Dans une série documentaire sur les protestants de France, Valérie Manns éclaire la longue histoire d’une religion aux principes éthiques très forts sous un masque sévère.
Que sait-on du protestantisme, par-delà les idées reçues sur la raideur de ses adeptes, l’austérité de ses rituels et la discrétion de son exaltation ? “S’il a du mal à se définir lui-même”, selon l’expression du “parpaillot” Michel Rocard, le protestantisme n’en demeure pas moins une religion, et surtout un état d’esprit, dont l’histoire de France nous rappelle l’héritage fécond et tragique à la fois.
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Des massacres de la Saint-Barthélemy (1572) à la promulgation de l’édit de Nantes (1598) par le roi Henri IV, qui reconnaît pour la première fois les droits de la minorité protestante, de la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV (1685) à la Révolution française qui l’intègre définitivement dans la société (1789), l’histoire du protestantisme est à la fois celle d’une série de persécutions répétées, d’une reconnaissance institutionnelle conquise dans la violence et d’une émancipation sociale déployée au XIXe siècle. Aujourd’hui, la communauté des deux millions de protestants français connaît même un nouvel essor avec le développement du mouvement évangéliste.
“L’éthique protestante” et “l’esprit du capitalisme”
A travers deux riches documentaires, Valérie Manns éclaire la destinée de cette religion depuis la Réforme de Calvin et Luther. Pour reprendre l’expression de Max Weber, “l’éthique protestante” constitue son sujet à la fois dans ses affinités avec “l’esprit du capitalisme”, mais aussi dans son rapport à l’existence en général.
Comme le confient quelques personnalités publiques – Pierre Joxe, Michel Rocard, Didier Sicard, Alain Duhamel, Coline Serreau… –, les “huguenots” ne revendiquent pas la légèreté, l’insouciance et la rigolade comme valeurs éthiques premières. Comme on refuse les images dans les temples, comme on se méfie de toute idolâtrie, on préfère cacher sa joie. Le comédien Eric Ruf en fait le magistral aveu : “Je ne manque pas d’humour, mais je ne suis pas drôle !”
“Le refus de consommer, c’est très protestant”
Ce qui domine ce système de valeurs intériorisé, qui renvoie à un lien direct entre soi et Dieu, ce sont des motifs comme le travail, l’efficacité, la discrétion, la responsabilité : autant de raisons qui ont indirectement déterminé le goût de ses pionniers pour la banque, le négoce international, l’industrie, les caisses d’épargne (“le refus de consommer, c’est très protestant, ça”, entend-on).
Valérie Manns rappelle, avec les historiens Patrick Cabanel et Sébastien Fath, que les protestants contribuèrent de manière décisive à l’élaboration des grandes lois de la IIIe République, apportèrent leur soutien à Dreyfus et résistèrent durant la Seconde Guerre mondiale… Il y a dans l’ethos protestant une éthique et une exigence de droiture qui l’honore par-delà la sévérité de ses visages affichés.
Protestants de France documentaires de Valérie Manns. Les dimanches 24 avril et 1er mai, 22 h 25, France 5
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