Si Macron n’a pas la majorité aux législatives, son Premier ministre Edouard Philippe craint de voir revenir « l’esprit de la IVe République » : un régime sans majorité, embourbé dans les querelles politiciennes. Bref, d’être menacé par l’impuissance.
Edouard Philippe met en garde : il ne veut pas se retrouver dans le pétrin ministériel qu’ont connu les divers gouvernements de la IVe République, qui n’avaient pas la majorité. Pour lui, c’est sûr, la République en marche d’Emmanuel Macron doit l’obtenir lors des législatives des 11 et 18 juin : « S’il n’a pas de majorité en juin prochain, la France devrait revenir aux discussions et marchandages entre partis », se désole-t-il dans un entretien paru ce lundi 22 mai dans Paris Normandie. Le nouveau Premier ministre craint ainsi « le retour à un certain esprit de la IVe République ».
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Mais en fait, c’est quoi, « l’esprit de la IVe République » ? On a bien fait d’oublier si vite nos révisions dans les annales du bac et dans nos cours d’histoire : avec 24 gouvernements successifs de durées très inégales, la IVe République s’avère être l’un des grands fiascos prouvant la faiblesse des institutions politiques de l’époque.
Un gouvernement impuissant
Pendant toute la durée de la IVe, de 1946 à 1958, le Parlement avait le dessus sur les autres institutions. Comme ses membres étaient les seuls à être élus au suffrage universel, il était le seul à avoir de la légitimité. Le Conseil de la République, qui est l’ancêtre du Sénat, n’avait alors qu’un rôle secondaire, notamment consultatif.
Le gouvernement était donc dépendant du Parlement, qui pouvait en modifier la composition. La conséquence est sans précédent : il y a rarement une majorité claire et stable à l’Assemblée. « Sous la IVe République, les ministres du gouvernement sont, la plupart du temps, dans l’impossibilité d’imposer leur volonté aux parlementaires », écrit ainsi Daniel Gaxie, professeur de science politique à l’Université Paris I-Sorbonne, dans son livre Les Structures politiques des institutions : l’exemple de la Quatrième République.
Une Constitution mal digérée
Le nouveau texte de la Constitution avait en effet été instauré en plein contexte de la Libération, le 27 octobre 1946. Alors qu’elle devait assurer la refondation de la France après la guerre et l’occupation nazie, la Constitution a eu du mal à mettre d’accord les principaux partis unis dans la Résistance qui formaient le tripartisme (Parti communiste, Parti socialiste-SFIO, Mouvement républicain populaire). Les oppositions sont tellement fortes qu’elles poussent le général de Gaulle à démissionner du Gouvernement provisoire dès le mois de janvier 1946, convaincu que le pouvoir exécutif devait y jouer un rôle clé.
Le texte est donc adopté sans grande conviction et avec une très faible majorité : 9,2 millions de « oui », 8,1 millions de « non ». Près d’un tiers des Français n’ont pas voté. Les clivages politiques persistent et très vite, les pratiques politiques d’avant-guerres refont surface avec le même type d’Assemblée comme celle de la IIIe République.
Des gouvernements d’un jour à 16 mois
Les partis politiques forment sans arrêt des alliances, dans le but d’obtenir la majorité à l’Assemblée. Attaqués autant par la gauche avec le Parti communiste, que par la droite avec les gaullistes du Rassemblement du peuple français (RPF), les autres partis forment la coalition de la « Troisième Force », notamment composée des modérés, des démocrates-chrétiens, socialistes et radicaux.
Les démissions des présidents du Conseil, qui dirigeaient les gouvernements, se succèdent et ils sont remplacés selon les majorités du moment. Les gouvernements sont continuellement dans l’instabilité, à tel point que certains ne dépassent même pas une seule journée, comme celui de Christian Pineau. Avec ses 16 mois, le gouvernement Guy Mollet est le plus long à rester en place sous la IVe République…
Des partis qui « cuisent leur petite soupe »
Cette instabilité chronique a été dénoncée par une phrase célèbre du général de Gaulle, dans son discours de Vincennes le 5 octobre 1947 : la IVe République est comme « des petits partis qui cuisent leur petite soupe au petit coin de leur feu ». Embourbé dans ces crises, le pays est dans l’impossibilité de régler les conflits, et les troubles de la décolonisation, notamment la guerre d’Algérie, qui met un coup de massue final à cette Constitution, avec le retour de De Gaulle et l’instauration de la Ve République qui réduit les pouvoirs du Parlement .
Si les décisions ont été difficiles à mettre en place, on doit quand même à la IVe République des mesures phares, dont la création de la Sécurité sociale, un redressement économique et les débuts de la construction européenne.
Avec les divergences actuelles entre Les Républicains, le mouvement La République en marche, les Insoumis d’un côté et les socialistes divisés de l’autre, le gouvernement d’Edouard Philippe risque donc donc bien revivre « l’esprit » de la précédente République.
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