Les débats sur la révision de la loi de bioéthique ont commencé mardi 24 septembre à l’Assemblée nationale. Le législateur devra se prononcer sur des mesures loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique.
Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, accès aux origines, réforme de la filiation, autoconservation des ovocytes… Tant de mesures qui créent la discorde au sein de l’hémicycle, et sur lesquelles les parlementaires français devront pourtant trancher dans les prochains jours. Après avoir été discutés en assemblée citoyenne et soumis à l’avis du Comité consultatif national d’éthique, ces sujets seront débattus à l’Assemblée nationale dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, du 24 septembre au 9 octobre – à noter qu’une telle révision a lieu tous les sept ans depuis 1994, dans le but d’adapter les lois aux évolutions de la société.
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Deux semaines d’examen au terme desquels le législateur devra entériner les principales réformes sociétales du quinquennat. Les députés devront se prononcer sur les 32 articles que comporte le texte ainsi que sur les 2 600 amendements qui ont été déposés. Retour non exhaustif sur les principaux points du projet de loi de bioéthique qui sont examinés à l’Assemblée.
Elargissement de la PMA à toutes les femmes
C’est le premier article du projet de loi mais surtout, celui qui sera plus discuté. Si la PMA est aujourd’hui réservée aux couples hétérosexuels rencontrant des problèmes de fertilité, son élargissement aux couples lesbiens et aux femmes célibataires faisait bien partie des promesses du président Hollande, puis du candidat Macron. Maintes fois reportée pour les débats houleux qu’elle suscite, cette mesure est pourtant plébiscitée par la majorité des Français : d’après un sondage Ifop révélé le 13 septembre, 65 % d’entre eux se prononcent pour l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et 68 % se disent favorables à son élargissement aux femmes célibataires.
Pourtant, la classe politique et le monde médical restent très divisés sur ce sujet. En témoigne un avis officiel rendu par l’Académie nationale de médecine le 21 septembre, à quelques jours seulement de l’ouverture des débats. Dans celui-ci, l’institution émet des réserves sur l’extension de cette technique de procréation à toutes les femmes. « La conception délibérée d’un enfant privé de père » n’est « pas sans risques » pour son « développement psychologique », écrit-elle. A contrario, d’autres médecins et chercheurs y sont favorables, arguant par exemple que « grandir dans une famille fondée par deux femmes n’a pas d’impact sur le bien-être ».
Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales, déclarait en outre ceci auprès du Parisien, le 23 septembre : « La PMA pour toutes n’est pas une avancée scientifique qui pose des questions éthiques. C’est l’extension d’un geste médical qui existe déjà. » Cela fait par ailleurs des années que les militantes lesbiennes militent pour l’ouverture de la PMA pour toutes, sans compter les principaux concernés : les enfants nés d’une PMA faite par un couple de femmes ou une femme seule à l’étranger.
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Accès aux origines : fin de l’anonymat pour les dons de gamètes
Le projet de loi de bioéthique prévoit la levée de l’anonymat pour les donneurs de gamètes. Si cette mesure est adoptée, les hommes et les femmes qui souhaitent donner spermatozoïdes ou ovocytes devront accepter que leur identité puisse être dévoilée à la demande de l’enfant né de ce don à sa majorité. Cela est impossible à l’heure actuelle, l’anonymat du donneur étant de mise.
Cette mesure fait également débat, certains évoquant par exemple la possibilité d’une pénurie de gamètes, quand d’autres, telle l’association PMAnonyme, se réjouissent de cette possibilité.
Réforme de la filiation
Pour les couples de femmes, la révision de la loi de bioéthique prévoit que la mère qui n’a pas porté le bébé issu d’un don de gamètes soit reconnue comme parent, à égalité avec la mère qui, elle, l’a porté. Mêmes droits, mêmes devoirs et impossibilité de se soustraire aux obligations parentales en cas de séparation.
Le texte propose aux couples de femmes une « reconnaissance anticipée de l’enfant devant notaire ». Il n’y aura par ailleurs pas de « mention de la PMA dans l’acte de naissance pour le couple de femmes (…) il sera mentionné que ces deux mères ont reconnu l’enfant à telle date, devant notaire, rien de plus », a assuré la ministre de la Justice Nicole Belloubet auprès de l’AFP, le 10 septembre dernier.
A noter que ce n’était pas ce qui était prévu dans le projet de loi originel, qui a été modifié « en réponse à une demande très forte ». En effet, la version présentée en Conseil des ministres en juillet évoquait une « déclaration anticipée de volonté » et prévoyait qu’il y ait mention du mode de conception sur l’acte de naissance des enfants de couples de femmes. Ce mode de filiation spécifique pour les parents lesbiens avait été jugé discriminatoire par les associations LGBT.
Autoconservation des ovocytes
Le projet de loi prévoit également que les femmes puissent auto-conserver leurs ovocytes, de façon à pouvoir avoir un enfant plus tard dans leur vie (des limites d’âge seront cependant établies). Actuellement, cet acte n’est praticable que pour raisons médicales.
Une restriction que souhaite lever la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui a estimé que « l’évolution de la société, la durée des études, l’inscription dans la vie active, la vie amoureuse, font que les femmes ont tendance à avoir des enfants de plus en plus tardivement et donc s’exposent à un risque d’infertilité ».
Plus de possibilité pour les dons d’organes
Concernant le don d’organes, les parlementaires débattront sur les « dons croisés », qui permettent de faciliter les greffes de rein. Il s’agit d’augmenter le nombre de chances pour une personne en attente de greffe de trouver un donneur vivant volontaire compatible.
Aujourd’hui, la loi autorise une personne à donner un rein à une autre avec laquelle elle entretient un « lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans ». En cas d’incompatibilité biologique entre donneur et receveur, la loi actuelle autorise un échange avec un autre duo de donneur receveur, c’est le « don croisé ». Le projet de loi propose d’augmenter les chances de trouver un rein compatible en élargissant le nombre (qui reste encore à déterminer) de donneurs et de receveurs entrant dans l’équation.
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