Envoyé sur tous les fronts médiatiques, Benjamin Griveaux, le porte-parole de La République en marche, s’est distingué par sa capacité à répondre à tout. Portrait.
Demi de blanche dans la main gauche, cigarette dans celle de droite. Ce vendredi soir du premier tour des législatives, Benjamin Griveaux, costume cravate bleu nuit et chemise claire col ouvert, était au centre de l’attention. Au milieu d’une vingtaine de militants, ses épaules légèrement voutées, il souffle, discute, rigole. Une heure plus tard, la campagne du premier tour prenait officiellement fin. L’homme au sourire en coin, les yeux légèrement plissés par la fatigue, remercie ses équipes de campagne dans le Allens Market, bar branché du Xe arrondissement de Paris.
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Ne restait plus qu’à attendre, pour le porte-parole de La République en marche (LREM), les résultats. Et ils ont été bons : avec 43,65 % des voix, le candidat marcheur se place bien devant sa concurrente, la députée socialiste sortante, qui n’a récolté que 12,47 % des suffrages. « J’aimerais vous dire que c’est bon, mais rien n’est joué », soufflait, modeste le quasi quadragénaire.
Mais la semaine suivante, fin du suspense, le candidat LRM gagnait le second tour avec 56,27 % des voix.
Un immense merci à toutes et tous ceux qui se sont mobilisés depuis des mois dans la #circo7505! Cette victoire est la vôtre. Merci.
— Griveaux Benjamin (@BGriveaux) 18 juin 2017
« Il a voulu remettre les gens en marche »
Retour dans son bureau, au 99, rue de l’Abbé-Groult, dans le chic et paisible XVe arrondissement. À 39 ans, celui qui a « huit jours de moins » que le nouveau président de la République, comme il aime à le souligner, entame, ou plutôt redémarre, sa carrière politique.
Aujourd’hui il est porte-parole de La République en marche et député de la 5e circonscription de Paris, mais il se souffle qu’il pourrait bien briguer la présidence du mouvement en juillet prochain – assurée aujourd’hui par Catherine Barbaroux – ou la mairie de Paris en 2020… En ce qui concerne la tête du mouvement, sa proche collaboratrice Clara Koenig y trouverait une certaine logique : « Benjamin est très attaché au mouvement. C’est lui qui a participé à sa fondation, il en connaît tous les détails. »
Depuis un peu moins d’un an, Benjamin Griveaux a quitté un haut poste chez Unibail-Rodamco, une entreprise du CAC40, pour suivre l’aventure En marche !. Dès décembre 2015, c’est Ismaël Emelien, « l’ami de treize ans », qui siégeait en face de son bureau avant d’être promu à l’Elysée, qui met en relation les deux hommes.
Dans une soirée privée, le futur président entrevoit les débuts du mouvement. « Il nous a dit: ‘Je suis frappé par une chose. Je croise quotidiennement nombre de gens qui bougent, agissent pour le bien public, créent des emplois et qui, pourtant, ne mettent plus les pieds dans les partis politiques. Ils disent ne pas faire de politique mais ils en font certainement plus que moi!' », se souvient Griveaux.
« Et il a voulu remettre ces gens en marche », lâche-t-il dans un rire, encore fier de leur trouvaille. Les deux hommes politiques ne se quittent plus. Le Chalonnais œuvre en coulisse pour créer le mouvement et finit par démissionner en octobre 2016, « divisant son salaire par trois pour la bonne cause ». « Ni matérialiste, ni amateur de montres et de voitures » et sans mandat local, il marche désormais pour celui qui a huit jours d’avance. « Les seules choses importantes : partir en vacances et boire du bon vin. C’est mon côté bourguignon. »
Sciences Po, HEC et Michel Rocard
Avachi dans son grand fauteuil de bureau, Griveaux retrace méticuleusement son parcours. Il tient à le souligner : il n’est « pas issu de la grande bourgeoisie parisienne, mais d’un milieu aisé ». « Dans l’équipe, nous venons tous de province, nous y avons un fort attachement », justifie le quasi quadra. Les parents Griveaux exercent en tant que notaire et avocate dans une banlieue de Chalon-sur-Saône. Si aucun membre de la famille Griveaux n’est engagé politiquement, cela ne les empêche pas de débattre au moment du dîner. D’un père barriste et d’une mère rocardienne, le fils unique gardera une préférence pour les accointances de sa mère.
