Le philosophe Ruwen Ogien est mort. L’occasion de (ré)écouter sa dernière entrevue proposée à France Culture suite à la publication de son ultime opus : Mes mille et une nuits. La maladie comme drame et comme comédie. On le devine, c’est une abondante philosophie de la souffrance que déploie le penseur, autoproclamé “patient à perpétuité“. Les vertus de […]
Le philosophe Ruwen Ogien est mort. L’occasion de (ré)écouter sa dernière entrevue proposée à France Culture suite à la publication de son ultime opus : Mes mille et une nuits. La maladie comme drame et comme comédie. On le devine, c’est une abondante philosophie de la souffrance que déploie le penseur, autoproclamé « patient à perpétuité« .
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Les vertus de la maladie
Penser la pornographie, La panique morale, Le sexe , l’art et la morale…On doit à Ruwen Ogien de nombreux essais de philosophie éthique où s’entremêlent les diverses conceptions du Bien. Disparu suite à un long cancer « capricieux, chaotique« , ce passionné d’anthropologie sociale a fait de sa douleur, « cette bouffonnerie sociale« , l’un de ses ultimes objets de réflexion. Pour ce penseur de la liberté, la souffrance, cette émotion qui nous obsède, n’est pas une fatalité, mais le début d’une pensée.
« Il faut avoir à l’égard de notre propre maladie une certaine distance, une certaine ironie » insiste-t-il sur France Culture, « ne pas passer notre temps à faire des tragédies narcissiques« . Face à la prédominance du dolorisme (la conception de la douleur comme enseignement moral), il n’est pas déconseillé de faire du rire sa philosophie intime. Mais faut-il pour tant railler la mort ad vitam ? Au contraire, toute notre attention doit se porter vers la douleur d’autrui, la seule qui importe vraiment.
« La souffrance des autres, nous devons la prendre très au sérieux […] il y a une sorte d’asymétrie entre ma propre souffrance, comique et grotesque, et le grand sérieux dont j’essaie de faire preuve quand je suis confronté à la maladie des autres » développe le moraliste.
« Un déchet social »
Au détour des interrogations morales et existentielles – quid du sens du sacrifice à l’ère contemporaine ? – Ruwen Ogien évoque la dépendance alarmante des patients envers les médecins. Lorsqu’un individu entre dans une phase de maladie, la seule étiquette sociale qu’on lui attribue est celle du patient. Comme si son identité s’effaçait derrière son corps :
« J’ai imaginé que si quelqu’un ne se comportait pas comme bon patient, docile et obéissant, reconnaissant la compétence des médecins, ceux-ci pourraient interrompre le traitement […] [En tant que patient] j’étais un peu dans la position de Shéhérazade qui est obligée de séduire le roi pour continuer à vivre […] j’étais comme un déchet social […] toutes les autres caractéristiques sociales perdent leur importance lorsque vous êtes malades »
Jamais à court de décoches, le philosophe en profite pour contester les différentes étapes du processus du deuil, qu’il qualifie selon les mots du Dr House de « conneries new age« . Sans misérabilisme aucun, Ruwen Ogien évoque la souffrance au gré de traits d’esprit percutants dont il a le secret : « Etre malade est mon métier, mais j’aimerais bien être licencié ! » déclare-t-il à Etienne Klein. La maladie est un imaginaire organique et fantasmagorique, qui reste encore à déconstruire. “C’est un défi enrichissant, une épreuve qui donne au patient un avantage moral sur les bien-portants”. » écrivait-il dans son dernier livre.
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