Ce 2 juin a été lancé le Collectif « culture, libertés, création » (CLIC) du FN. Une association rattachée au Rassemblement Bleu Marine, qui a vocation à fournir des idées à Marine Le Pen pour nourrir son programme culturel. Mais de quelle vision de la culture s’agit-il ?
Il n’y a pas une rubrique du programme présidentiel de Marine Le Pen qui semble pouvoir y échapper. Après le collectif Nouvelle Ecologie, le collectif Racine (à destination des enseignants), le collectif Audace (pour draguer les étudiants), le FN a lancé, le 2 juin, le « Collectif Culture, libertés, création« .
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Présidée par Sébastien Chenu, une prise de guerre de l’UMP devenu délégué du Rassemblement Bleu Marine (RBM), cette association officiellement rattachée au RBM a pour ambition de nourrir le programme de Marine Le Pen en matière culturelle en prévision de l’élection présidentielle de 2017. La composition de son conseil d’administration témoigne de son ambition : s’ouvrir à des sympathisants qui n’ont pas nécessairement envie d’adhérer au FN dans le secteur de la culture, et doter Marine Le Pen d’une boîte à idées pour son programme.
Un nouveau « secteur périphérique » du FN
Interrogé par Les Inrocks, Sébastien Chenu revendique cette ouverture sur la périphérie du parti : « 60% des gens qui sont membres de ce collectif ne sont pas encartés. Ils sont là pour apporter leurs idées, leurs compétences, et c’est tout l’intérêt du collectif : chercher des gens qui ont une sensibilité proche de la nôtre mais qui ne souhaitent pas adhérer au FN pour autant. »
Les seize membres du conseil d’administration du collectif sont pour une bonne part des universitaires, et quelques éditorialistes dans des médias appartenant à ce que l’extrême droite a convenu d’appeler « la réinfosphère ». C’est le cas de Gabriel Robin, éditorialiste sur Boulevard Voltaire, qui occupe la fonction de secrétaire général. Ou de Marie Cehere, contributrice sur Causeur. On y trouve aussi Pauline Decot, une « plume » du ministère de la culture, comme l’a relevé Le Lab.
La préférence nationale appliquée à la culture
L’activité de ce nouvel appendice du FN se résumera à une réunion mensuelle, privée ou publique, avec des invités si possible. Quant au programme, il se concentre pour le moment principalement sur une formule bien connue – la « préférence nationale » – appliquée à la culture : « Ce collectif est placé sous le signe de la préférence nationale en matière de culture, explique Sébastien Chenu. On va défendre cette exception culturelle menacée par Bruxelles. »
En cela, le FN ne réalise pas de révolution copernicienne. « Dès les années 1990, le FN a mêlé la dénonciation du mondialisme à la défense de l’exception culturelle. C’est d’ailleurs le seul cas de souverainisme partagé en France. Ils l’avaient intégré, mais sans originalité », relate l’histoire spécialiste des droites extrêmes, Nicolas Lebourg.
D’autres sujets sont en chantier, tels que la défense du droit d’auteur, du patrimoine, la liberté de création ou encore le statut des intermittents.
« Ils souffrent de ne pas avoir d’artistes ou d’intellectuels dans leur rangs »
Dans les années 90, le FN avait déjà créé des associations sectorielles qui avaient pour but de fournir un socle idéologique au parti sur les questions culturelles. En 1989, Jean-Yves Le Gallou fondait ainsi un « conseil scientifique » qui regroupait des universitaires appelés à nourrir le programme du FN de leurs réflexions. Il avait aussi vocation à mettre le parti à niveau par rapport aux autres en matière de culture, alors que le FN « n’a pas fondé son identité » sur celle-ci, convient Sébastien Chenu.
Ce stigmate pèse encore aujourd’hui sur le FN, dont le taux de pénétration chez les catégories « intellectuelles » est encore très faible. Selon Nicolas Lebourg , « ils souffrent de ne pas avoir d’artistes ou d’intellectuels dans leur rangs. En 2012 un sondage avait montré que seul 8% des catégories intellectuelles avaient voté pour Marine Le Pen. »
Distribution de capital symbolique
Sans tête d’affiche connue, le collectif pourrait donc demeurer une coquille vide, dont la fonction pourrait être, indirectement, d’occuper les militants qui affluent au FN : « Consciemment ou non, la création de ce secteur périphérique permet de distribuer du capital symbolique aux militants, explique Nicolas Lebourg. Donner à un militant un poste dans le conseil d’administration d’un collectif comme celui-ci est un motif de satisfaction pour lui, et un facteur de stabilité interne pour le parti. »
Alors que le Front national offre peu de débouchés aux militants en matière de postes électoraux, il compense par la création de postes de cadres a minima en interne. Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard avaient calculé dans l’ouvrage Dans l’ombre des Le Pen, Une histoire des numéros 2 du FN (éd. Nouveau Monde) que 11,9% des adhérents en 2009 pouvaient être rétribués par un capital symbolique en occupant une telle fonction dans l’appareil et ses multiples collectifs périphériques.
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