A l’occasion de l’E3, rencontre avec Clément Baelen, chef de produit senior chargé des triples A chez Nintendo France. Il nous parle de la Switch, des jeux à venir – notamment Super Smash Bros Ultimate – mais également des jeux indépendants et du public féminin.
Lors de la conférence Nintendo, le jeu qui a fait sensation est Super Smash Bros Ultimate sur Switch. Pourquoi avoir choisi de consacrer plus de quinze minutes sur quarante à la présentation de ce jeu ?
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Clément Baelen – Super Smash Bros Ultimate est tellement attendu par la communauté de gamers que c’était inévitable. Mais au-delà de cette communauté qui est extrêmement active, ce jeu a le potentiel pour devenir plus grand public, comme peut l’être Mario Kart. C’est vraiment le jeu de combat Nintendo accessible à tous. Il fallait donc bien prendre le temps d’expliquer toutes les nouveautés. Il y a eu plusieurs itérations du jeu dans l’histoire, des personnages sont apparus puis ont disparus. Là on réunit tout le casting, c’est le plus gros crossover de l’histoire du jeu vidéo.
Le jeu est très suivi aux Etats-Unis, quelles sont les attentes pour le marché français ?
Clairement positives. On est très content des résultats de Super Smash Bros sur 3DS et Wii U. En France, on est l’un des marchés les plus proche du Japon, il y a beaucoup d’affinités entre les joueurs français et les jeux japonais. Or, le dernier Smash réunit des personnages de séries mythiques, c’est un peu le saint graal. On peut faire s’affronter Mario et Sonic ou même Snake et Peach. C’est des combats totalement improbables, et ça plaît.
Un an après le lancement de la Switch, quel bilan faites-vous ?
De l’histoire, c’est la console qui s’est le mieux vendue en France sur sa première année. Après on garde les pieds sur terre, le lancement de la switch n’est pas un sprint mais un marathon. Il a bien démarré mais il faut tenir 40km, et disons que pour le moment on a réussi les sept premiers, en prenant de l’avance. Ce qui est bien c’est qu’on a beaucoup de projets annoncés, et d’éditeurs tiers qui sortent des jeux sur notre plateforme. On a notamment beaucoup de développeurs de jeux indépendants.
Durant la conférence plusieurs jeux indépendants ont été annoncés, comme Overcooked 2, Killer Queen Black ou encore Hollow Knight, comment expliquez-vous cette multiplication des jeux indépendants sur Switch ?
Le marché des jeux indépendants est saturé sur la plupart des plateformes. Les développeurs voient la Switch comme un nouvel espace où mettre à disposition leurs jeux. Personnellement, j’ai longtemps arrêté de prendre le temps de jouer aux jeux indépendants car il y avait toujours d’autres jeux qui passaient en priorité. Sur la switch je me surprends à les télécharger et à passer du bon temps. Après il y a le mobile, où plein de jeux indés se développent aussi, mais ce n’est pas le même confort de jeu.
De plus en plus de portages de jeux rétros sont opérés sur Switch. Est-ce qu’il y a un risque que la console soit otage de cette stratégie ?
C’est un point de vue qu’on peut avoir mais pour le moment ce n’est pas le cas. La console est arrivée quelques années après d’autres consoles de la génération, donc c’est vrai qu’il y a eu pas mal de portages, mais c’est tant mieux car cela élargit son catalogue. La preuve en est : c’est la première fois que nous avons des jeux Bethesda, avec Skyrim notamment. Après il y a aussi les exclusivités, comme Mario + The Lapins Crétins: Kingdom Battle avec Ubisoft. Il y a toujours eu un soutien Ubisoft sur les plateformes Nintendo. Sur la Wii U on avait les Just Dance, ZombiU…
Quelle est la sociologie des utilisateurs de la Switch ?
Le public s’est élargi. Si on prend les trentenaires par exemple, ils ne jouaient plus aux jeux vidéos par manque de temps. Quand on est chez soi, on a pas forcément envie de s’installer devant la télé avec une console mais en même temps on a envie d’avoir des jeux de qualité, à emmener partout avec nous. La Switch permet ça. Chez Nintendo, on a également la chance d’avoir un public féminin important notamment sur la 3DS. Et un public très familial. C’est vraiment quelque chose qu’on veut garder, de plaire à tout le monde, des familles aux gamers.
Quelles sont les raisons de cet important public féminin ?
On a toujours beaucoup communiqué auprès de ce public. A part ce qui se fait sur mobile ou tablette il n’y a pas vraiment de concurrence. Après, nos jeux sont féminins mais ils sont surtout mixtes. Animal Crossing par exemple, c’est la série par excellence qui cartonne partout. C’est un jeu totalement hybride qui plaît à un enfant de huit ans et à un gamer de trente ans, pour des raisons différentes. Et dans Zelda, il y a des hommes qui cuisinent et des femmes qui ne font que des combats, il n’y a pas de frontière. On veut vraiment correspondre à tous les publics et tous les jeux vidéos, pour une démocratisation encore plus importante.
