De plus en plus d’émissions de télé usent et abusent de vidéos issues de sites de partage. Sans se soucier des droits d’auteur.
Voir et revoir un chien faire des claquettes, un groupe de geeks armés et en treillis réaliser un pochoir géant de Marylin au paint-ball ou un ministre tenir des propos défavorables aux Auvergnats a longtemps été l’apanage du net. Mais par un jeu de vases communicants cathodiques, il est de plus en plus courant de retrouver ces vidéos à la qualité variable sur les écrans de télévision. Au point de se demander si l’internet n’est pas en passe de devenir la plus grosse boîte de production du monde. Et la moins chère aussi pour les chaînes qui puisent à l’envie dans les océans de pixels que sont YouTube et Dailymotion sans débourser un centime.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“La reprise de contenu web est devenue une chronique incontournable pour les chaînes hertziennes, raconte Virginie Cellier, rédactrice en chef de teleloisirs.fr. Idem pour les chaînes info. Zap Net, la chronique de LCI, est même l’une des plus podcastée. Quant à la TNT, on y consacre des émissions entières aux vidéos YouTube.” Une sacrée démonstration d’“inventivité” de la part du petit écran, mais surtout une manière de récupérer une part du buzz tout en l’alimentant.
“Les audiences des grandes chaînes de télé sont bien supérieures à celles d’une vidéo sur une plate-forme de partage, explique Virginie Cellier. Et puis, être diffusé au Grand Journal peut être perçu comme une forme de consécration pour l’auteur de la vidéo.” Une consécration qui a toutes les chances de rester un succès d’estime puisque le plus grand flou entoure le statut juridique des auteurs de ces images. En principe, et selon les conditions d’utilisation de YouTube, l’auteur d’une vidéo en cède les droits au site de manière non exclusive. Un accord dont la validité apparaît douteuse à l’avocate Martine Ricouart-Maillet, spécialisée dans la propriété intellectuelle : “Le système des conditions d’utilisation qu’on est censé avoir lu n’est pas assez formel pour une cession des droits d’auteur. Pour être juridiquement acceptable, il faudrait que ce consentement soit fait dans les règles de l’art, c’est-à-dire individualisé, limité géographiquement et dans le temps, accompagné d’une signature et qu’il se réfère expressément aux dispositions du code de la propriété intellectuelle.” Si chez YouTube, on est prêt à partager les bénéfices des vidéos les plus vues – grâce au programme “partenaire” qui permet à l’auteur des images, après avoir été sélectionné, de toucher une partie des recettes générées par la pub sur ses vidéos –, à la télé, rien.
Alors que les chaînes d’info se servent de plus en plus souvent d’images filmées par des internautes anonymes et postées sur le net, aucune de celles que nous avons contactées n’a souhaité “communiquer” sur la manière dont ces images sont négociées avec leurs auteurs ou avec les plates-formes. “On travaille presque toujours dans l’urgence, alors on prend les images en se disant qu’on s’en occupera plus tard et, finalement, on ne s’en occupe jamais”, raconte un journaliste d’une chaîne d’info en continu. Les plates-formes encouragent même les chaînes à utiliser leurs vidéos (en dehors de partenariats spécifiques pour certains contenus). “On envoie nos vidéos les plus intéressantes aux journalistes, comme sur un fil AFP”, explique par exemple Martin Rogard, le directeur France de Dailymotion. Inaugurant de fait un système de circulation de l’image dont l’auteur est absent.
{"type":"Banniere-Basse"}