Ce dimanche 16 octobre, la Nupes tentait de mobiliser à la fois les partis de gauche, les syndicats et les associations pour répondre à la crise politique actuelle et engager une mobilisation populaire majeure. Les jours qui suivront seront-ils, comme l’a dit Jean-Luc Mélenchon, les premiers “d’un cycle jamais vu dans notre pays” ?
“D’expérience, il y a du monde à une manifestation quand il y a un climat insurrectionnel.” En écho à ces paroles de la députée Aurélie Trouvé et à un climat politique actuel on ne peut plus explosif et délétère (réformes des retraites et de l’assurance-chômage à venir, grève dans les raffineries Total et Exxon-Mobil, hausse des prix de l’énergie…), il y avait bien foule ce dimanche 16 octobre à Paris lors de la marche contre la vie chère et l’inaction climatique impulsée par la Nupes.
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Bien plus, à vrai dire, que lors de la marche du candidat Jean-Luc Mélenchon au printemps, lequel semblait vouloir se refaire une beauté électorale suite aux affaires (Quatennens, Bayou) qui ont miné la principale alliance progressiste du pays ces dernières semaines.
Un cortège multiple
Cinq cortèges devaient composer la marche en se mettant au diapason thématique du programme de LFI : retraite à 60 ans et augmentation des salaires, allocation d’autonomie mensuelle de 1063 euros pour les 18-25 ans, blocage des prix, taxation des superprofits, bifurcation écologique. Néanmoins, il suffisait de jeter un coup d’œil autour de soi place de la Nation pour se rendre compte que la plupart des manifestantes et des manifestants ne semblaient pas être là pour donner un blanc-seing au parti de Jean-Luc Mélenchon.
À l’image de militantes de Relève féministe, scandant “La relève, elle est là, si t’es pas content casse-toi”, ou encore d’une association de trans, lesbiennes et gays soutenant ouvertement les raffineries en grève, et déclamant des slogans folkloriques comme “Raffineur, raffiné, toi aussi deviens pédé”.
De l’autre côté de la place, un monsieur Loyal de Picardie Debout, le mouvement de soutien à François Ruffin, proposait (en blaguant) de “huer Elon Musk” et, faisant tourner une roue de la fortune, nous présentait les nombreux faits d’armes de Gérard Mulliez, le patron d’Auchan. Pour info, la roue s’est arrêtée sur “faire banqueroute”. Loin, donc, du sérieux papal du cortège officiel de la Nupes et de son cordon de sécurité un poil oppressant.
Au-delà de la Nupes
Plus globalement, il était évident que, ne serait-ce que par la présence notable d’organisations d’obédience trotskiste comme le NPA ou le parti ouvrier indépendant démocratique, la marche n’allait pas se faire une chambre d’écho du programme politique de la Nupes.
Des étudiants en art et design, membre de l’union syndicale Massicot, reconnaissaient elles-mêmes “ne pas être forcément en accord avec l’ensemble des propositions de la Nupes”, tout en se sentant personnellement confrontées aux revendications formulées ce dimanche : “Chez les étudiants, il y a une grande précarité, même au sein de nos écoles qui restent assez élitistes. Ça ne sert à rien de diviser, on est là aujourd’hui et on sera là mardi. Le lien avec les syndicats des travailleurs, c’est important de les créer dès maintenant. On est des futures travailleurs de l’art, et c’est important de créer un front commun.”
Si les principales organisations syndicales étaient absentes de la marche, appelant à défiler mardi 18 octobre tout en enjoignant le corps social à la grève générale, on pouvait tout de même trouver des sous-sections syndicales de la CGT et de Sud-Solidaires. À l’image de syndicalistes de la CGT Pôle Emploi d’Île-de-France, en grève depuis mardi dernier, qui agitaient des caisses de grève tintantes.
Un des manifestants nous a expliqué la démarche de ses camarades : “Nous avons déjà effectué une manifestation devant la direction générale cette semaine. On a continué la grève jeudi et on la poursuit mardi prochain. On pense que tout le monde doit être concerné. Il faut mobiliser partout où c’est possible pour les augmentations de salaire. Ça fait trop longtemps, y compris dans la protection sociale ou dans les services publics de l’État, que les salaires sont gelés.”
Front commun
Si la plupart des participants nous ont expliqué ne pas comprendre pourquoi certains tentaient d’opposer la marche de dimanche à la grève de mardi impulsée par les syndicats, beaucoup se méfiaient de la tentative de mainmise de Jean-Luc Mélenchon sur le mouvement social. Pour autant, s’il est bien trop tôt (et sans doute un peu présomptueux) d’arguer que nous sommes en train d’assister “à la conjonction de la mobilisation populaire, de la mobilisation syndicale et de la crise institutionnelle”, comme le souhaite le remuant chef de file insoumis, il est indéniable que certains membres du corps social que l’on pensait hétérogènes (et que les éditorialistes de chaines d’infos en continu s’évertuent à présent comme “désorganisés”) commencent réellement à faire front commun.
À l’image de ce militant de 21 ans, membre des jeunes socialistes de la Marne, qui nous a confié que sans la Nupes, il aurait quitté le Parti socialiste : “La Nupes a permis de nous recentrer. Mes idées ont toujours été à gauche, et là je me sens enfin bien à gauche et au Parti socialiste.” Plus globalement, la question du travail (et de son partage) semblait habiter tous les esprits, loin des petites phrases polémiques prononcées pour alimenter la petite machinerie politico-médiatique – Fabien Roussel brillait d’ailleurs par son absence ce dimanche.
En attendant de voir ce qu’il se passera dans les prochains jours, la mobilisation du 18 octobre apparaissait donc comme une forme de test, à la fois pour le corps social et pour l’alliance populaire. Comme le dit l’économiste et sociologue Bernard Friot, “est-ce que la Nupes apparaît aujourd’hui comme l’expression politique de la multiplicité des initiatives alternatives au capitalisme et peut susciter un mouvement social de prise de pouvoir sur le travail ?” Cette question demeure, pour l’instant, éternellement (?), en suspens.
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