Cette semaine un rapport mené par quatre ONG, dont Human Rights Watch, a été présenté à Yaoundé, la capitale du Cameroun. Il vise à dénoncer ouvertement les violences et les injustices que vivent les homosexuels dans ce pays. Les recommandations sont claires : supprimer la loi et libérer les personnes actuellement condamnées.
Il existe une loi anti-homosexualité au Cameroun depuis 1972. En réalité, quatre-vingt-sept autres pays dans le monde possèdent également une loi pénalisant les homosexuels. La différence, c’est que le Cameroun est le seul pays à la pratiquer. Depuis toujours, il subsiste dans ce pays une réelle atmosphère homophobe, généralement transmise par l’éducation et la religion. Les personnalités religieuses du pays dénoncent régulièrement les homosexuels, qu’ils considèrent comme des « intrus dans la société« . En 2005, les médias camerounais ont transmis une liste appelée « top 50« . Dans cet inventaire, on retrouve toutes les personnes haut placées du pays, recensées comme homosexuelles (politiques, avocats, médecins). Une sorte d’humiliation publique destinée à nourrir l’idéologie homophobe. Dès lors, la guerre est franchement déclarée contre les homosexuels. Les poursuites judiciaires pour homosexualité s’en suivent de plus belle, et c’est justement ce sur quoi les ONG veulent aujourd’hui mettre la lumière.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Entre six mois et cinq ans de prison
Au Cameroun, la loi peut condamner entre six mois et cinq ans de prison toute personne ayant des rapports sexuels en public avec une personne du même sexe. Dans la plupart des cas, la loi est largement sujette à des abus généralisés. À partir du mois d’octobre 2012 et jusqu’en février 2013, une dizaine d’études de cas ont été réalisées. Et dans chacune d’elle : violence, abus, et injustices, indiquent les associations. En 2011, deux hommes ont été arrêtés car des préservatifs et du lubrifiant avaient été retrouvés chez eux. À l’origine, les policiers fouillaient leur maison pour des soupçons de vol d’ordinateur.
Autre histoire marquante, celle de Roger Mbédé. Ce dernier a été condamné à trente-six mois de prison pour l’envoi d’un sms à un autre homme qui indiquait « je suis tombé amoureux de vous« . Certaines personnes dans la rue sont arrêtées par des agents de police pour « tentative d’homosexualité ». Dans certains quartiers, les hommes se font taper quotidiennement étant considérés comme « efféminés ».
Au poste de police, même combat. Dans un rapport publié en mars 2013 de quatre ONG (Alternatives Cameroun, CAMFAIDS, ADEFHO et Human Rights Watch), on peut lire le témoignage d’un homme qui s’est fait interpeller par la police en 2011, alors qu’il marchait dans la rue accompagné d’un autre homme. Après avoir été emmené à la gendarmerie, il a été attaché à une chaise avant d’être frappé à coups de crosse, de ceinture et avec le coté non tranchant d’une machette. Il est resté ligoté toute la nuit pour finalement être libéré par manque de preuves. Et puis, dans certains cas, des hommes ont du subir une auscultation afin de « vérifier si la personne avait déjà eu une pénétration anale« . Cet examen n’a aucune valeur scientifique et généralement, il est surtout utilisé comme humiliation. Du côté de la police, on se cache derrière la loi anti-homosexualité. « C’est lorsqu’ils font quelque chose en public, qui constitue une menace pour notre société » indique le chef de la police camerounaise, Martin Mbarga Nguélé.
Un homosexuel sur deux atteint du VIH
On recense aussi des abus de pouvoir et de la corruption généralisée. Des personnes accusées d’homosexualité versent en effet des sommes d’argent ahurissantes aux agents de police ou à d’autres qui les menacent de chantage. Sur les sites de rencontres gay, plusieurs personnes se font passer pour des homosexuels en proposant un rendez-vous à un internaute dans le but de le livrer à la police. Toujours selon le rapport, rares sont les personnes qui défendent les homosexuels au Cameroun. Preuve : deux avocats ont récemment reçu des menaces de mort après avoir défendu des jeunes gays. Actuellement, le ministère de la Justice ne répond pas aux appels des ONG et la loi n’est pas prête d’être annulée. En attendant, le VIH se répand à une vitesse hallucinante dans le pays puisque personne ne veut s’occuper de la santé des homosexuels – le préservatif ne leur étant pas distribué.
Dans certaines villes, un homosexuel sur deux est atteint du VIH. On dénombre vingt-huit personnes poursuivies pour homosexualité au cours des trois dernières années. À l’heure actuelle, six personnes sont en procédure – quatre en liberté conditionnelle, deux autres en prison. Les quatre ONG réclament l’abolition définitive de cette loi ainsi que la libération des condamnés.
{"type":"Banniere-Basse"}