Le projet de loi de bioéthique a été adopté ce mercredi 24 juillet en conseil des ministres. Salué pour l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, il comprend cependant des aspects problématiques, selon les militantes lesbiennes que nous avons interrogées.
Après des années de promesses non-tenues et de reculades, la PMA « pour toutes » est enfin à l’ordre du jour. Le projet de loi de bioéthique, adopté le 24 juillet en conseil des ministres et qui sera débattu dès le 23 septembre à l’Assemblée nationale, élargit l’accès à la procréation médicale assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Pourtant, les communiqués publiés dans la foulée par les associations LGBT, qui portent cette revendication de longue date, sont plus que mesurés.
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“En deçà des attentes”
“Bien que le texte aille dans le bon sens, force est de constater que la copie est à revoir sur la filiation”, écrit SOS Homophobie. “Un projet encore et toujours a minima !”, regrette l’inter-LGBT. “Le Parlement devra corriger les errements du Gouvernement”, estime de son côté l’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens (AGPL). Le Collectif PMA, qui regroupe plusieurs associations et personnes « concernées par la procréation avec l’aide d’un donneur ou d’une donneuse », résume : “Au-delà de cette avancée majeure en termes d’égalité entre toutes les personnes quelle que soit leur orientation sexuelle, le Collectif déplore un projet bien en deçà des attentes légitimes que ce principe d’égalité pose”.
Pour comprendre les raisons de leur déception, malgré l’avancée de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, et sa prise en charge par la Sécurité sociale, il faut entrer dans le détail du texte. Ce qu’ont fait les premières concernées. Pour elles, la pomme de discorde réside d’abord dans la création d’un mode de filiation spécifique pour les couples de femmes. Celui-ci aura pour effet l’inscription du mode de conception sur l’acte de naissance de ces enfants.
“C’est comme si on étiquetait nos enfants”
“C’est comme si on étiquetait nos enfants : ‘né par PMA’, et donc né d’un couple de femmes. Et cela ne choque personne. Or quelle est la logique ? Où est l’intérêt de l’enfant, dont on parle si souvent ?”, explique aux Inrocks Céline Cester, présidente de l’association Les enfants d’Arc-en-ciel, qui accompagne les personnes LGBT dans leur projet parental et dans leurs démarches juridiques.
Au contraire, cette différence de droits et cette mention du mode de conception constituent un risque de stigmatisation des enfants. C’est ce que dénonce Gwen Fauchois, militante lesbienne et ex d’Act-up, pour qui, dès le départ, cette règle spécifique est “méprisante pour les enfants, qui seront stigmatisés, ainsi que pour les lesbiennes”, détaille-t-elle aux Inrocks. Pour elle, ce refus d’universaliser les règles de filiation contribue à ériger comme “modèle et comme référence le couple cis-hétérosexuel ayant recours à la procréation naturelle. Les autres devraient se définir par rapport à ça. C’est la raison pour laquelle l’écart par rapport à la norme est stigmatisé par cette mention symbolique sur l’acte de naissance des enfants”.
"En imposant symboliquement la figure du mâle donneur de sperme aux couples des femmes, le projet de loi consacre la figure symbolique de la famille hétérosexuelle reproductrice comme structure à la fois individuelle et sociale" https://t.co/bPsXIM9mkp
— Gwen Fauchois (@GwenFauchois) July 25, 2019
Les personnes intersexes, trans et non-binaires oubliées
Le juriste Daniel Borrillo écrit même, dans une tribune à Libération, que “sur le plan juridico-politique, ce traitement réservé aux lesbiennes constitue ce que l’on peut désormais appeler un ‘apartheid de la filiation’”. Pourtant, rien n’empêcherait “d’étendre le droit commun aux enfants nés par PMA : il n’est nul besoin de penser un système à part, qui distinguerait entre les parents et entre les enfants selon le mode de conception”, plaide l’ancien porte-parole de l’Inter-LGBT Thomas Linard sur son blog.
L’absence de prise en compte des personnes intersexes, trans et non-binaires dans le projet de loi fait aussi mauvais effet, comme l’explique Mediapart. “Cette réforme laisse de côté les personnes trans, intersexes, et les personnes qui ne veulent pas médicaliser la procréation. Les familles organisées autour de la co-parentalité sont totalement ignorées”, partage Gwen Fauchois. Cet oubli pur et simple est problématique car, par exemple, certains hommes trans “sont, comme les femmes, en faculté de porter un enfant”, explique le Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (Giaps). Laurène Chesnel, déléguée chargée des familles à l’Inter-LGBT, estime donc qu’il faudrait remplacer le terme “femme” par celui de “personne capable de porter un enfant” dans le projet de loi. “Cette formulation permettrait d’inclure tout le monde”, remarque-t-elle.
Le problème de la destruction des gamètes
Enfin, le projet de loi prévoit de lever l’anonymat des donneurs de spermatozoïdes et d’ovocytes. Cela impliquerait, selon la loi, la destruction de tous les ovocytes et spermatozoïdes congelés, et de recruter de nouveaux donneurs. “Le changement de la procédure d’accès aux origines implique la destruction du stock de gamètes. C’est totalement aberrant à nos yeux, alors qu’il y a déjà une pénurie !”, s’exclame Laurène Chesnel, de l’Inter-LGBT. “Cela voudrait dire attendre plusieurs années avant de faire une PMA, alors qu’il suffirait, par exemple, de rappeler les donneurs pour leur demander leur souhait”. Pour toutes ces raisons, les associations LGBT comptent sur le débat qui aura lieu à l’Assemblée nationale à partir du 23 septembre pour améliorer le texte.
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