Avec près de 67% des voix, François Fillon est sorti gagnant du second tour de la primaire de la droite et du centre, battant largement Alain Juppé. A la maison de la chimie, dans le VIIe arrondissement, entre deux Marseillaises, ses soutiens n’ont pas douté une seconde de sa victoire.
Leurs talons aiguilles à semelles rouges claquent sur le bitume du VIIe arrondissement de Paris, le pas est pressé : l’excitation de ces deux femmes est à son comble ce soir de second tour de la primaire de la droite et du centre. Du moins, chez les militants de François Fillon, donné largement vainqueur par les derniers sondages. Vers 19 h 30, à la Maison de la chimie, où il prononce son discours suite à l’annonce des résultats – plutôt qu’à son QG du Boulevard Saint-Germain, trop petit – on savoure le moment.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Perdu au milieu de la horde de journalistes présents dans la salle principale – agrémentée de quatre énormes visages de Christophe Barbier retransmis sur BFM TV – Francis se félicite : “Evidemment qu’il va gagner!” A 75 ans, ce retraité avait déjà voté Fillon au premier tour, séduit par son programme très conservateur. “C’est lui qui propose le programme le plus sérieux, avec un chiffrage précis. Il est droit dans ses bottes, si je puis dire!” Droit dans ses bottes, comme son concurrent ? “Juppé est trop âgé… Il faut du dynamisme pour tenir un quinquennat, et là ça ne s’annonce pas chose aisée !”
« Maintenant qu’il est en tête, on dit qu’il a le programme le plus méchant »
Même discours chez Jean-François Rapin, sénateur LR du Pas-de-Calais et “soutien de longue date” de l’ex-Premier ministre. “Pour l’instant, ce qui remonte est assez bon. Je suis confiant.” Il est heureux que “la primaire se soit bien passée, avec un fort engouement des Français » – d’après Thierry Solère, l’organisateur de la primaire, la participation au second tour serait encore plus élevée qu’au premier, où 4,29 millions de personnes s’étaient déplacées.
Pourtant, ces derniers jours ont vu quelques vifs accrochages entre Fillon et Juppé, le second se faisant reprocher par le premier un programme réactionnaire. Jean-François Rapin balaie cet argument : “Pendant des mois, on a dit qu’il était le candidat de la troisième place alors qu’il avait le meilleur programme. Et maintenant qu’il est en tête, on dit qu’il a le programme le plus méchant ! Moi, justement, j’ai lu attentivement son programme et c’est pour cela que je le soutiens.” Un autre soutien, très médiatique, fait, peu de temps après, son apparition : Frigide Barjot, égérie de la Manif pour tous.
« Putain, mazel tov! »
20h06 : tout le monde se rue vers l’estrade. Les premiers résultats sont sur le point de tomber. Eric Pilat, porte-parole d' »Entrepreneurs avec Fillon », raconte que dans la circonscription où il a voté, “les poubelles étaient remplies de bulletin Juppé”. Il meurt d’impatience de voir ses attentes confirmées : “Pour moi, c’est bon. On est content car on a beaucoup travaillé avec les Français.”
Soudain, Thierry Solère apparaît à l’écran. Un homme souffle bruyamment, comme pour évacuer le stress. “Sur 2 121 bureaux dépouillés [sur un peu plus de 10 000, ndlr], François Fillon obtient 69,5 % des suffrages, Juppé….” Même pas le temps d’entendre le score du Bordelais – on apprendra ensuite qu’il a fait 30,5% – qu’une clameur sans pareille s’élève dans la salle. “Fillon, Président !”, disent les uns, “Putain, mazel tov!”, dit un autre. Une Marseillaise débute, plusieurs personnes entament une dynamique et assez étrange danse de la joie.
Parmi eux, Muriel Réus, fondatrice du mouvement “Les femmes avec Fillon” et porte-parole du candidat. Elle est béate de bonheur : “C’est un score formidable, il a fait une campagne magnifique, exemplaire.” Et de vanter “le courage, la détermination, l’engagement” de l’actuel député de Paris. Pour elle, les attaques qui ont visé Fillon récemment, notamment sur sa position controversée sur l’avortement, ne sont pas légitimes : “Il a toujours démontré qu’il faisait attention aux femmes. Juppé s’est auto-proclamé le candidat des femmes depuis une semaine ! Nous, cela fait un an qu’on bosse sur notre programme pour les femmes.” Non loin de là, Bernadette, “qui a distribué des tracts sur les marchés”, se dit elle “enchantée” de la nouvelle.
« La gauche, c’est l’échec, l’extrême droite, c’est la faillite »
Juppé apparaît à la télé vers 21 heures, admet sa défaite. “Soyez forts”, dit-il. Fort de sa victoire, lui, François Fillon apparaît enfin à l’estrade. Tel qu’en lui-même, il fait dans la sobriété : “La primaire est close.” Il a “d’abord une pensée particulière pour Nicolas Sarkozy [qui lui a apporté son soutien suite à son élimination au premier tour, ndlr]”, avant d’“adresser à Alain Juppé un message d’amitié.” Les remerciements faits, Fillon n’évoque pas son programme, mais enclenche vite le mode 2017. “Les valeurs, je les défendrai. Et nous les partagerons avec tous ceux qui aiment la France (…) Je vais relever le défi, celui d’un changement complet de logiciel (…) La gauche, c’est l’échec. L’extrême-droite, c’est la faillite (…) Mon ambition, c’est de hisser notre nation au meilleur d’elle-même.”
Un petit sourire, une furtive main sur le cœur, hop, Fillon est déjà parti. Nulle explosion de joie. Telle une rockstar qui donnerait sa set-list en fin de concert, il laisse tout de même sur le pupitre son discours, tapé à l’ordinateur et un peu raturé à la main. Tout le monde se rue dessus pour le photographier. Le président du Sénat Gérard Larcher, soutien de longue date, déambule tout sourire dans la salle. Le porte-parole de Fillon, Jérôme Chartier – « Le futur Premier ministre ! », dit quelqu’un – estime que « la primaire a rempli son objectif de rassemblement » et annonce une « réunion avec les groupes parlementaires et le Sénat, mardi », pour parler de la marche à suivre
Ici, c’est une évidence : 2017 marquera l’année de l’accession de l’ex-Premier ministre à l’Elysée. Celui qu’occupait, à l’époque, Nicolas Sarkozy. L’ex-président n’est d’ailleurs jamais bien loin : deux militants sarkozystes, croisés le week-end précédent au QG de l’ex-président, se dirigent discrètement vers la sortie.
{"type":"Banniere-Basse"}