Ce mardi, des dizaines de tweets émanant de personnalités ont fait la promotion de la soirée de lancement du dernier téléphone de Samsung. Une opération de communication qui est très limite d’un point de vue déontologique.
« Grosse ambiance piscine Molitor », « J’adooore le showcase de Mika à la piscine Molitor », « Ce soir c’est la #NewEdgeNight avec Mika et The Avener ». Ce mardi soir, les tweets élogieux sur la soirée de lancement du nouveau Samsung Galaxy S6 Edge + se multiplient sur la toile. Toutes les « célébrités » (Kev Adams, Florent Pagny, Tony Parker ou encore Gaël Monfils) y vont de leur message en 140 signes accompagné d’un lien vers le site de Samsung, qui retransmettait la soirée en direct.
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Ce soir c’est la #NewEdgeNight avec Mika et The Avener. Show is going on here http://t.co/8Y0Ibp9Nft enjoy :-)! pic.twitter.com/uRHKezt3Xg
— Gael Monfils (@Gael_Monfils) 15 Septembre 2015
Grosse ambiance piscine Molitor… Je regarde le live de mon frero Mika => http://t.co/BQp7HD1Sc6 #NewEdgeNight pic.twitter.com/zZe602xlIn
— Kev.Adams (@kevadamsss) 15 Septembre 2015
Ce soir Mika et The Avener enflamment la piscine Molitor…http://t.co/jWuiTHEzy1 #NewEdgeNight #direct pic.twitter.com/HbhrhyroVk — TAL ☮ (@TalOfficial) 15 Septembre 2015
En prime sur le site du géant de la téléphonie mobile, on peut voir des photos du téléphone, et des démonstrations de ses fonctionnalités, notamment le live stream (filmer et envoyer en direct). Une publicité est également diffusée en direct sur TF1, entre deux spots publicitaires. Très vite, les critiques émergent sur les réseaux sociaux. Les copier-coller qui renvoient tous sur le même lien, avec les mêmes photos, trahissent un peu trop le côté « com' » de cette opération. Ça sonne faux, et Samsung donne l’impression de croire un peu trop en la naïveté des twittos.
Je me demande combien de gens payés pour poster sur #NewEdgeNight .. ils ont tous la même URL : pic.twitter.com/TRwItCp4ID — Gonzague Dambricourt (@gonzague) 15 Septembre 2015
Les célébrités instrumentalisées ?
Le site Frandroid est l’un des premiers à dénoncer cette opération commerciale un peu douteuse. Pour l’auteur de l’article, il s’agit d’un « dispositif bien trop factice et instrumentalisé ». L’auteur dénonce le manque d’éthique de ce type de campagne, tout en défendant les personnalités qui se sont prêtées au jeu :
« Les agences doivent repenser leur façon de travailler. C’est loin d’être la faute des célébrités, blogueurs et autres YouTubers ce qui se passe. Ces derniers sont utilisés ».
Selon l’avocate Yael Cohen-Hadria, lorsque ces acteurs, humoristes ou autres sportifs font ainsi de la publicité pour une marque, ils sont considérés comme des « ambassadeurs » de la marque. Ils s’engagent donc, à travers un contrat, à promouvoir une marque, sous condition d’une contrepartie : une rémunération ou des avantages en nature. Rien ne prouve ici que cela a été le cas, même si l’opération y ressemble beaucoup. L’agence de communication chargée de cet événement reste injoignable pour s’exprimer sur ce type de contrat. Nous ne saurons donc pas s’ils sont déclarés fiscalement et restent ainsi légaux. Les personnes qui les acceptent sont donc normalement consentantes. Il semble donc difficile de parler d’instrumentalisation.
Un procédé à la limite de la légalité
Le cœur du problème de ce type de procédé est tout autre, souligne Gilles Buis, avocat spécialisé en droit de la publicité, de la distribution d’Internet et du commerce électronique :
« Ces billets sponsorisés devraient être signalés comme tels ».
En effet, comme toute autre publicité, un internaute doit pouvoir identifier clairement lorsqu’il a affaire à une publicité. Ce principe tiré du Code de la consommation a été repris par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 :
« Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle ».
Dans le cas de ces tweets, rien n’indique précisément, si on les prend un par un, qu’il s’agit d’une opération publicitaire. De plus, il s’agit ici de « spams », signale Gilles Buis: « Ce ne sont en tout cas pas les tweets que les personnes attendent de la personnalité, puisque les personnes qui demandent à recevoir ces tweets ne l’ont pas demandé au titre des publicités », poursuit-il. Ces tweets tombent donc sous le coup de l’article 6 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, assure l’avocat, et de l’article 22 de la LCEN car le « consentement préalable et spécifique est obligatoire » pour les recevoir.
Mais « Samsung reste prudent », prévient Yaël Cohen-Hadria : « Les tweets ne font pas la promotion du produit en soi, mais de l’événement ». Gilles Buis confirme :
« On est vraiment dans les limites juridiques : les tweets renvoient vers une publicité, mais n’incitent pas directement à l’achat. Samsung ne pourrait donc pas être attaqué pour pratique déloyale. »
Pour l’avocat, il ne pourrait donc pas y avoir de poursuite judiciaire, « même si [cette opération] est indiscutablement limite d’un point de vue éthique ». « C’est en effet plus une question d’éthique qu’une question juridique », conclut Yaël Cohen-Hadria. Ce à quoi son confrère ajoute : « J’encouragerais à faire apparaître plus explicitement que c’est de la publicité pour respecter la loi et l’éthique ».
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