Lycéen brillant, il refuse de s’engouffrer en série scientifique, préférant la littérature et la philosophie. Une fois son bac littéraire en poche, il préfère passer le concours de Sciences Po à une classe préparatoire.
« Je prenais plus de plaisir à lire des papiers sur la politique économique, sociale, la question européenne plutôt qu’à me plonger dans la littérature kantienne en allemand », s’amuse-t-il.
A Sciences Po, il ne s’engage pas en politique, mais dans un autre combat : celui du bureau des élèves, dont il sera vice-président, avec pour mission principale d’organiser des soirées et autres événements. Il fonde aussi un journal de critiques littéraires, cinématographiques qu’il nomme l‘Autodafé. « J’en ai presque honte, maintenant », pouffe-t-il, amusé de sa fausse impertinence.
Une fois Sciences Po terminé, le jeune chalonnais ne se sent pas encore apte à affronter la vie active. Désireux de connaître le monde de l’entreprise, il intègre HEC où il fait la connaissance d’Olivier Ferrand, fondateur du groupe de pensée Terra nova. C’est d’ailleurs lui qui le présentera à Dominique Strauss-Kahn et Michel Rocard, désireux de créer un nouveau think-thank intitulé « A gauche en Europe » deux ans plus tard en 2006.
Des années de construction intellectuelle et politique pour le jeune diplômé. « Michel Rocard n’avait pas son pareil pour vous raconter l’histoire du syndicalisme, le tout accompagné d’un fond de whisky dès 18 h et d’une cigarette, qu’il me demandait parce qu’il avait arrêté de fumer. »
Un strauss-kahnien en terres montebourgeoises
Profondément attaché à ses racines bourguignonnes, Griveaux se présente aux élections cantonales et municipales à Chalon-sur-Saône qui eurent lieu simultanément en 2008. Engagé sous la bannière socialiste, il doit faire ses preuves. La ville et sa circonscription sont ancrées à droite, l’occasion pour le jeune socialiste de faire ses armes.
« C’est un des charmes du Parti socialiste, raille-t-il, jouant avec son stylo. Faire ses armes au PS c’est perdre des élections pendant 15 ans avant d’avoir le droit d’en gagner une. »
A grands coups de porte-à-porte et de tractages, Benjamin Griveaux l’emporte au second tour avec 57 % des voix. Quasiment aucun meeting mais plus de 6 000 portes franchies et huit à neuf heures quotidiennes durant deux mois. Un peu comme la grande marche, initiée au printemps 2016 par le mouvement d’Emmanuel Macron. Autre petite révolution : l’affiche socialiste n’est pas rose mais bleue, ce qui a beaucoup « perturbé ses supérieurs de l’époque ».
C’est alors qu’il se fait repérer par le président de la Région, François Patriat, qui a rejoint Emmanuel Macron en avril 2016. « Benjamin était jeune et ambitieux, je le voyais tout à fait prendre ma succession à la région, se remémore le Bourguignon. Il avait une vision socio-économique innovante, très sociale-libérale. »
Seulement, Griveaux arrive en terrain miné. La Saône-et-Loire appartient à Arnaud Montebourg, peu enclin à la social-démocratie. « Arnaud respecte les gens qui ne sont pas d’accord avec lui. Cela n’empêche pas les engueulades, les noms d’oiseau volent, mais il apprécie la cohérence et la solidité des engagements », reconnait-il, toujours souriant.
« Je pense que c’est pour ça qu’il est reparti à la fin de ses mandats en 2014 », commente François Patriat. Pour mieux revenir en politique deux ans plus tard, avec un mandat de député et un avenir à tracer.
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