Il aura fallu attendre 2010 pour qu’un article publié sur un site web soit récompensé par le Graal journalistique américain : le prix Pulitzer. Un cap de plus dans un pays où Internet a récemment détrôné la presse papier.
Non, le journalisme web n’est pas (toujours) du journalisme discount. Le troisième média préféré des Américains, derrière les chaînes d’infos nationales et locales et devant les journaux papiers, vient de décrocher une décoration des plus honorables : un Pulitzer.
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Dès 2008, la commission du prix Pulitzer s’était accordé le droit de remettre le prix à des pure-players. Il a fallu attendre 2010 pour que la récompense soit décernée à Sheri Fink, journaliste à Pro Publica, dans la catégorie reportage d’investigation.
Retour à La Nouvelle-Orléans
A but non lucratif, Pro Publica s’est spécialisé dans le journalisme d’investigation et l’enquête. Le site s’intéresse aux sujets de société et les propose gratuitement aux autres journaux.
La rédaction, 32 journalistes en plein Manhattan, est financée à hauteur de 10 millions de dollars par an par la Sandler foundation, dirigée par Herbert et Marion Sandler ( anciens PDG et vice-PDG de l’organisation financière Golden West Financial).
L’article promu : « Deadly choices at memorial », retrace l’histoire d’un hôpital de La Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina. Une enquête sur les conditions plutôt opaques d’évacuation des patients du centre de soins, inondé et sans électricité. On y découvre des soignants impuissants, ne pouvant sauver tout le monde.
L’article fleuve reprend cas par cas les décisions prises, sur le tas, et s’interroge sur ce qu’on peut en apprendre : que ferait-on maintenant en cas de telle catastrophe ? Une enquête qui nous plonge au côté des médecins, soignants et infirmiers et les confronte à leurs décisions quatre ans après la catastrophe.
Des dilemmes dignes d’une zone de conflits, que la journaliste Sheri Fink connait bien. Médecin de formation, elle a elle-même exercée en période de guerre et a déjà écrit une enquête sur l’aide médicale apportée en Bosnie pendant les combats.
La victoire du web
Autre victoire étiquetée web de ce cru 2010 du Pulitzer : celle du dessinateur Mark Fiore du sfgate’s, le site web du San Francisco Chronicle, vainqueur dans la catégorie dessins de presse.
Difficile pour le jury de ne pas récompenser au moins l’un des sites web d’actu US au vu de l’étude du Pew research center parue le mois dernier, qui tire le portrait du consommateur d’info d’outre-Atlantique.
Entre réseaux sociaux et smartphones, le lecteur américain a lâché son journal papier pour son écran. 59% des américains cherchent l’info sur le papier mais également sur le web : « Les américains sont devenus des « picoreurs d’actus », en ligne ou non. En général ils n’ont pas un unique site favori mais ils s’appuient sur un petit nombre de sources qu’ils connaissent », analyse Amy Mittchell, directrice du projet.
Une révolution de l’info prise au sérieux. En tête du mouvement l’école de journalisme de la Columbia University qui, après le lancement du très novateur Flyp, un magazine alliant vidéos, contenus écrits, images et sons, a annoncé mercredi dernier l’ouverture d’une formation journaliste et informaticien afin de répondre aux besoins des médias en ligne.
Rappelons que cette prestigieuse école a été créée en 1912 par Joseph Pulitzer. La boucle est bouclée.
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