Du sport virtuel, la plupart des acteurs majeurs de la Ligue 1 attendent des retombées réelles. Une stratégie marketing dont ils espèrent des mannes financières.
Le Brésilien Ronaldo a bien fait de rechausser ses crampons. Le numéro 9, à une vingtaine de mètres de la cage, fait voler le ballon au-dessus de sa tête, se retourne et arme une impressionnante reprise de volée qui termine dans la lucarne. Ce but n’existe que dans la panoplie du fantasque Zlatan Ibrahimovic ou dans les jeux vidéo.
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Cela tombe bien, le bedonnant champion du monde n’est pas sorti de sa retraite cet automne. Il n’est qu’un des avatars de Maestro – l’un des meilleurs gamers français de la célèbre simulation de football Fifa –, qui se redresse et exulte, le poing levé, sous les hourras d’un public conquis.
Nombre de clubs de football professionnel ont qualifié leur champion
Après une première rencontre davantage dominée que maîtrisée, Maestro s’impose facilement lors de son deuxième match de la Continental Cup, le 26 octobre à la Paris Games Week. Après ce but, sous forme d’apothéose, Maestro en empilera quatre autres pour finalement humilier son opposant américain 9-1. Un score de baby-foot.
Leur employeur ? AS Monaco, FC Bâle, Sporting Portugal, Wolfsburg ou encore le FC Copenhague
Malgré les noms prestigieux présents sur le terrain, cette première journée de compétition a un goût d’Europa League, la plus modeste des coupes européennes. Dans la discrète arène installée au milieu du Parc des expositions à Paris, les athlètes ont sur les épaules le maillot de leur employeur : AS Monaco, FC Bâle, Sporting Portugal, Wolfsburg ou encore le FC Copenhague. Nombre de clubs de football professionnel ont réussi à qualifier leur champion pour la première grosse compétition de Fifa de la saison.
Depuis une poignée d’années, le foot pro regarde avec envie le développement de l’e-sport et ses compétitions de progamers qui rassemblent des millions de fans aux Etats-Unis et surtout en Asie. Deux régions où l’essor de ces grands clubs européens ne passe pas nécessairement par le sport roi.
« C’est vrai qu’au départ, un club de foot n’est pas forcément l’entité la plus légitime pour se lancer dans l’e-sport”, reconnaît Fabien Allègre. Derrière son titre barbare de directeur du merchandising et brand diversification du Paris Saint-Germain, il a œuvré à la création, il y a deux ans, du PSG e-sport.
Dès le départ, le club de la capitale identifie deux jeux pour se lancer : Fifa, logiquement, mais aussi League of Legends (LoL). Peu connu du grand public, ce dernier est le jeu le plus important de la scène e-sport. “Il fallait que l’on soit sur un gros jeu pour montrer que notre investissement était sérieux”, se justifie aujourd’hui Fabien Allègre.
Aujourd’hui, le PSG e-sport est compétitif sur « Fifa »
Pourtant, faute de résultats, l’expérience League of Legends tourne court pour le PSG. Après avoir échoué à la dernière place de la deuxième division de la ligue européenne, le club francilien ferme son équipe au bout d’une saison.
“C’est un échec sportif assumé, explique Fabien Allègre. D’autant que nous n’avions pas suffisamment de visibilité quant aux possibles retombées financières sur ce jeu. Derrière le développement du PSG e-sport, il y a aussi la volonté d’avoir un projet pérenne et économiquement viable.”
Aujourd’hui, le PSG e-sport est compétitif sur Fifa, avec quelques-uns des meilleurs joueurs français, Fifa online, son dérivé très populaire en Chine, mais aussi sur Dota 2, avec une équipe basée à Shanghai, et Rocket League.
La FFF et la Ligue de football professionnel participent au développement
DaXe a été l’un des premiers à intégrer l’écurie du PSG en 2016, avec lequel il a remporté le championnat du monde. Avant, il était dans la structure belge Epsilon eSports. A ses yeux, il y a un vrai avantage à intégrer un club de foot.
“Il y a beaucoup plus de gens pour vous aider, notamment lors des tournois. Surtout qu’avec les autres joueurs français du club, on échange beaucoup, sur les stratégies, les compos. On est devenus amis, donc c’est au-delà de la compétition entre nous.”
Le PSG fait figure de modèle dans l’Hexagone. Parmi ses rivaux en Ligue 1, l’Olympique lyonnais et l’AS Monaco ont ouvert une section e-sport. Les instances du foot français, la Fédération française de football (FFF) et la Ligue de football professionnel (LFP), participent à ce développement.
“Les clubs sont très demandeurs de ce type de diversification, mais les enjeux sont différents »
Cette dernière a vu d’ailleurs débuter fin octobre la troisième saison de l’Orange e-Ligue 1, compétition de Fifa entre les représentants des clubs du championnat de France qu’elle a créée en 2016 avec EA Sports.
Un mercato aux enjeux aussi importants que dans le foot pro
Ouvert à tous, le tournoi est la chasse gardée des joueurs pro. “Les clubs sont très demandeurs de ce type de diversification, mais les enjeux sont différents, explique-t-on du côté de la LFP. Certains clubs ont une approche très marketing de l’e-sport et pour d’autres, il s’agit plus d’une expérience fan engageant leur communauté. »
« Le LOSC, le club de Lille, en est un très bon exemple. La saison passée fut difficile sportivement pour le club en Ligue 1 mais à côté de cela, ils ont accédé aux play-offs de l’Orange e-Ligue 1. Cela leur a permis de communiquer autour d’un contenu positif dans des périodes sportives compliquées.”
Maestro, qui défendait jusqu’à cet été le maillot du LOSC, ne dit pas autre chose. “Tous les jours, je reçois des messages de supporteurs du LOSC, indique le jeune homme originaire de Boulogne-sur-Mer. Ils me suivent toujours et sont très déçus que je sois parti.”
Déjà pro avant son arrivée dans le club lillois, il voulait voir de l’intérieur la vie d’un club de foot. Après un an, il a pourtant quitté l’équipe pour Vitality, la plus grosse entité française d’e-sport, l’équivalent du Real Madrid sur les réseaux. “C’était un rêve pour moi, un aboutissement. Je n’ai pas pu refuser même si j’étais très bien à Lille.”
Rencontre avec le Didier Deschamps de « Fifa »
A la tête de cette dream team, on retrouve Neo. Ce jeune vétéran est aussi, depuis le printemps, le Didier Deschamps de Fifa. Peu avant la Coupe du monde, la FFF a en effet lancé l’équipe de France d’e-foot, une première mondiale. “J’ai eu un peu de mal à y croire quand la fédé m’a contacté mais je n’ai pas hésité, raconte Neo. On ne refuse pas l’équipe de France.”
Les Bleus ont rencontré la Belgique et les Pays-Bas, pour deux victoires. A terme, la FFF voudrait fédérer suffisamment de fédérations internationales pour créer une Coupe du monde de Fifa. “Il y a un vrai fantasme dans la communauté e-sport, et pas juste Fifa, pour des compétions entre sélections nationales, poursuit Neo. Mais, pour le coup, ça va dépendre de la vraie Fifa.” Histoire de ramener une fois de plus la Coupe à la maison.
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