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L’arrivée de Fortnite sur Switch peut-il faire franchir un pallier à votre console ?
Ce jeu est un tel phénomène qu’il fallait absolument l’avoir sur switch, pour nous comme pour les joueurs. On ne peut pas posséder toutes les consoles pour jouer à l’intégralité des jeux et c’est dommage de passer à côté de celui-là. Il a été mis en ligne le mardi 12 juin et on a déjà plus de 2 millions de téléchargement sur switch au niveau mondial.
C’est un jeu plus “adulte” que la majorité des jeux switch, est-ce que c’est une tendance qui va se poursuivre ?
Encore une fois, il y a surtout une volonté d’avoir des jeux pour tous les publics. Que ça soit une console qui puisse être partagée et qui puisse correspondre aux attentes de tous les joueurs. On peut avoir une switch pour chercher de nouvelles pépites indés, jouer à Zelda et Mario ou alors pour des mini-jeux et des soirées entre amis. Ou même une switch pour tout ça ! Moi je joue aux jeux de gamers chez moi ou dans les transports, et en soirée je partage un joy-con avec mes amis, puis je télécharge des jeux indés.
Et pour le Nintendo Labo, à l’inverse plutôt enfantin, quelle était l’envie principale ?
C’est un peu la particularité de Nintendo : proposer des nouveautés inédites. A l’époque, on l’a vu avec le Wii Fit, qui sortait un peu de nul part, cette espèce de tablette où on faisait du yoga chez soi. Le Nintendo Labo c’est une autre façon de voir le jeu vidéo, pour sortir un peu de l’écran. On a la fois quelque chose de créatif et de ludique pour les enfants et les grands enfants. On s’amuse beaucoup à construire les Toy-Con, les éléments en carton, et à y insérer la console. C’est incroyable d’appuyer sur des touches en carton et d’avoir un piano construit en deux heures. C’est bien pour les enfants et c’est un moyen pour les parents d’intégrer le jeu vidéo d’une autre manière dans le foyer, ça fait moins peur. On met dans les mains des enfants un jeu mais aussi un apprentissage de la créativité. Dit comme ça un piano c’est pas le jeu excitant du monde, mais on le construit soi-même, on peut le personnaliser, enregistrer des morceaux, pour les enfants c’est magique. D’autant plus que quand ils ouvrent la boîte c’est vide, il n’y a que des capteurs infrarouges.
Beaucoup d’enfants utilisent la switch ?
Oui. On a eu pendant très longtemps la 3DS, qui était la préférée des enfants, mais le public est en train de passer à la switch. Et l’arrivée de Pokémon Let’s Go, Pikachu et Let’s Go, Évoli va amener beaucoup d’enfants. La saga pokémon est la saga phare des plus petits. Au niveau des commandes on aura une manette en forme de pokeball, où l’on pourra transférer un pokémon du jeu pour le garder dans la main. Si on secoue la manette on entendra même son cri ! Puis à mesure qu’on marche les pokémon évoluent. C’est très amusant. Pokémon Go, en étant sur mobile, était davantage immatériel. Mais le phénomène Pokémon Go n’est pas fini, il y a toujours beaucoup de joueurs !
Le succès de la Switch condamne-t-il la 3DS ?
Pas vraiment une remplaçante, car on continue à sortir des jeux sur 3DS. On a annoncé un remake de Luigi’s Mansion sur 3DS, entre autre, puis il y a Captain Toad… Mais le public de la 3DS demande de plus en plus de switch car il y a des propositions complémentaires, et adaptées aux enfants.
Pourquoi Nintendo continue à privilégier des annonces au dernier moment pour la sortie de ses jeux ?
Ca a toujours été à peu près comme ça. On aime bien annoncer à l’E3 les jeux qui vont arriver à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Là on a annoncé Fire Emblem pour le printemps 2019, c’est déjà très loin pour nous. On propose du concret aux fans. L’E3 est un vrai temps fort mais on a aussi la Gamescom et on a souvent des Nintendo direct. On aime bien avoir des temps forts qui régulent l’année.
Est-ce qu’il y a des jeux qui ont un fort succès en France et pas à l’international, ou l’inverse ?
Ca dépend des titres. La Nouvelle Maison du style cartonne en France car on a un gros public qui joue à ce jeu. On a également des ventes qui sont super encourageantes sur les titres très japonais et très niches. Le 13 juillet on sort notamment Octopath Traveler, un JRPG de Square Enix vraiment typique, avec une esthétique très particulière, des visuels qui ressemblent à ceux de la Super NES mais auxquels on aurait ajouté une profondeur et des effets lumineux. Et les joueurs l’attendent beaucoup. L’année 2019 va être prometteuse.
Propos recueillis par Manon Michel
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