Incrédules, anéantis ou désemparés, les militants de Génération DSK tentent de se remettre de la mise hors course de leur favori pour la présidentielle.
Quand elle a reçu la nouvelle par SMS, à 3h44 du matin dimanche 15 mai, Sylviane a d’abord cru à une blague d’un ami éméché. La radio du taxi qui la ramenait d’une soirée lui a vite confirmé la nouvelle, la laissant “dans un moment de panique. J’ai crié : ‘c’est pas possible, on va perdre en 2012 !”
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Ce même SMS, Erwann l’a lu quelques heures plus tard à son réveil, suivi rapidement d’une vingtaine d’autres – un peu trop pour un gag. Benjamin ne compte plus les solidaires “Bon courage” qu’il a reçus, ou les plus sarcastiques “Passe un bon dimanche !”, “Mes condoléances”…
« Un dynamisme qui s’est arrêté net »
Pour ces militants de Génération DSK – profil type : 25 ans, brillant parcours universitaire – il a fallu quelques jours pour digérer la nouvelle. Il y a seulement deux mois, ce mouvement issu, entre autres, du PS et du Mouvement des jeunes socialistes, faisait sa soirée de lancement au café Le Coup d’Etat, à Paris. Après tout, il y avait lieu d’être optimiste. L’appel de soutien au patron du FMI comptait 230 signataires. Réunions, GDSK Party, campagne pour la primaire : le programme sur les deux prochains mois était bouclé. “On était de plus en plus motivés, un dynamisme qui s’est arrêté net”, constate Sylviane.
Chacun a eu son contrecoup. Christian a opté pour le whisky, une autre militante a pleuré toute la journée. “Je me remets beaucoup en cause d’avoir suivi un leader qui avait quand même quelques casseroles, confie Sylviane. En tant que femme et féministe, si c’est vrai… c’est monstrueux.”
Et puis il a fallu se réunir. Qu’allait devenir Génération DSK sans DSK ? Une priorité évidente : se débaptiser. Littéralement, mais aussi plus profondément. Les jeunes militants, qui, contrairement à leurs aînés, n’ont pas construit toute leur carrière sur la candidature de Strauss-Kahn, comptent bien déconnecter leur discours de sa personne, morte politiquement. “C’est un leader politique, pas le Saint-Graal ni le Messie !”, s’exclame Erwann. Plus prudents, les autres justifient le nom de leur mouvement.
“On n’était pas tant fascinés par la personnalité de DSK que par ses idées…”, rationalise Christian. “Dans la Ve République, il y a une personnalisation nécessaire de l’élection présidentielle, il fallait bien qu’on capitalise sur le personnage”, ajoute-t-il.
« C’est compliqué d’enjamber un cadavre politique encore chaud »
Désormais décapitée, Génération DSK va donc muter. “Un des maîtres-mots de notre dernière réunion : on reste groupés, on continue à avancer, même si ça sera plus dur”, assure Erwann. Les autres renchérissent : “On a envie de poursuivre nos méthodes novatrices pour déringardiser la politique.”
Alors, vers qui se tourner ? “Pour beaucoup, ce serait ne pas se respecter soi-même de retourner sa veste aussi vite”, glisse Sylviane. Christian objecte : “Sans être indécent, il faut pas se leurrer, on y réfléchit.” Pas non plus facile de penser à une alternative après avoir répété pendant des mois “DSK plutôt qu’Aubry !” “DSK plutôt qu’Hollande !”.
“C’est un peu compliqué d’enjamber un cadavre politique encore chaud”, tente Benjamin. Pour se reconstruire, c’est même “une vraie contorsion d’esprit”, ajoute Sylviane, qui conclut, avec l’acquiescement des autres : “Ce qui est sûr, c’est qu’on sera plus prudents. Quoi qu’il arrive, on ne pourra plus s’emballer autant.”
Annabelle Laurent
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