Amateurs ou pros, ils ont réalisé un film ou des photos X une fois dans leur vie. Angoisse, leur passé ressurgit sur le Net ou en couverture d’un magazine.
Il y a tout juste un mois, Rebecca apprend d’une amie qu’elle est en sous-vêtements fuchsia dans les kiosques. Plus précisément en photo jambes écartées sur la une du numéro de juin de Couples, « magazine libertin ». Stupeur et souvenirs. Il y a quelques années, cette mère de famille a bien tourné un film porno avec Marc Dorcel, mais elle s’est, depuis, « rangée des voitures ». Avant d’engager d’éventuelles poursuites, Rebecca a mis en demeure le magazine de produire une quelconque autorisation de sa part. Le journal a demandé un délai supplémentaire… l’affaire est en cours. Chaque année, des acteurs occasionnels sont ainsi nombreux à voir ressurgir un passé qu’ils pensaient définitivement enterré.
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Une affaire fait jurisprudence en la matière. Marie C. est une institutrice qui a la particularité d’avoir tourné un film porno quand elle avait 18 ans. Un beau jour, elle entre son nom dans la barre de recherche Google. L’enseignante découvre alors que la fonction de saisie semi-automatique Google Suggest l’associe à « swallows » (avale) et « école de laetitia » (le titre du film). Elle clique et se découvre en photos et vidéos d’époque. Marie C. demande à Google de supprimer ces suggestions. Google refuse en invoquant des obstacles juridiques et techniques. Fin 2010, le moteur de recherche est finalement condamné à payer 2 000 euros pour ne pas avoir – en connaissance de cause – retiré ces données illicites ou avoir rendu leur accès impossible.
Sur le web, la propagation de contenus pornographiques est rapide. Il existe plusieurs façons de faire disparaître ou de cacher les fichiers indésirables. Si le site hébergeur est français, une mise en demeure ou une procédure judiciaire sera suffisante pour exiger le retrait. Si le site est étranger, il peut vite s’avérer difficile de faire pression ou simplement d’entrer en contact avec l’un des administrateurs.
Dernier recours, on peut alors dissimuler certains résultats. Pour réaliser ce « déréférencement », une agence d’e-reputation – ou réputation numérique – peut créer un panel de faux sites et de faux comptes Twitter et Facebook avec le nom de la personne visée afin de fabriquer un maximum de liens. Le tout fera reculer les images ineffaçables en les repoussant au-delà de la quinzième page des moteurs de recherche.
Jenny bosse au McDo à Paris. Un jour, pour combler une fin de mois difficile, elle réalise pour 250 euros une séance vidéo pour Vince Banderos et son site web de porno amateur Generation X. Le principe : l’internaute choisit son film sur photos, appelle un numéro surtaxé, puis visionne. Très vite, la vidéo de Jenny est récupérée sur des plates-formes de streaming et d’autres sites. Manque de pot, parmi les (a)mateurs se trouve son petit ami toulousain. En mai dernier, Vince Banderos accepte de retirer la vidéo « à l’amiable », c’est-à-dire contre 500 euros.
« Depuis 1804 et l’article 9 du code civil, le principe est simple : chacun a droit au respect de sa vie privée », rappelle l’avocat de Jenny, maître Anthony Bem.
Appliqué au droit à l’image – exception faite des photos de foule, plutôt rares dans le porno -, cela signifie que la publication d’une photo ou d’une vidéo n’est possible qu’avec le consentement préalable et circonstancié de la personne. Aucune autorisation globale et indéfinie ne peut être établie.
Sur le Net, un autre phénomène semble prospérer : la publication de vidéos sexuelles qui n’auraient jamais dû sortir du cercle privé. Albéric Guigou, cofondateur de Reputation Squad, agence d’e-reputation, reçoit en moyenne chaque semaine une ou deux affaires du genre. De plus en plus de particuliers découvrent leurs frasques sur la toile, certains aigrefins en ayant même fait leur spécialité.
« Une nouvelle pratique est apparue dans le porno amateur, ou plutôt dans les vidéos privées : l’arnaque à la webcam. On vous drague sur Meetic, puis on vous demande de passer sur Skype. Ensuite, on vous demande de vous mettre nu, de faire des trucs, et on vous filme avec une webcam. Puis vient la menace : si tu ne me files pas 3 000 euros je publie la vidéo sur Internet. C’est là qu’on nous appelle. »
Reputation Squad peut alors intervenir par du « noyage préventif » en créant de faux sites en amont. Ainsi, dès que la vidéo associée au nom de la personne est réellement mise en ligne, il est toujours temps de la chasser avant qu’elle ne devienne trop visible. Pour quelques centaines d’euros par mois, certaines personnes paient même une veille sur leur nom. Une précaution permettant, en cas d’apparition de nouvelles casseroles, de ne plus apprendre leur publication par son petit ami.
Geoffrey Le Guilcher
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