Avocate au barreau de Paris, spécialiste du droit pénal, Nathalie Roze analyse les risques judiciaires encourus par Nicolas Sarkozy après sa mise en examen pour abus de faiblesse dans l’affaire Bettencourt.
Que risque Nicolas Sarkozy avec cette mise en examen pour abus de faiblesse ?
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Nathalie Roze – À l’issue de l’instruction, le juge peut décider d’un renvoi devant le tribunal correctionnel s’il estime qu’il y a suffisamment d’éléments pour le renvoyer devant une juridiction, soit prononcer une ordonnance de non-lieu. L’abus de faiblesse est passible de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Des peines d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à 5 ans peuvent également être prononcées en cas de condamnation.
Comment expliquer cette soudaine mise en examen alors que Nicolas Sarkozy était, jusqu’ici, placé sous le statut de témoin assisté dans cette affaire ?
Le fait de changer de statut en cours d’instruction sous entend que le juge a du recueillir des éléments nouveaux depuis la précédente audition de Nicolas Sarkozy. Lors de cette dernière audition en novembre, l’ancien Président avait simplement été placé sous le statut de témoin assisté. C’est un statut qui donne certains droits spécifiques. Il permet notamment d’être représenté par un avocat lors de son audition mais surtout d’avoir accès au dossier et à la procédure. En passant de ce statut à celui de mis en examen, cela signifie que le juge estime qu’il y a « des indices graves et concordants » qui tendraient à le mettre en cause dans cette affaire d’abus de faiblesse au préjudice de Mme Liliane Bettencourt.
Cette mise en examen peut-elle sceller la carrière politique de Nicolas Sarkozy ?
Non, à l’issue de l’instruction, on peut très bien aboutir à un non-lieu. Le juge estimant qu’en définitive, il n’y a pas suffisamment d’éléments pour le renvoyer devant le tribunal correctionnel, que l’infraction n’est pas suffisamment caractérisée ou qu’il y a un doute sérieux sur l’auteur des faits. Dans ce cas, une ordonnance de non-lieu est prononcée. Cela met un terme à la mise en examen. C’est ce qui s’est passé pour Dominique Strauss-Kahn lorsqu’il a été mis en examen dans l’affaire de la MNEF en 1999 et contraint à la démission de son poste de ministre de l’Economie et des Finances. Deux ans plus tard, il a finalement été relaxé par le tribunal correctionnel.
Cette mise en examen peut-elle être annulée ?
Oui, tout à fait. L’avocat de l’ancien président de la République, Thierry Herzog, a d’ailleurs annoncé son intention de « former immédiatement un recours ». La chambre de l’instruction de Bordeaux, en charge du dossier, peut éventuellement annuler cette mise en examen si elle estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments dans le dossier.
L’UMP dénonce un « acte politique » avec cette mise en examen. Henri Guaino a même été jusqu’à dire que le juge Jean-Michel Gentil avait « déshonoré la justice ». Cette pression politique va-t-elle rendre plus difficile l’instruction ?
C’est toujours compliqué de travailler dans ce genre de conditions mais le juge d’instruction demeure un magistrat indépendant du pouvoir politique. De plus, l’impartialité du juge Jean-Michel Gentil n’a jusqu’ici jamais été remise en cause.
Le temps médiatique semble de moins en moins adapté au temps judiciaire.
Oui, on l’a encore vu dans l’affaire Cahuzac où ce dernier contrairement à Nicolas Sarkozy n’est même pas nommément impliqué dans le dossier. Il n’est même pas mis en cause dans l’instruction, il y a simplement une instruction ouverte contre X. Pourtant, il a été contraint à la démission du gouvernement et en lisant la presse, on pourrait avoir le sentiment qu’il a été mis en examen. Ce n’est pas du tout le cas. La perception médiatique ne correspond pas toujours à la perception judiciaire.
Propos recueillis par David Doucet
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