Une soirée de prestige avec des membres de Franz Ferdinand et Mogwai.
Depuis la parution d’un article dans le journal local il y a un peu plus d’une semaine, une rumeur un peu folle circule au sujet d’une soirée dans la commune de Mauron. Des concerts, il y en a tous les week-ends dans les bars de Bretagne. Mais là, au pays de Brocéliande, les noms avancés par l’organisation semblent si improbables qu’un coup de téléphone au café accueillant l’évènement s’impose. A l’autre bout du fil, Maurice Monvoisin (dit Momo), patron depuis près de 30 ans du bien nommé Momo Club.
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« Ils ne Mauron Pas »
L’accueil est froid et direct. D’entrée, on nous précise que la soirée est privée et que seule une poignée d’invités peuvent entrer. Quelques minutes plus tard, après avoir montré patte blanche et assuré notre hôte que l’information ne sera pas divulguée avant l’évènement, on nous confirme la venue de la fine fleur du label écossais Chemikal Underground. Emma Pollock (ex-The Delgados), Stuart Braithwaite (Mogwai) et Alex Kapranos (Franz Ferdinand) profitent du tournage d’un documentaire sur l’histoire du label pour revenir dans le village qui leur a offert leur première date hors du Royaume-Uni, 18 ans après.
En effet, au milieu des années 90, Mauron est le décor d’un des festivals les plus excitants que la Bretagne connaît : « Ils ne Mauron pas » (1994-2000). Au départ réservé aux artistes hexagonaux, l’évènement connait un tournant quand l’un de ces Enchanteurs débarque pour raisons professionnelles à Glasgow. Passionné de musique, David Sosson fait rapidement connaissance avec les membres de The Delgados qu’il décide d’inviter à partager l’affiche de l’édition 1996 avec The Wedding Present. Le public local adhère et, fort de ce succès, David Sosson et Bruno Desbois se lancent le pari fou d’affréter, pour l’édition suivante, un bus rempli de groupes écossais. Porté par l’enthousiasme des Delgados, le projet séduit rapidement et Arab Strap, Mogwai, The Catchers, Magoo, The Karelia (premier groupe d’Alex Kapranos) embarquent en avril 1997 pour Mauron.
Parties pour trois jours, les formations jouent un peu partout dans la commune. Les plus connues (Mogwai, The Catchers) ont le droit au Centre Culturel, les autres comme Arab Strap et The Karelia jouent dans les bars mais tous dorment au camping improvisé sur le terrain de foot local. Parti d’une idée un peu folle qui marquera à jamais la mémoire des neuf cents festivaliers présents, les musiciens se promettent de revenir un jour jouer à Mauron. C’est donc avec une pointe de nostalgie et de nombreux souvenirs que cette petite commune de Bretagne retrouvait ce week-end ceux qui ont écrit la légende locale.
Kapranos à la hauteur de sa réputation
Samedi 7 novembre. Les rues sont désertes, les volets des maisons fermés. Mauron semble endormie. Non loin de l’église, sur une place fermée pour l’occasion, une buvette a été montée et un camion à pizza installé. Les lumières du Momo Club peinent à percer le brouillard que les Écossais semblent avoir emmené dans leurs bagages. A l’intérieur, le billard et le baby-foot ont laissé place aux amplis et aux quatre caméras qui immortaliseront la date. Le décor n’a pas été modifié. Une banderole Chemikal Underground cohabite avec les affiches des concerts passés et les posters de motocross. Entre le lieu et le line-up de la soirée, le contraste est saisissant. Le bar se remplit petit à petit. Des habitués du bar aux quelques fans ayant eu écho de l’évènement, on retrouve au sein du lieu la nostalgie du festival.
La soirée démarre tranquillement par un concert d’Olympia. Egalement présent en 1997 et reformé pour l’occasion, le duo rennais est l’unique touche francophone de la soirée. C’est ensuite Emma Pollock qui vient présenter les chansons de son prochain album. Émue et ravie de revenir à Mauron après 18 ans, l’ex-membre de The Delgados illumine le bar et se permet même une reprise du Sacré Charlemagne de France Gall. La présence de Paul Savage et Stewart Henderson dans l’assistance ne donne malheureusement pas lieu à une reformation éphémère du groupe fondateur de Chemikal Underground. Le temps d’un bref changement de plateau, Stuart Braithwaite entre seul en scène. Celui qui nous a habitué avec Mogwai à un véritable mur du son délivre un set intime et fragile avec sa guitare pour seule arme. Attendu par beaucoup comme le clos de la soirée, la performance d’Alex Kapranos se montre à la hauteur du talent du personnage.
Epaulé par les biens nommés The Maurons, sorte de supergroupe Made In Glasgow avec Paul Savage à la batterie, Stuart Braithwaite à la basse et Hubby (RM Hubber) à la guitare, le leader de Franz Ferdinand enflamme l’assistance avec un enthousiasme sans retenue. Le groupe, formé à la hâte dans le courant de l’après-midi, offre même une version de haut vol de Jacqueline, titre phare du quartet britannique. Véritable seul « vrai » groupe à l’affiche, Holy Mountain clôture la soirée. Dans un registre radicalement différent, le trio écossais, rapidement torse nu, distille avec énergie son heavy-metal qui n’est pas sans rappeler Black Sabbath. Stuart Braithwaite et Alex Kapranos semblent apprécier la prestation et se mêlent à la foule, au plus grand plaisir des spectateurs présents. Une fois les amplis éteints, le Momo Club retrouve l’habituelle ambiance des soirées du samedi soir. Pas de loges ni de bar VIP. Ecossais et locaux se mélangent et se racontent encore et encore leurs souvenirs communs. Il n’y pas de stars, mais simplement des personnes heureuses de partager ce petit moment d’histoire.
De cette soirée resteront des souvenirs et un documentaire réalisé par l’Irlandais Niall McCann intitulé Lost In France, dont la sortie est prévue pour l’été 2016. A voir le lien qui unit ces artistes à la ville de Mauron, on peut difficilement penser qu’ils s’étaient réellement perdus en France.
Guillaume Le Rossignol & Guenola Pasquier
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