Avec le documentaire « Le monde selon Xi Jinping », Sophie Lepault et Romain Franklin livrent un portrait extrêmement documenté du président à vie chinois. Et dévoilent les ficelles d’une stratégie politique bien réfléchie…
2049. La Chine est la première puissance économique, politique et militaire mondiale. Les cent ans de la république populaire de Chine sont fêtés en grande pompe. Xi Jinping salue la foule. Il règne toujours en maître. Voici le rêve de l’actuel président chinois. Un rêve qui pourrait bien se réaliser…
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https://youtu.be/ow_tQQzukfQ
Durant 1h15, le documentaire de Sophie Lepault et Romain Franklin – Le monde selon Xi Jinping – raconte la personnalité complexe du président chinois bien parti pour devenir « empereur à vie ». En mars 2018, il a annoncé qu’il ne rendrait pas le pouvoir comme prévu et a modifié la constitution pour rester président à vie. Du jamais vu depuis Mao Zedong. Mais quel monde nous réserve-t-il ? Derrière les belles promesses du rêve chinois, un double discours se cache.
Quelques mois seulement après son investiture, en mars 2012, le masque commence à tomber lorsque ses opposants dévoilent des documents confidentiels dans la presse. On y retrouve notamment une liste des sept idées occidentales considérées comme dangereuses par l’Empire du Milieu, soit la démocratie, les valeurs universelles des Droits de l’homme ou encore la liberté de la presse… En effet, Xi Jinping s’attache chaque jour – via la propagande chinoise – à lutter contre ces valeurs. « Une guerre idéologique difficile à appréhender de l’extérieur », selon le politologue français Jean-Pierre Cabestan, l’un des nombreux intervenants du documentaire.
Le prince rouge devenu paria
Une histoire qui trouve ses racines dans le parcours personnel de Xi Jinping. Né prince rouge – caste des fils de hauts cadres du parti communiste – le jeune Xi mène une enfance et une adolescence mouvementées. Son père, proche de Mao Zedong, l’élève dans un milieu communiste privilégié mais sévère, n’hésitant pas à lui faire prendre des bains gelés. En 1962, tout s’inverse : Xi Jinping assiste à la descente aux enfers de sa famille lorsque son père est accusé de complot anti parti, et passe du statut de privilégié à celui de traître. Pour survivre, Xi n’a d’autres choix que de se montrer fidèle au Grand Timonier. Quelques années plus tard, pendant la révolution culturelle, il est envoyé vivre à la campagne comme des millions de jeunes, éduqués à la dure par les paysans. S’il tente un nouveau départ, la réputation de son père le poursuit. Il restera là-bas durant sept ans, dans une grotte infestée de puces. Au-delà de Xi Jinping, toute une génération est marquée. A l’instar de sa sœur aînée, poussée au suicide.
Âgé de 22 ans, Xi revient à Pékin et veut se lancer dans la politique afin de prendre sa revanche – et celle de tout un peuple – sur l’humiliation de sa jeunesse. Selon François Bougon, auteur français de Dans la tête de Xi Jinping, « le désir de réparer prime néanmoins sur celui de se venger » : Xi Jinping veut être le communiste parfait. Après son dossier falsifié pour cacher le passé de son père, il reçoit enfin la carte du parti communiste et gravit les échelons un par un. Jusqu’au sommet : le numéro 1 du grand parti chinois. Une notoriété également acquise grâce à sa femme, célèbre chanteuse du parti populaire devenue sa conseillère en communication.
Censure de la presse et contrôle des habitants
Très rapidement, une idéologie totalitaire est mise en place. Avec son programme de lutte contre la corruption, Xi Jinping fait tomber cent soixante-dix ministres et vice-ministres, quatre mille officiers de l’armée et une centaine de généraux, dont de nombreux opposants. Aucune place n’est laissée à l’opposition et le pays est placé sous contrôle, notamment au niveau médiatique. Selon le journaliste chinois Li Datong, la Chine connaîtrait d’ailleurs la “plus mauvaise ère pour sa presse depuis les quarante dernières années”. Dans plusieurs villes, un système de surveillance et de notation – le “Crédit Social” – est actuellement testé. Un système de contrôle de la population digne de la série Black Mirror…
Et le contrôle de l’international n’est pas laissé de côté. Rapidement, la Grèce devient le premier cheval de Troie de l’influence chinoise sur l’Europe. La dépendance politique s’instaure, notamment via le rachat du port du Pirée par la Chine. Hors de l’Europe, la Chine exerce une forte influence en Australie, en Nouvelle-Zélande, et en Afrique. Et se pose en “défenseur” du continent, face aux “rivaux” occidentaux. Avec des relations pourtant toujours asymétriques.
Aujourd’hui, quel futur pour les relations internationales ? Selon Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français et sinophile convaincu, la Chine est sans conteste le futur allié européen. Une chose est en tout cas à ne pas oublier : si Xi Jinping parvient à placer la Chine comme la première puissance mondiale, un pays totalitaire mènerait désormais la marche du monde. Au XXIeme siècle, la démocratie est peut-être en voie de régression…
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