et la série, par sa forme extensive, tentaculaire, offre la rassurante promesse de combler toutes ces plages horaires désertées par l’activité professionnelle, la vie sociale, le non-domestique.
Mais, paradoxalement, cette demande accrue s’accompagne d’un tarissement à la source. En effet, depuis plus de deux semaines, les tournages de presque toutes les séries du monde ont été suspendus. La situation, inédite, promet des heures plus difficiles dans les mois à venir (déjà, Stranger Things, Atlanta ou Mytho devront repousser leur retour) et soulève de nombreuses questions économiques pour les acteur·trices les plus fragiles de la filière.
Le bouleversement s’annonce profond. Depuis plusieurs années était apparu le terme « peak TV » (la télé arrivée à son pic de production), qui accompagnait l’explosion du nombre d’épisodes produits chaque année et l’arrivée en masse des streamers. Virus oblige, la haute montagne est en train de devenir une morne plaine, même si ce n’est pas encore visible à l’œil nu.
Le sens, puisqu’il faudra bien en trouver un au cataclysme en cours, se trouvera-t-il bientôt niché au cœur des nouvelles fictions qui naîtront ? Tous les créateurs et créatrices de séries ne peuvent pas faire comme Thomas Lilti qui, une fois le plateau de sa série Hippocrate fermé, est retourné à l’hôpital en tant que médecin. Nous attendons des séries à la hauteur du monde qui se dessine : consolatrices, politiques, puissantes dans leur façon de penser le rapport au collectif et à l’altérité, à l’amour et au désir. Les jours suspendus d’aujourd’hui devront faire naître de grands récits déconfinés.
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