Pour les cent ans de la naissance de l’icone du combat anti-apartheid, l’Ina propose de revivre certains moments de son procès. Avec un Mandela qui donne l’impression d’être en chair et en os.
Drôle d’idée que de faire revivre des morts sous la nef d’une église une poignée de jours après Pâques. Et pourtant, dans la pénombre de Saint-Eustache (Ier arrondissement), à peine troublée par les lumières de la nuit parisienne qui se fraient un chemin par les imposantes fenêtres, le résultat est saisissant. Ce jeudi 5 avril, l’ancien président sud-africain Nelson Mandela renaît sous la forme d’un hologramme, le temps d’une quinzaine de minutes puissantes qui offrent au spectateur la possibilité de revivre un court passage de son procès.
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Des centaines d’heures d’archives audio
Juillet 1963. Plusieurs membres de l’African National Congress (ANC) sont arrêtés par le régime sud-africain pour leur combat contre l’apartheid. Ils vont être jugés pendant plusieurs mois, d’octobre 1963 à juin 1964, pour des charges très lourdes passibles de la peine de mort. A l’issue du procès, Nelson Mandela et plusieurs de ses camarades sont condamnés à la prison à vie.
De ces huit mois de procès, il n’existe aucune image filmée mais des centaines d’heures de pistes audio gravées sur des « dictabelts », sorte de vinyles souples. Après un accord conclu en 2013 avec le gouvernement sud-africain, l’Ina a récupéré ces disques afin de les restaurer et de les numériser. Cinq ans plus tard, voila donc le spectacle I am prepared to die – Mandela le procès historique, montré en avant-première mondiale, pour les cent ans de la naissance du prix Nobel de la paix 1993, dans le cadre du festival NewImages qui se tient jusqu’au 8 avril au Forum des Images.
Une salle, deux ambiances
Bien qu’assez court, le spectacle propose deux parties bien distinctes, toutes les deux situées dans la même salle du tribunal de Pretoria. La première met le spectateur dans la position des accusés. Sur la scène où des images de la salle sont projetées, apparait un homme blanc, grand, le crane rasé. Il s’agit de Percy Yutar, le procureur. Il vous regarde fixement. Dans l’église résonnent ses mots, qui harcèlent l’un des accusés, Walter Sisulu, mais l’installation donne l’impression que c’est vous qui êtes interrogés.
Puis dans un brouhaha, la salle se tourne. Un homme, noir, dans un costume gris apparaît à son tour de nulle part. Un fantôme numérique qui semble tangible, pourtant. Du plaidoyer de plus de trois heures délivré par Nelson Mandela lors de ce procès, le spectacle n’a gardé que les dix dernières minutes. Aucune haine dans sa voix lorsqu’il dresse le portrait d’un pays où l’inégalité est une politique d’État. « Nous voulons une vraie place dans la société », exhorte-t-il simplement.
Terriblement actuel
Le travail sur l’image est minimal et on sent que le but est moins de jouer avec cette nouvelle technologie que de rendre hommage au combat de Mandela. L’hologramme avait connu son big-bang avec la résurrection de Tupac dansant sur la scène du festival Coachella. Ici, aucune effusion. Juste un homme qui se tient debout bien droit. En fait, le cœur du spectacle, c’est bien la voix de Nelson Mandela, restaurée avec soin. Et c’est bouleversant. Rien que les moments où il tourne les pages percent l’immensité de l’austère nef.
Son plaidoyer, important, terriblement actuel, se termine par ces mots : « J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivent ensemble, dans l’harmonie et l’égalité. C’est un idéal que j’espère voir se concrétiser de mon vivant. Mais, monsieur le juge, si c’est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »
I am prepared to die – Mandela le procès historique, séances disponibles vendredi 6 avril.
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