Grande absente du projet socialiste pour 2012, une politique culturelle audacieuse permettrait pourtant au PS de cultiver sa différence. Quelques pistes de réflexion existent malgré tout
Que pourrait être une politique culturelle de gauche en 2012 ? Sera-t-elle une priorité ? Encore discret sur la question – pas une ligne dans son projet -, le Parti socialiste aurait intérêt à réfléchir aux « conditions d’un renouveau de la politique culturelle », comme s’y emploie l’universitaire Emmanuel Wallon dans Pour changer de civilisation (Odile Jacob), l’essai signé Martine Aubry et coécrit avec cinquante chercheurs et citoyens.
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Des contraintes inédites
Trente ans après la rupture incarnée par Jack Lang, la gauche a besoin d’idées neuves pour affronter les bouleversements en cours dans les processus de production, de diffusion et de réception des oeuvres. Le soutien aux artistes et aux industries culturelles, l’élargissement des champs de la création, le refus de la distinction entre haute et basse culture ne peuvent suffire à tracer les contours d’une politique publique confrontée à des contraintes inédites : d’un côté, l’austérité budgétaire généralisée qui réduit le périmètre de l’action publique ; de l’autre, l’avidité des industriels qui accentue la standardisation des oeuvres.
Pour autant, le PS veut réactiver des principes de base de la politique de Lang. En premier lieu : l’impérieux effort budgétaire. Aux commandes de l’Etat, la droite a entamé un cycle de restrictions financières que n’a pu compenser l’appel, peu suivi, au mécénat. Le glissement opéré par le ministre Frédéric Mitterrand dans son projet d’orientation – de « la culture pour tous » à « la culture pour chacun » – masque la stagnation des aides. Si la droite répète que la démocratisation culturelle a échoué, la gauche voudrait garantir l’accès aux oeuvres, offrir à tous des compétences et des références esthétiques.
Associé à une vraie politique de l’offre, misant sur les crédits pour la création, cet effort éducatif n’oppose pas la liberté artistique à la demande du public : « Il s’agit davantage d’élever le degré de discernement que le niveau de consommation ou le taux de fréquentation », estime Wallon.
Rompre avec un modèle consumériste dominant exige de « procurer aux individus les moyens de faire prospérer leurs facultés et leurs talents plutôt que d’assouvir leurs appétits ».
Un vrai projet culturel pourrait conférer à la gauche une « distinction » marquante
Un nouvel aménagement humain du territoire (en ateliers, studios, résidences d’artistes) s’impose, ainsi qu’une prise en compte de la précarité des statuts. La mutation numérique exige enfin d’élaborer des modèles économiques nouveaux, capables à la fois de réguler la concurrence, de faciliter la perception des droits d’auteur, d’encourager la diversité, de préserver la liberté des internautes…
Même situé à la marge de la campagne électorale à venir, l’enjeu, complexe et disséminé, d’une politique culturelle à réinventer pourrait conférer à la gauche une « distinction » marquante à laquelle elle semblait avoir renoncé ces dernières années. Il lui reste encore à peaufiner ses arguments, mais l’esquisse des grandes lignes forment déjà, à condition de ne pas passer à la trappe, un horizon encourageant.
Jean-Marie Durand
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